Après l'été, sa séance unique, sa chaleur et ses coups de sirocco, place maintenant au mois du ramadan avec sa séance unique avec aussi, les nerfs à fleur de peau, les courses au marché et/ou au supermarché (en attendant les magasins de prêt à porter et des chaussures dans quelques jours). Exactement comme en été, le Tunisien profite de ce mois de séance unique pour moins travailler . Le prétexte de la chaleur est remplacé par la fatigue due à la faim. Celui des veillées nocturnes demeure valable quant à lui et il n'est pas rare de voir les gens somnoler au bureau à partir de 9-10 heures du matin. Une fois la somnolence disparue, place aux discussions de l'épisode du feuilleton de la veille. Si certains hommes sont de parfaits entraîneurs de football (Comme on le constate chaque lundi, aux lendemains de matchs), certaines femmes, elles, sont de parfaites cancanière. Après la critique, place aux éternelles et classiques questions relatives aux plats cuisinés et à cuisiner. «Qu'as-tu fait hier pour le dîner ? Tes enfants mangent ça ? Les miens le refusent ! Moi mes enfants mangent tout ! Les miens ne mangent rien ! Mon mari se métamorphose en fin gourmet et n'arrête pas de me dicter ses caprices croyant qu'il s'est marié à un cordon bleu». Une fois les idées bien en place, des coups de téléphone sont donnés pour le management du dîner. On quitte le bureau et on y retourne quelques heures plus tard, des sacs pleins dans les mains. Il est 11 heures midi, on commence à regarder les horloges qui n'avancent toujours pas ! C'est l'heure des journaux pour lire les faits divers et les pages sportives. Il n'y a rien dans ces journaux ? Tous les journaux se ressemblent, alors on passe aux mots fléchés et mots placés. Les clients réclament leurs marchandises ? Le boss exige en criant de désespoir le travail planifié l'avant-veille ? « C'est le ramadan, qu'ils comprennent ! Ils ne jeûnent pas ou quoi ? Pensent-ils donc que nous sommes des robots ? C'est quoi ces libéraux qui n'ont aucune fibre sociale ?». Ce genre de scène (spectacle) n'est nullement étranger à notre paysage administratif : on le voit quotidiennement dans plusieurs administrations tunisiennes, notamment publiques. Si dans le privé, on feint de travailler, dans le secteur public on ne fait même pas cet effort. Rendez vous sur le coup de s 11 heures dans les bureaux de certaines administrations, et constatez le vide ! Passez ensuite au premier marché que vous rencontrerez et constatez la foule de gens qui s'y bouscule comme si c'était un dimanche et ou un jour de congé. Les scènes ne sont pas nouvelles. Au contraire. Elles datent de plusieurs décennies déjà et elles ne sont pas encore révolues en 2004. Alors que le monde entier parle de croissance, de productivité, de concurrence, de délocalisation, nous paressons au nom de la tradition. Ramadan, mois de piété par excellence est synonyme chez nous, en Tunisie, de profits illégitimes pour certains commerçants, farniente, laisser-aller et gourmandise aveugle pour certains citoyens. Si l'on ne peut discuter et négocier la séance unique ramadanesque (contrairement à celle de l'été) il est clair qu'on devrait au moins discuter productivité durant ce mois saint qui est synonyme de travail, de sérieux et d'efforts. Le jeûne ne devrait en aucun cas toucher à la productivité. Pourquoi alors continue-t-on, depuis des décennies, à ne pas travailler et à évoquer le ramadan chaque fois qu'on nous demande davantage de travail ?
«A cause des heures réduites et de la séance unique» diront les moins conscients ! A l'échelle nationale, trois mois de séance unique par an, pèsent très lourd. Et en temps de compétitivité internationale et l'entrée sur scène de la Chine (où l'on travaille 12-15 heures par jour 7 jours / semaine), il faudrait réfléchir à une formule qui n'offre pas nécessairement plus d'heures de travail (toute l'Europe va vers les 35 heures) mais qui offre davantage de productivité en prenant en considération les aléas et les us et coutumes du pays.
Il est malheureusement clair qu'aujourd'hui, le Tunisien demeure réticent à l'idée d'un travail effectif et sérieux, durant l'horaire allégé du ramadan. Idem pour l'été. C'est une donnée, c'est un fait ! Sans donc remettre en question les acquis sociaux hérités des anciennes générations, nos économistes devraient s'évertuer à compenser la perte du temps sèche qui dévore le quart de l'année (trois mois sur douze !) avec les notions de productivité-compétitivité. Mais vu que nos économistes sont en train de jeûner ce serait peut être trop leur demander!