Vivant depuis près de vingt-cinq ans à Paris, M. Elyès Jouini n'a jamais rompu le cordant ombilical avec la Tunisie. Toutefois, ce brillant universitaire, actuellement vice-président de l'Université Paris-Dauphine, y devient de plus en plus visible depuis quelques années. Et a, désormais, une raison supplémentaire de s'y rendre encore plus souvent à l'avenir. Car ce mathématicien doublé d'un économiste, a fait, le 16 décembre 2008, son entrée au conseil d'administration de la Compagnie Méditerranéenne d'Assurances et de Réassurances (COMAR), après s'être fait coopter par ceux de la Société du Magasin Général (SMG) et Altran Telnet Corporation. Elyès Jouini entre dans le monde très feutré de l'entreprise tunisienne en général, et de la banque en particulier, en 2006, à l'initiative de M. Faouzi Belkahia, alors président-directeur général de la Banque de Tunisie (BT). Les deux hommes font connaissance au début des années 2000, à la faveur d'une étude sur le secteur de l'assurance dont le ministère des Finances avait chargé M. Jouini et qui amène celui-ci à rencontrer les principaux assureurs de Tunisie, parmi lesquels le patron de la BT, actionnaire de référence d'Astrée. Les deux hommes s'étant appréciés, M. Belkahia envisage un moment de faire entrer Elyès Jouini au conseil d'administration de cette Compagnie d'Assurances et de Réassurances, mais finit par lui proposer d'intégrer celui de la banque. L'universitaire accepte «avec plaisir, car la BT est une très belle banque, particulièrement saine, et constitue la plus grande capitalisation boursière. » Presqu'au même moment, il entame une expérience similaire en France, avec ELAIA Partners, une société indépendante de capital investissement focalisée sur les technologies logicielles. Une nouvelle page s'ouvre ainsi dans le très riche parcours de ce surdoué à la réputation déjà solidement ancrée dans le monde universitaire, tant en Tunisie qu'en France où il a été le fondateur de l'Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE). En effet, ce normalien, diplômé de la prestigieuse Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, à Paris, et désigné en 2005 meilleur jeune économiste de France, siège ou a fait partie d'une multitude d'organismes français (Conseil Supérieur de la Science et de la Technologie, attaché au président français ; Conseil de l'Analyse Economique, relevant du Premier ministre français, Comité Scientifique de la Fondation de la Banque de France, etc.) qui ne le sont pas moins. La première expérience d'administrateur d'une entreprise, en l'occurrence une banque, s'achève au printemps 2008, avec la fin de son premier et unique mandat à la BT, et de celui de M. Belkahia qui l'y a fait entrer deux ans plus tôt-, remplacé en avril dernier par M. Alya Abdallah. Mais quelques mois avant cet épilogue, Elyès Jouini se laisse convaincre, en 2007, de rejoindre un autre conseil d'administration, celui de la SMG, que les groupes Bayahi dont il est proche- et Poulina venaient de racheter. Camarade de classe au lycée de Mutuelleville- du benjamin des Bayahi Taïeb-, Elyès Jouini a par la suite fait la connaissance de ses frères aînés Tahar et Yahia. Cette amitié finira par ouvrir la voie à une fructueuse collaboration. Après une mission de conseil en faveur de la compagnie d'assurances Lloyd, reprise en 2001 par les Bayahi, lors de sa privatisation, l'universitaire a de nouveau été mis à contribution à l'occasion des préparatifs de lancement de TPS, société du groupe spécialisée dans la construction, l'aménagement et la gestion de parkings et centres commerciaux. Elyès Jouini conseille alors la société ayant effectué les études de marketing quantitatif. De plus en plus sollicité, l'universitaire-administrateur fait son entrée, après la banque et la grande distribution, dans le monde des technologies de l'information et de la communication. Et même si elle est loin, encore une fois, d'avoir été déterminante, comme dans les précédents cas, l'amitié a contribué un tant soit peu à faire atterrir Elyès Jouini, début 2008, au conseil d'administration d'Altran Telnet Corporation, la joint-venture créée par le groupe français Altran et Telnet.. Les deux partenaires voulaient «faire entrer au conseil de leur joint-venture une personnalité à l'interface de la France et de la Tunisie, ayant un degré d'ouverture sur les aspects tant technologique et financier», explique le vice-président de Paris-Dauphine. Mohamed Frikha, directeur général de Telnet, ne pouvait pas ne pas ne pas penser à son ami de presque trente ans, qu'il a connu alors que les deux étaient étudiants à Paris. Humble, il estime recevoir autant qu'il apporte à ces entreprises qui ont appel à lui. En tout cas, il ne s'ennuie pas parce que les situations qu'il vit donc les sollicitations- diffèrent d'une entreprise à une autre. Ainsi, à la BT, il a fait partie, outre le conseil d'administration, du Comité Permanent d'Audit qui assurait, à la fois, la coordination avec les commissaires aux comptes et la supervision du travail interne de mise en adéquation de l'organisation et du fonctionnement de la banque avec les règles édictées par la Banque centrale. A la SMG, il est plutôt appelé à participer à des brain-stormings. Un mode de fonctionnement qu'il impute au fait que «la société, certes ancienne, constitue du point de vue des repreneurs un nouveau projet dans lequel il y a un grand effort de renouvellement à conduire». D'autres organismes et entreprises sollicitent l'universitaire de manière plus ponctuelle, notamment en lui confiant des études. C'est ce qu'a fait en 2001, par exemple, le groupe Batam «qui avait souhaité mettre en place des outils de scoring, c'est-à-dire de mesure, du risque crédit», pour élaborer des critères permettant de distinguer, parmi les 500 000 clients figurant dans la base de données du groupe, les bons, auxquels on pouvait faire crédit, et les «risqués». Ce travail devait, d'après le donneur d'ordre, préparer le terrain au développement en partenariat avec une banque de la place- d'une carte de crédit avec paiement en fin de mois. L'étude a bien été réalisée, mais le projet n'a jamais vu le jour. Car, entretemps, Batam avait commencé à sombrer dans la crise qui avait finit par l'emporter.