Nouveaux promoteurs et entrepreneurs déjà actifs dans la Médina investissent principalement dans la création d'hôtels de charme et de restaurants haut de gamme. Marginalisée et menacée dans son existence même, au début des années quatre-vingt, la Médina de Tunis est aujourd'hui une valeur culturelle, urbanistique, immobilière et, partant, économique, très largement réhabilitée et qui ne cesse de monter. Cela grâce au programme de réhabilitation et de restauration mis en place par l'Etat -qui y a depuis investi près de 100 millions de dinars- il y a près d'un quart de siècle, et dont l'Association de Sauvegarde de la Médina (A.S.M.) est le principal acteur. Principale composante de ce programme, le «projet Oukala» -qui a coûté à lui seul la bagatelle de 60 millions de dinars- et qui a permis de reloger ailleurs des familles habitant jadis des habitats menaçant d'effondrement, est aujourd'hui dans sa quatrième phase (2005-2010) qui se caractérise par «l'introduction d'éléments touchant à l'esthétique urbaine», note Mme Samia Yaïch, directrice de l'A.S.M. L'accent y est mis, entre autres, sur la restauration de certains «sabats» et le pavage de certaines rues. Cette politique a suscité, au fil des ans, un regain d'intérêt progressif et a fini par déclencher un mouvement de retours vers la Médina. «De nombreuses personnes -dont beaucoup appartiennent au monde de la culture- ont profité de ce mouvement pour récupérer la maison d'un ancêtre ou en acheter une», note la directrice de l'A.S.M. Cela d'autant plus facilement que les pouvoirs publics ont mis en place une ligne de crédit pour financer de telles opérations ainsi que l'inévitable restauration qui va de pair. Ainsi, plus de 400 personnes ont à ce jour obtenu un crédit -plafonné à 100.000 dinars, remboursable sur 15 ans avec un taux d'intérêt de 5%. Néanmoins, «les bonnes occasions se font aujourd'hui rares», constate Mme Yaïch. Dans la foulée, le capital privé a commencé à s'intéresser à la Médina de Tunis. Du coup, si certaines demeures ont, après leur réhabilitation, retrouvé leur fonction initiale -l'habitat-, d'autres ont été transformées pour accueillir une activité économique -généralement des restaurants ou des cafés. Initié dans les années quatre-vingts dix, ce mouvement d'investissements connaît actuellement une deuxième vague qui a débuté il y a près de deux ans et qui a vu l'entrée en scène de promoteurs de poids, comme Poulina. Après avoir créé un café-restaurant (Hamouda Pacha), le groupe dirigé par Abdelwaheb Ben Ayed a récemment fait l'acquisition de deux demeures en vue d'en faire un hôtel de luxe et un restaurant haut de gamme. Les Abdelkéfi, pionniers dans ce domaine et propriétaire de «Dar El Jeld» et du «Diwan», entrent eux aussi dans une phase d'expansion qui va les voir bâtir un hôtel de luxe, un créneau dans lequel les Belhouane ont été les premiers à investir. Ayant réhabilité la demeure familiale dans le cadre du «projet Oukala», ils en ont fait un hôtel géré par une société créée à cet effet. Mais là où cette famille a réussi à éviter les problèmes d'héritage, beaucoup s'y débattent parfois depuis des années et n'arrivent pas à en sortir. «Le plus dur c'est de procéder à l'assainissement foncier et de mettre d'accord les héritiers», témoigne la directrice de l'A.S.M. Certes, l'Etat peut, en cas de blocage, procéder à une expropriation conformément au Code du patrimoine. Mais «exproprier et restaurer coûtent très cher», souligne Mme Yaïch.