Les EAU, un nouvel Eldorado pas facile à dompter Par notre envoyé spécial à Paris, Moncef MAHROUG
En raison d'un taux de croissance à deux chiffres et des moyens financiers colossaux dont dispose le pays, les Emirats Arabes Unis sont un marché fort alléchant ; mais difficile à conquérir et à maîtriser. En raison notamment de certaines «spécificités locales ». Comme ce qu'un diplomate en poste à Dubaï appelle une certaine «culture du «non-paiement ». Avec le rythme de croissance qu'ils connaissent et les moyens colossaux dont ils disposent, les Emirats Arabes Unis sont à n'en pas douter un bon parti économique et commercial pour tous les pays de la planète. Bon an mal an, les EAU figurent dans le top des clients des principales puissances économiques et commerciales, d'autant que leurs importations progressent à un rythme très soutenu : en 2005, elles ont fait un bon de 27%. Ce qui fait dire à M.Jean-Marc PUPPI, chef de la mission économique française à Abu Dhabi, -lors du colloque sur les «Emirats Arabes Unies : un marché à fort potentiel », organisé mardi 24 octobre par l'Agence Française pour le Développement International (UBIFRANCE)- que les EAU sont Ils sont «un pays de grands contrats, de commerce de biens de consommation et de transit ». Les grands contrats sont liés aux grands projets de développement en cours de réalisation, notamment dans les infrastructures, les hydrocarbures et l'immobilier. Ce dernier secteur représente aujourd'hui de 20 à 25% du PIB. Le pays prévoit d'investir 24 milliards de dollars dans le développement de l'activité pétrolière. Le boom de l'importation de biens de consommation est lié aussi au développement du pays qu'au fait qu'il est devenu avec le temps une plaque tournante commerciale régionale qui réexporte près de 30% (soit l'équivalent de 20 milliards de dollars) de ce qu'elle importe. Le pays est d'autant plus alléchant pour les investisseurs qu'il a des allures de paradis fiscal. «Il n'y a pas de fiscalité, sauf pour l'énergie, les secteurs bancaire et hôtelier. L'impôt sur le revenue n'existe pas, et la TVA est un sujet qu'on aborde de temps à autre pour mieux l'enterrer », précise chef de la mission économique française à Abu Dhabi. Toutefois, cela ne veut pas dire que les Emirats Arabes Unis sont pour les entreprises le paradis sur terre. Loin de là, puisque la pratique des affaires n'y est pas dénuée de contraintes . L'une d'entre elles est que tout investisseur étranger «doit s'associer à un partenaire local majoritaire », précise M.Jean-Marc PUPPI en ajoutant que cette situation «devrait changer à l'avenir ». Ensuite, l'immobilier surtout professionnel- coûte horriblement cher, en raison d'un grand déséquilibre entre offre et demande, surtout à Dubaï. Ce qui amène certaines entreprises à quitter cet émirat pour d'autres au sein de la fédération, d'autant que les propriétaires tendent à imposer des conditions draconiennes aux locataires, comme des augmentations qui peuvent aller «de 15 à 100% ». D'ailleurs, le principal émirat des Emirats Arabes Unis, qui n'était pas il y a quelques années sur la liste des villes les plus chères au monde y figure aujourd'hui en 14ème position. Les entreprises étrangères de petite taille y sont en outre confrontées à un gros problème de financement, car les banques n'avant pas d'argent sans garanties réelles. De plus, les opérateurs étrangers doivent faire particulièrement attention en matière de paiements, en raison de «particularités locales ». La première est que contrairement à ce qui se pratique dans la plupart des autres pays, où, souligne M.Jean-Marc PUPP, «on ne peut émettre un chèque que si on a la provision correspondante », aux Emirats Arabes Unis la provision doit exister au moment de l'encaissement. En outre, l'émission de chèques sans provision n'est pas sanctionnée avec le même degré de sévérité dans tous les émirats des EAU. La deuxième particularité locale est ce que le chef de la mission économique française à Abu Dhabi appelle une «culture du non-paiement » qui l'amène à conseiller aux opérateurs de ne travailler que « sur la base de crédits documentaires ». Une troisième particularité que les Emirats Arabes Unis- ont en commun avec la plupart des pays arabes est l'absence de transparence financière. «Beaucoup d'entreprises n'ont pas de comptes certifiés ou, s'ils le sont, ils ne sont pas fiables pour de multiples raisons », analyse M.Jean-Marc PUPI. Qui en tire la conclusion que les EAU constituent «un marché très prometteur sur lequel il faut rester extrêmement vigilant ».