Patron du groupe Alliance, président du Comité France de l'organisation patronale, membre du comité directeur de l'IACE , M. Tarek Chérif, s'exprime dans cette interview sur certains points relatifs à la relation Maghreb-Asie et ce à l'occasion de la tenue de la 22ème session des journées de l'entreprise, du 30 novembre au 1er décembre 2007 à Sousse.
Webmanagercenter : La 22ème session des journées de l'entreprise a eu pour thème «L'entreprise Maghrébine et l'Asie : Défis et Opportunités». En tant que chef d'entreprises, vous focalisez plus sur les défis ou les opportunités découlant du jaillissement du géant asiatique sur le marché international ? M. Chérif : Au cours des journées de l'entreprise, on s'est focalisé sur les deux. Bien sûr avant de parler des possibilités et des perspectives, il faut d'abord parler des défis, parler de la réalité qu'il y a dans le pays et dans la région. Je pense que c'était instructif et intéressant de parler de cette situation et de la comprendre.
En ce qui me concerne, je pense être dans la même situation que toutes les autres entreprises tunisiennes. Evidement, chaque entreprise a des spécificités mais néanmoins ça reste la même façon de voir. Evidement chacun a un peu plus de connaissance au niveau d'un marché ou d'un autre, mais les défis sont à peu près les mêmes pour toutes les entreprises. J'ai eu la chance d'aller plusieurs fois en chine et d'avoir vu cette réalité chinoise qu'on ne peut jamais soupçonner si on n'y va pas et on ne voit pas, et même si on y va, ça change tellement vite qu'il faut aller tout le temps. M. Raffarin l'a bien dit au cours du deuxième jours de cette rencontre, il a dit : « Depuis 1976, je suis ce pays et c'est vrai que ce pays a fait une mutation fulgurante ».
Envisagez-vous, dans les projets de développement de votre groupe, de développer des relations avec les entreprises asiatiques ?
Nous n'avons aucune exclusion au niveau de nos relations. Bien entendu, ça reste des questions d'opportunités mais également de recherche de notre part. Et qui peut aujourd'hui prétendre pouvoir se passer de cette partie du monde ? Je pense qu'on ne doit pas envisager ceci si on cherche le bien de ses entreprises. Nous avons besoin de comprendre et de s'approcher de ces opérateurs économiques qui ont beaucoup de mérite, qui ont une philosophie différente, une culture différente. Ils méritent d'être connus puis associés à notre façon de faire et de vouloir faire et ça ne peut que donner un plus à nos entreprises et à notre économie par voie de conséquence.
Concrètement, y a t-il déjà des projets de partenariat entre des sociétés tunisiennes et des sociétés asiatiques ?
Oui, c'est sur. Je vous cite l'exemple de deux entreprises qui ne sont pas loin de Sousse, et qui sont entrain de fonctionner avec des capitaux tunisiens et asiatiques. Ce sont des entreprises qui fonctionnent, qui exportent et qui font des bénéfices: ce sont des entreprises qui réussissent. Ce qu'il faut c'est multiplier ce genre de réussite parce que c'est avec les réussites qu'on peut bâtir encore et consolider une relation entre les pays ou entre les régions pour le bien des deux pays et pour le bien de tous les partenaires. Notons d'abord, que ce sont des marchés qui n'étaient pas touchés par ces produits. Pour le premier projet, il s'agit de vélos exportés en Europe, c'est un opérateur tunisien qui s'est associé à des chinois et ils sont entrain d'exporter en Europe des quantités extraordinaires, très importantes de vélos. Quand on parle de vélo, on n'en avait pas avant. Quant au deuxième projet, il s'agit de lampes économiques et là aussi la Tunisie n'a jamais exporté de lampes économiques auparavant. Aujourd'hui cette usine est entrain d'exporter en Europe toute sa production et c'est tant mieux parce que c'est une création de richesses, création d'emplois Pour la Chine, c'est une exportation de matière première qu'elle transforme en Tunisie et elle utilise pour cela un encadrement mixte tuniso-chinois et également de la main d'uvre tunisienne et puis une consommation également d'autres matières premières. Donc c'est tout bénéfice pour les deux pays et c'est des positions qui sont acquises en Europe. C'est vraiment une situation de gagnant-gagnant, win-win situation. C'est-ce qu'il faut multiplier.
Oui, mais vous ne trouvez pas que c'est vraiment trop peu deux projets seulement ?
Oui, c'est trop peu, d'où l'intérêt de ces journées, c'est pour cela qu'on les a programmées. On s'est dit, qu'il y a encore beaucoup à faire, et ce n'est pas parce qu'on a créé ces journées de l'entreprise qu'il faut s'arrêter. Il y a encore beaucoup à faire, comme je l'ai dit et d'autres intervenants l'ont dit : il faut multiplier les occasions où on peut encore se connaître, où on peut envisager des projets communs, où on peut partager des visions sur des parties du monde. En ce qui nous concerne en tant qu'opérateurs économiques, le monde d'aujourd'hui, c'est des créations de richesses, c'est les créations de projets, c'est des rapprochements, des fusions, des rachats, des ventes, c'est du commerce. Et c'est en faisant toutes ces opérations qu'on créé des richesses, des emplois, des occasions pour les uns et les autres pour encore prospérer et avancer et se développer.
A l'occasion de ces journées, est-ce qu'il y a eu des contacts primaires pour d'éventuels projets communs entre des opérateurs tunisiens et asiatiques ?
En ce qui me concerne non, mais pour les autres probablement oui, puisqu'il y avaient des opérateurs qui sont venus d'une dizaine de pays et même plus à savoir : le Maroc, l'Algérie, la Libye, l'Egypte, la Mauritanie, le Yémen, ceci en plus de pays africains. En ce qui concerne la région asiatique, ils y avaient quasiment tous les pays qui étaient présents et bien présents avec des délégations très importantes. Je considère qu'ils y avaient sûrement des occasions qui se sont créées entre les gens. Je n'ai pas de détails mais je le souhaite vivement et j'espère qu'on va multiplier dans l'avenir ce genre d'opérations parce que c'est ce qui permettra aux uns et aux autres d'avancer et de créer encore des projets communs ou des opportunités d'affaires ou des opportunités de commercer qui sont bien pour les deux régions.
Je ne veux pas oublier à la fin d'attirer l'attention sur le côté touristique qui est un côté potentiellement très important et pour lequel là aussi il faut créer des occasions mais plus spécifiques pour le tourisme, et ce pour essayer de voir comment la Tunisie peut capter cette clientèle qui est une clientèle qui va de plus en plus voyager comme l'a dit l'un des intervenants chinois. Il a dit que dans quelques années (2010), il y aura 100 millions de chinois qui vont partir à l'étranger, et ceci à court terme c'est-à-dire dans 2 ou 3 ans.
Si on peut capter un petit pourcentage, vous allez voir quel chiffre ça fera pour la Tunisie. Mais pour cela, il faut aller voir ces gens, il faut parler avec eux, il faut parler leur langue, il faut comprendre leur mentalité, leur histoire, leur philosophie et ce pour pouvoir gagner cette clientèle. Il faut tout prendre en considération : le tour operating, le voyage, l'hôtellerie sur place qui doit s'adapter à leurs besoins, à leurs repas, à leurs volontés. Il faut comprendre tout cela pour essayer de les capter et de les mettre dans les meilleures conditions. Pour le tourisme, je pense il faut l'envisager peut être avec des pays voisins soit maghrébins soit des pays européens ou peut être les deux, pour essayer de donner une offre, un package qui peut intéresser les chinois.