Accusée de tous les torts, l'hôtellerie tunisienne est aussi mise à mal par les vinicultures. Le problème semble assez simple : Il y a, d'une part, une surproduction de vins qu'un marché local limité tire à la médiocrité par des consommateurs peu initiés et des professionnels du tourisme qui sont «majoritairement des acheteurs de prix et non de vins et un marché à l'export très difficile à percer». En amont, les millions de touristes, à qui on sert du vin de table en vrac de mauvaise qualité, sont des ambassadeurs en puissance. S'ils ne prennent pas l'initiative de découvrir par eux-mêmes des vins de qualité, s'en tenant à ceux servis dans les «all inclusives» des côtes de Hammamet, Sousse, ou Djerba, ils gardent un 'souvenir très approximatif' et incendient des produits qu'ils connaissent si peu. Les vins tunisiens se retrouvent injustement face à une mauvaise presse, et ignorés par des circuits de distribution ou de restauration en Europe. Ces touristes, dans leurs pays respectifs, n'en créent pas la demande dans leurs pays d'origine.
Il est à considérer que, pour une bonne bouteille, il faut débourser autour de 20 à 25 dinars tunisiens alors que ces clients paient 15 à 20 dinars pour une pension complète par jour, dans bon nombre d'hôtels. Les vins étant taxés, surtaxés, alors que les prix des hôtels tunisiens sont bradés et sur bradés.
Entre quelques salons spécialisés, le laboratoire qu'il ne quitte jamais des yeux, «M. Ludo» comme l'appellent le personnel du Domaine Ceptunes, avec qui il échange des poignées de main chaleureuses, garde un petit bout de sa France natale dans une petite malle qui traine dans son bureau. Il en sort, revues, guides des vins et semble se ressourcer pour rêver les yeux ouverts à introduire, un jour, un vin tunisien dans l'une des bibles du vin dans le monde. C'est son challenge. «Les vins tunisiens n'ont plus à rougir. A l'aveugle, je défie bien des sommeliers de soupçonner que ces vins soient d'origine tunisienne», déclare-t-il. «Il n'y a aucun souci à atteindre une qualité d'exception. La pente est en voie d'être remontée, mais le vin tunisien souffre du manque d'image, voire d'une image négative».
Fort heureusement, quelques hôtels et restaurants commandent des cuvées spéciales, et personnalisent les vins avec leurs propres étiquettes. Le vin reste aussi un beau cadeau de fin d'année et la course aux coffrets les plus beaux est ouverte. Il orne aussi magnifiquement les boutiques off shore des principaux aéroports internationaux du pays.
Quand le vin est poussé vers l'excellence, il finit par donner des ailes à la marque, au domaine et par voie de conséquence un positionnement à une destination touristique. A titre d'exemple, le célébrissime GAULTMILLAU, guide de voyage et bible des produits, consacre un paragraphe au vin du Domaine Kurubis, le sélectionnant parmi 500 vins venus du monde entier.
Gratifié d'un commentaire élogieux, le classant parmi ses «grands coups de cur», ce coup d'éclat est dû à KURUBIS, dernière-née des SMVDA Kurubis est une jolie aventure à trois : Fruit d'un partenariat tuniso-franco-belge ou «quand la mixité culturelle est mise au profit d'un produit aussi subtil et complexe que le vin».
Issu d'une famille tunisienne intimement liée à la viticulture depuis plusieurs générations, M. Rached LAGHA est le propriétaire du vignoble. Les seconds installés en France possèdent leur domaine à Bordeaux, et Mme Chamberland, installée en Tunisie depuis quelques années, gère le domaine et veille au cahier des charges nécessaires à l'élaboration des vins du domaine.
Ressemblant plus à un mannequin qu'à un ingénieur agronome, il ne faut pas se fier aux apparences, la maîtresse des lieux dirige le domaine, avec une main de fer dans un gant de velours. Les succès réconfortent les promoteurs, quant aux choix de la qualité qu'ils ont pris le pari de relever. «Tout a été mis en place pour, déclare-t-elle, Quand même pas au point de se voir si vite récompensé d'une médaille d'or au Salon mondial du Rosé».
Un positionnement intelligent et clairement haut de gamme, les bouteilles du domaine se vendent à l'export et se trouvent au compte goutte sur les principales tables de Tunisie. L'absence de la distribution a été largement mûrie et voulue, procurant à la marque une dimension «produit exclusif» qu'ils cultivent avec précision. Un investissement de plus de 400 mille euros pour une cave qui ne produit pour le moment que 80 mille bouteilles, sachant que leur capacité est de 150 mille bouteilles. Au fait, au cas où, comme moi, vous vous demandiez que veut dire Kurubis, c'est tout simplement Korba en Latin, avec un petit arrangement avec le K par souci d'esthétisme.
Dès qu'une clientèle initiée découvre les vins tunisiens de qualité, elle tombe sous le charme. «Notre clientèle est initiée, curieuse, et les découvertes qu'elle fait l'enchantent», déclare Ezzedine Abdelkefi, premier sommelier tunisien à exercer en Tunisie, en qualité de chef sommelier au restaurant «DAR EL JELD» (www.dareljeld.tourism.tn).
29 ans, une prestance naturelle et un franc parlé agréable. Il déclare: «On est vraiment en train de faire quelques chose de bien. D'ailleurs, contrairement à d'autres, je refuse pour le moment d'importer des vins étrangers qui, surtaxés, deviennent excessivement chers, ce qu'ils sont sous prétextes qu'ils soient français ou italiens. De ce fait, je n'hésite pas à reprendre ma carte quand je découvre un nouveau produit».
Après l'Ecole hôtelière de Sidi Dhrif, M. Abdelkéfi fait une formation à l'école Paul Augier en France et réussit au concours de sommellerie en 2004. Travailler dans le projet familial a toujours été son objectif. Espérant se reconvertir un jour, dans l'enseignement, il regrette que la formation dans le domaine du vin reste le parent pauvre des métiers de l'hôtellerie en Tunisie.
D'ailleurs, il n'y a visiblement pas de formation spécifique aux métiers du vin dans les instituts de formation hôtelière tunisiens étatiques et privés. La spécialité étant étudiée sommairement, en tant que matière avec les métiers du bar. Le vin est un produit vivant qui se détériore si on lui mène la vie dure. Les conditions de sa conservation sont aussi très souvent lamentables, se plaignent les professionnels du vin.
A quelques exceptions près, les acheteurs de vins des hôtels n'y connaissent pas grand-chose et le vin, s'évertue-t-on à m'expliquer, «ne peut pas s'acheter comme des pommes de terre ou du sucre en poudre», laissent éclater leur colère quelques producteurs.
Choisir, présenter, conserver les vins. Tout un art Des tâches importantes dans le métier de la restauration et l'hôtellerie qui sont quelque peu marginalisées. Un cours a cependant été animé dans les instituts de formation pendant plus de 4 ans suscitant l'intérêt et l'approbation des élèves et de leurs futurs pourvoyeurs d'emploi. Le cours a été suspendu pour des raisons budgétaires, alors que des budgets énormes continuent d'être alloués pour des intervenants étrangers qui continuent d'organiser des stages d'initiation et de perfectionnement dans quelques structures privées.
Mal présentée, et desservie par ses propres chevaliers, l'hôtellerie tunisienne reste tout de même la vitrine des vins tunisiens. Quels que soient les efforts fournis en matière de qualité, packaging, communication, etc.
Si les relais ne s'activent pas correctement, nos vins resteront malheureusement à la traîne, avec un goût de gâchis énorme.
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