La Chambre syndicale nationale des SSII tunisiennes 'INFOTICA'' a organisé vendredi dernier un atelier ayant pour thème 'Image de la Tunisie en tant que destination TIC'', et ce en présence, outre des représentants de la profession, de Mmes Lamia Chaffai, secrétaire d'Etat après du ministre des Technologies de la Communication, chargée de l'Informatique, de l'Internet et des Logiciels libres, et Mongia Khemiri, Directeur général de la FIPA. Dire aujourd'hui que les technologies de l'information et de la communication constituent un secteur stratégique en Tunisie est un euphémisme. Force est de constater cependant que le secteur TIC, à la différence des autres secteurs, comme le tourisme par exemple, a pu se développer par ses propres moyens, c'est-à-dire sans soutien financier des pouvoirs publics. En organisant cet atelier, l'INFOTICA a-t-elle voulu, entre autres, attirer davantage l'attention des pouvoirs publics sur l'importance du secteur, un appel d'air en quelque sorte? C'est fort possible, un participant a indiqué deux chiffres qui méritent réflexion. En effet, le tourisme contribue à hauteur de 6,2% au PIB national contre 10% pour le secteur des TIC. Pourtant, le premier bénéficie d'un ambitieux programme de promotion à l'international, ce qui n'est pas encore ou suffisamment en tout cas pour le cas pour le second. Passons ! Maintenant voyons, à travers l'exposé de M. Riadh Sifaoui, un Tunisien établi en France, invité par INFOTICA, comment les multinationales choisissent un site pour s'y installer. L'intitulé de la présentation de M. Sifaoui, c'est 'Démarches et critères entrants dans le choix d'une destination TIC : vue des Groupes multinationaux''. A y regarder de plus près, on comprendra que la Tunisie a une jolie carte à jouer, même si tout n'est pas facile. Pour commencer, M. Sifaoui souligne tout d'abord que dans leurs 'décisions d'externalisation/délocalisation/destinations'', les multinationales suivent une démarche composée de trois axes : sourcing, transformation et destination. Pour le sourcing, on étudie l'éligibilité du domaine: il s'agit de retenir en interne (in-house) car critique pour la conduite des affaires du client ou ayant une nature trop spécifique ; puis d'externaliser (outsourced) car non critique pour le business du client ou correspond parfaitement à un critère d'externalisation. Concernant la transformation, on procède à l'évaluation du potentiel d'optimisation des domaines: ceux actuellement exécutés avec l'efficacité et la stabilité requises ; et ceux ayant un fort potentiel d'optimisation (re-engineering). Enfin, la destination, il s'agit de voir les domaines destinés à être exécutés: - au niveau local (ex: dans le pays) et/ou sur site ; - au niveau régional et/ou en nearshore ; - au niveau global et/ou en offshore. A partir de là, M. Sifaoui tire une première conclusion et souligne qu'''une analyse détaillée devrait alors être conduite pour sélectionner les sites et destinations spécifiques, à chaque niveau''. Ensuite, 'en fonction du positionnement du domaine sur la matrice, des prestataires potentiels devraient alors être sélectionnés selon une liste de critères spécifiques''. Par la suite, M. Sifaoui fait une différence entre outsourcing et location, d'une part Faible besoin de réactivité (travaux en liste d'attente et par lot) Faible sensibilité aux fuseaux horaires Réduction de coûts importante Travaux pouvant se faire en dehors du pays mais forte sensibilité aux fuseaux horaires Travaux devant rester dans le pays pour des raisons stratégiques, politiques ou réglementaires ... et outsourcing et transformation, d'autre part : Fort potentiel pour transformer les processus, méthodes, outils Réduction de coûts supplémentaires (gains de productivité, ) Dépendance sur des prestataires ayant des capacités à conduire/accompagner des chantiers de transformation Dépendance sur des prestataires à bas coûts. Pour ce faire, l'orateur indique dans son analyse qu'il y a à la fois des pré-requis (tels que les coûts salariaux, le coût foncier et immobilier, le taux de croissance du pays, le taux d'inflation, le coût des infrastructures techniques ) et des critères génériques (aspects juridiques et fiscaux, disponibilité de compétences locales, maîtrise des langues étrangères, stabilité et clarté des règles du jeu business, attractivité de la destination en termes d'infrastructures générales, de transport, et d'ouverture, ... Pour conclure son exposé, M. Sifaoui retient trois éléments clés qui sont pris en compte dans les décisions de sélection d'une destination par les grands groupes internationaux, à savoir : une offre foncière et technique globale (à la pointe, compétitive, extensible et disponible de suite) ; un flux de compétences (qualifiées, compétitives, et stables) et un cadre juridique et fiscal incitatif, lisible, et pertinent. Il estime également que ces éléments doivent faire partie d'une offre destination - Packagée (sous un programme unique) - Standardisée (pour faciliter la compréhension des conditions: ex: m2 est à X Dinars/an, le MBps est à X Dinars/mois, ) - Identifiable et accessible (disponibilité et fiabilité des informations) - Gérée (à qui s'adresser, guichet unique, ) - Déclinable en réseau avec d'autres destinations offshore. En outre, ces éléments doivent constituer une proposition de valeur unique et différenciée des autres destinations nearshore (important de mettre en avant les compétences clés et les avantages pays offerts ; important que cette proposition de valeur devienne la «signature» destination facile à comprendre et à se rappeler) Puis, cette offre devrait être communiquée et expliquée (directement auprès des acteurs principaux du domaine et groupes utilisateurs (outsourceurs, intégrateurs, conseil, groupes MNC), tout en étant crédibilisée (à l'aide de témoignages de premier plan contribuant ainsi à créer un effet d'entraînement). Pour notre expert, cela est à même de créer une image auprès des clients prescripteurs et utilisateurs finaux. "Le manque d'image est souvent équivalent à une image négative (car les pays émergeants/en développement ne sont pas généralement associés aux TIC)", conclut M. Sifaoui. Au cours des débats, beaucoup de questions ont été soulevées : manque de taille critique des SSII tunisiennes, manque d'appui à l'exportation, leur manque de spécialisation, insuffisance des infrastructures, manque de formation en TIC, manque de coordination entre acteurs TIC Face aux différentes insuffisances du secteur, les participants ont proposé plusieurs pistes de réflexion. C'est ainsi que M. Mondher Ben Ayed, PDG de TMI, appelle notamment à renforcer l'existant, les fondamentaux, car selon lui, la Tunisie s'est déjà fait une image dans les TIC, il faut la consolider. A ce titre, M. Ben Ayed demande à ce qu'on remédie, par exemple, au problème d'infrastructures (essentiellement celles des télécoms), de formation d'ingénieurs. Un autre intervenant propose que la Tunisie constitue la liste des 500 multinationales les plus importantes dans le secteur des TIC dans le monde et que cette liste soit étudiée puis gérée par les hautes autorités du pays. Il faut également fédérer les acteurs et actions dans le secteur (ministères des TIC, du Développement et de la Coopération internationale, Enseignement supérieur, FIPA, INFOTICA, les ambassades tunisiennes ), ce qui permettrait de rendre l'offre tunisienne de TIC à la fois standardisée et homogène. Sur ce plan, il a été proposé de mettre en place un guichet unique qui devrait être géré par des hommes et des femmes hautement qualifiés et compétents. Toujours au chapitre des propositions, il a été recommandé, entre autres, d'utiliser des Tunisiens établis à l'étranger et spécialisés TIC, de diminuer le nombre des salons spécialisés TIC en les regroupant en un ou deux salons seulement, de travailler l'image des TIC en Tunisie même avec des slogans forts et percutants (comme celui utilisé il y a quelques années dans le tourisme 'Tunisie amie''), et surtout de se donner les moyens financiers à la hauteur des enjeux.