De plain-pied dans les négociations sur la libéralisation du secteur des services avec l'Union européenne, la Tunisie devrait donner, bientôt, le coup d'envoi de la mise à niveau du secteur. La sélection des 100 entreprises, qui seront concernées par la phase de diagnostic, devrait être effectuée durant le premier trimestre 2010. A cet égard, un appel a été lancé, lors de la conférence nationale tenue le 18 novembre 2009 au siège de l'UTICA, aux entreprises de services a déposer leurs dossiers de candidature. Une phase de pré-diagnostic sectoriel sera entamée par la création de comités sectoriels qui seront chargés de l'identification des entreprises sélectionnées. Cette phase servira de base d'étude du positionnement stratégique de chaque secteur d'activités dans les services tout en identifiant les obstacles à l'export et en proposant des plans d'action concernant le programme de mise à niveau. Durant cette phase de diagnostic, il sera question de définir les indicateurs de performance et d'effectuer des approches de benchmarking international afin de déterminer le gap dans le domaine de la compétitivité et du développement international. Un projet d'un guide de diagnostic sera ensuite réalisé. D'un autre côté, le programme de mise à niveau vise à étudier les cadres juridiques régissant les activités du secteur avec l'implication de 17 experts tunisiens. Sur ce plan, une base de données juridiques du secteur ainsi qu'une évaluation du contenu des textes ont été réalisées. Un projet de plan d'action pour développer les textes juridiques sera mis en place fin 2009 début 2010. Le programme de mise à niveau vise, également, à mettre en place un système d'information spécifique pour le secteur par l'établissement d'un système de veille normative et réglementaire mais aussi des données pratiques pour l'intelligence export. Un système statistique sera, ainsi, mis en place avant fin juin 2010. Une faible productivité et une faible intégration mondiale Autant dire que cette mise à niveau est indispensable pour la pérennité de l'entreprise tunisienne face à la libéralisation; mais elle est aussi importante pour l'économie en général du fait de sa relation avec le secteur de l'industrie. Une importance qui découle, aussi, de l'habilité qu'a ce secteur à générer une valeur ajoutée pour l'avenir. Il faut rappeler d'ailleurs que le secteur contribue à hauteur de 60% dans le PIB et de 50% dans les investissements. Il a, ainsi, attiré 49% de la main-d'uvre active tout en générant 67% des nouveaux emplois. Sa part dans les exportations s'élève à 26%, soit une contribution à hauteur de 69% dans le taux de croissance. Selon M. Ridha Ben Mosbah, ministre du Commerce et de l'Artisanat, la contribution du secteur dans le PIB, à l'horizon 2016, devrait atteindre 64,2% et 53% du total des investissements, ainsi que 28% de la valeur des exportations (marchandises et services) à fin 2011 et 30% à fin 2016. Mais si le secteur a autant d'atouts sur le plan national, il n'en demeure pas moins que certaines lacunes persistent et, de ce fait, doivent être identifiées pour garantir et développer la compétitivité de l'entreprise tunisienne face à son homologue européenne. M. Mondher Khanfir, conseiller au commerce extérieur, le montre bien en estimant qu'il existe encore des difficultés de classification des services mais aussi concernant la faible part des exportations des services. «Même si l'emploi dans le secteur des services a augmenté au cours de l'actuelle décennie plus rapidement que dans les autres secteurs, sa contribution au PIB marchand a évolué au même rythme que le reste des activités économiques, temoin du manque de productivité de ce secteur. Ce qui nous ramène à un premier enseignement concernant l'existence d'un manque à gagner en termes de croissance et d'emploi à cause de la faible productivité du secteur et sa faible intégration mondiale», précise-t-il, en affirmant que la tertiarisation de l'économie est une tendance forte manifestée essentiellement sur ce qu'on appelle une nouvelle économie basée sur les services et sur la consécration de chaînes de valeur mondiale. A la fin août 2009, l'investissement dans le secteur des services a atteint 852,8 millions de dinars (MDT), contre 664,3 MDT durant la même période de 2008, soit une augmentation de 28,4%. Le nombre d'emplois créés durant la même période s'est accru de 4,2%, atteignant 28.446 postes, contre 27.287 pour les huit premiers mois de 2008. Des opportunités et des menaces Pour M. Khenfir, autant d'opportunités que de menaces existent avec la libéralisation des services. Les opportunités ont trait à la défragmentation et la tertiarisation des chaînes de valeur, le recours aux actifs immatériels et à la montée des TIC. Les menaces ont trait à la complexité des dispositifs réglementaires, les barrières non tarifaires et l'exposition aux risques internationaux. «Pour intégrer les chaînes de valeur mondial, les entreprises tunisiennes auront besoin de développer les avantages compétitifs basés sur les ressources spécifiques et à leur industrie plutôt de se baser sur les ressources du pays. Il faudrait formuler une stratégie de conquête basée sur la mise à niveau, la mesure du niveau d'intégration aux chaînes de valeur par le développement du business intelligence et l'engagement d'un partenariat public/privé effectif», a-t-il soulignalé. Du côté des professionnels du secteur, un appel a été lancé pour donner la priorité aux entreprises tunisiennes pour les transactions nationales. «Il n'est pas concevable que des appels d'offres internationaux sont lancés pour des services qui peuvent parfaitement être effectués par des Tunisiens. Il y a des entreprises étrangères qui n'ont pas le droit d'exercer en Tunisie. Nous demandons aux autorités concernées de trouver une solution à cette problématique», a affirmé M. Béchir Ben Amor, de la Fédération nationale des services. Même son de cloche du côté de la Fédération nationale du transport dont la présidente, Mme Hayet Amrani, a dénoncé le fait que des entreprises tunisiennes soient reléguées au second plan, en appelant à ne pas faire du «copier coller» de la mise à niveau industrielle puisque chaque secteur a ses spécificités. Par ailleurs, l'architecte Amine Turki a fait allusion aux mégaprojets programmés en Tunisie. «Il n'y a pas de place pour les Tunisiens dans ces projets. Nous ne sommes pas impliqués. Nous sommes les consommateurs d'un produit qui ne reflète pas la Tunisie et les Tunisiens. Nous voulons être traités sur un même pied d'égalité».