M. Afif Chelbi, ministre de l'Industrie, de l'Energie et des PME, ne rate aucune sortie publique sans plaider pour un «made in euromed», un mécanisme de règlement sur le marquage des produits textiles importés d'Etats tiers. Plus connu sous l'appellation anglophone «made in»- Europe, ce règlement a été initié par quelques pays européens et avait pour objectif de protéger les consommateurs européens de la contrefaçon et les entreprises européennes du dumping social. Ce règlement made in euromed, pour peu qu'il soit institué, a pour avantage de protéger toute la zone des importations sud-est asiatiques et de consacrer dans les faits la solidarité entre les rives sud et nord de la Méditerranée. M. Chelbi, qui intervenait dans le cadre du colloque annuel du magazine L'Economiste maghrébin sur le thème «Tunisie- Maghreb Europe: Quelles réponses communes à la crise économiques ?», a conditionné la mise en place d'un «made in euromed» à la capacité des Sud-méditerranéens et aux Maghrébins, en particulier, à bâtir en commun une stratégie de négociation efficace face à l'Union européenne et à développer le libre-échange intra maghrébin (7 mai 2009). Néanmoins, la proposition de M. Chelbi remet sur la table ce fameux règlement «made in»-Europe aux relents protectionnistes et met les Européens devant leurs responsabilités quant aux engagements pris dans le cadre de leur association avec les pays du sud de la Méditerranée. Un élément d'histoire mérite d'être cité : il faut dire que ce règlement a été sévèrement critiqué, dans sa forme initiale, par plusieurs membres de l'Union européenne. Parmi les pays qui bloquent ce projet figurent l'Allemagne, la France, le Danemark, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Suède. Et pour cause, ce règlement, pour peu qu'il soit appliqué, peut avoir des effets négatifs pour les nombreux industriels européens, détenteurs de marque et ayant développé des stratégies de partenariat avec la rive sud de la Méditerranée, c'est-à-dire la quasi totalité des entreprises européennes du secteur textile-habillement. Cette disposition risque de compromettre les implantations en Tunisie de griffes célèbres telles que Aubade, Lacoste, Benetton, et autres . Idem pour les centrales d'achat et hypermarchés qui s'approvisionnent en produits textiles dans les pays du côté-ci de la Méditerranée en produits textiles à des prix compétitifs avant de leur greffer leurs enseignes. Ces géants de la grande distribution risquent également d'être lésés. Pour mémoire, ce projet de règlement concerne, entre autres produits, les vêtements et les matières textiles importés de pays tiers, à l'exception des marchandises originaires du territoire des Communautés européennes, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Turquie et des parties contractantes et des parties contractantes de l'accord de l'Espace économique européen (Islande, Norvège, Liechtenstein). A travers ce règlement, les initiateurs européens de ce règlement se cachent derrière de nobles principes. Ils entendent s'assurer de la bonne qualité du produit, de sa non fabrication par des enfants ou des travailleurs forcés, de son respect des normes environnementales et de sa non dangerosité. Il s'agit également pour l'Union européenne d'aligner sa législation de l'origine sur celle des pays (comme les Etats-Unis, le Canada) et de lutter contre les fausses origines et la contrefaçon. Les opposants à ce règlement sont pour la plupart des associés de l'UE au sud de la Méditerranée (pays du Maghreb entre autres). Dans la déclaration de Tunis (avril 2007), ces pays jugent ce règlement «inopportun» et estiment qu'outre les surcoûts qu'il générerait, il ne manquerait pas, une fois adopté, de pénaliser et de discriminer le Maroc et la Tunisie, de porter un coup dur à la solidarité euro-méditerranéenne et de doper la compétitivité de pays concurrents qui en seront exonérés (Turquie, Roumanie, Bulgarie...). C'est pour dire que le made-in euromed proposé par M. Chelbi constitue un beau compromis propre à conférer à l'association Union européenne-sud de la Méditerranée plus de cohérence et plus de solidarité.