Au bout du compte, l'année 2009 n'aura pas été une année calamiteuse pour le continent africain. Les investisseurs français continuent à regarder l'environnement d'affaires des pays africains d'un bon il. Le «cas social» de la planète, devenu «the last emerging market», compte tenu de ses atouts non négligeables, sera-t-il un périmètre d'investissement enfin convoité de tous ? Cela fait plusieurs années que le rapport du Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN) constitue le baromètre de l'environnement des affaires en Afrique dans ses quatre grandes subdivisions. Cette enquête est menée auprès des chefs d'entreprise française ou à capital mixte essentiellement tournées vers l'exportation. Au total, 525 entreprises ont répondu à l'appel. Elles se répartissent comme suit : 191 au Maghreb, 140 en Afrique de l'Ouest (CEDEAO, 15 pays), 102 en Afrique Centrale (CEMAC) et 92 pour l'Afrique Australe, orientale et l'Océan Indien. C'est donc un ratissage, lequel sans être exhaustif n'en est pas moins d'envergure. Ce qui lui confère une certaine crédibilité. Le Baromètre CIAN : L'environnement d'affaires L'enquête comporte deux volets. Le premier est le «baromètre CIAN 2009». Il porte sur l'appréciation par les chefs d'entreprise de leur environnement d'affaires, dans le pays d'accueil. Parmi les rubriques retenues pour ce baromètre, certaines sont sensibles, telle l'Administration. Elle est jugée sur des registres précis comme l'incitation aux investissements ou les services de la Douane qui est évaluée pour ses niveaux de tarif, la complexité de ses procédures et la fraude. Pareil pour le système judiciaire, regardé sous l'angle des délais de procédures, des jugements arbitraires et des pratiques du droit foncier. Elle se penche aussi sur le Social pour ce qui concerne le Niveau de Formation et de qualification autant des cadres que des autres travailleurs, mais également le droit prud'homal, et l'absentéisme. Le système économique et financier est également étudié quant à la qualité de service ainsi que l'accès au crédit et le financement de l'activité et principalement des importations. C'est donc une analyse fine qui est menée. L'enquête de satisfaction : Une exploration étendue Le second volet a trait aux tendances de l'activité des entreprises. Il aborde trois grandes rubriques que sont le chiffre d'affaires, les résultats et les programmes d'investissement. Ce volet a quand même été enrichi en 2009 par quelques éléments supplémentaires quasiment imposés par l'actualité. En effet, le sondage s'étend à la prise en compte du développement durable dans le développement économique du pays d'accueil ou encore à l'état du réseau télécom dans ses trois composantes (fixe, portable et Internet). Une constante continentale : les disparités régionales Encore une fois, l'Afrique apparaît comme un patchwork, et cela se voit au niveau des réalisations économiques qui demeurent inégales. La crise, ou certains dysfonctionnements propres au Continent n'ont pas touché d'une manière égale tous les pays. En 2009, le rapport CIAN dit que «certains pays ont émergé positivement, comme le Nigeria, le Ghana ou l'Angola (dont la production pétrolière a rattrapé celle de son voisin, le géant Nigérian). Toutefois, les deux pôles traditionnels, Nord-Sud, restent des éléments essentiels de la donne économique africaine, le Maghreb figurant toujours au premier rang dans les relations entre l'Europe et la Méditerranée». La grille de lecture de l'enquête Les quatre régions ont été notées sur une échelle allant de 1 (mauvais) à 5 (très bon). Les réponses reflètent une image très moyenne de l'environnement qui accompagne les affaires sur le Continent. En dépit des oscillations positives et négatives, de-ci de-là, on ne relève pas de grand bouleversement. La physionomie de l'Afrique est quasiment la même. Et, les variations dans un sens ou dans l'autre sont assez modestes dans leur ampleur. Le Maghreb, avec 2,9 et l'Afrique australe avec 2,7 se classent au-dessus de la moyenne et sont appréciés de manière similaire, positive. L'Afrique de l'Ouest avec 2,5 en dépit de la percée de quelques pays, a tout juste la moyenne. L'Afrique Centrale avec 2,1, malgré une avancée perceptible en matière d'infrastructure, a des progrès à faire. Tableau N ° I Côté négatif On commence par les observations à aspect négatif. Ce qu'on peut dire pêle-mêle, c'est qu'en matière de réseaux, les réseaux ferroviaires ont du chemin à faire. Pareil pour les routes et les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Sur ces registres, le Maghreb donne un peu plus satisfaction, de même que l'Afrique Australe. Le réseau électrique est également appelé à s'améliorer dans 70% des pays, exceptés la Tunisie, l'Ethiopie, le Maroc, l'Afrique du Sud et dans une moindre mesure le Burkina Faso. Par ailleurs, en matière de 'Corruption'' tous les pays, en dehors de la Tunisie, de l'Ethiopie et du Mozambique sont notés en dessous de 3/5. La fraude douanière sévit dans tous les pays, en dehors de l'Afrique du Sud et du Mozambique qui sont notés en dessous de 3/5. Pour ce qui est de la fraude fiscale tous les pays sauf la Tunisie sont notés au-dessous de 3/5. En ce qui concerne le harcèlement fiscal, tous les pays, exceptés la Tunisie, le Ghana, l'Afrique du Sud, le Mozambique et l'Ouganda sont noté au-dessous de 3/5. L'enquête révèle aussi que «l'efficacité de l'Administration est médiocre, à peu prés partout, mais c'est au Maghreb que l'incitation à l'investissement est la plus réelle». Elle rajoute que l'impact du secteur informel sur le secteur économique organisé est ressenti un peu partout sur le continent en dehors de l'Afrique du Sud où il est atténué. En matière de justice, «exception faite de l'Afrique du Sud, les délais de procédure et le droit foncier font problème partout et continuent à constituer des défis permanents». Enfin, le développement durable n'est qu'assez peu pris en considération, excepté en Tunisie et dans une moindre mesure au Burkina Faso.
Côté positif Plusieurs constantes positives reviennent, ainsi en est-il des télécoms qui fonctionnent bien avec le développement du téléphone portable et d'Internet qui sont appréciés positivement pour la facilitation des affaires. Pour sa part, le réseau bancaire est quasiment efficient un peu partout malgré la crise. On cite également la qualité élevée de l'encadrement et de la main-d'uvre sur le continent à l'exception de quelques pays qui ont des progrès à accomplir. C'est en Afrique australe et orientale et au Maghreb que les Douanes fonctionnent le mieux tant au niveau des tarifs que des procédures, que du niveau de la fraude. Et c'est au Maghreb que la fiscalité est la plus satisfaisante par son niveau, par le faible taux de harcèlement ainsi que par le bas niveau de la fraude. L'enquête entreprises : 2010, année de l'espoir Sous l'effet de la crise, les réalisations des entreprises ont été hétérogènes. Elles ont varié selon les pays et les régions. Toutes ont été victimes d'un manque de visibilité ou de confiance. A de rares exceptions, les bénéfices ont été bons presque partout. La rentabilité, à l'opposé du chiffre d'affaires ou de l'investissement, n'a pas souffert de la crise. En dehors de la Guinée où elle a fortement chuté, elle est restée stable dans une douzaine de pays (Maroc, Nigeria, Ghana, Sénégal, Cameroun, Tchad, Afrique du Sud, ou Angola) et elle s'est même accrue dans cinq autres pays (Algérie, Tunisie, Mali, Togo et République Centrafricaine). En 2010 la rentabilité reprendrait du souffle et il est prévu qu'elle augmente dans un groupe de 20 pays et l'essentiel est qu'on anticipe une reprise du chiffre d'affaires dans au moins 17 pays. Elle devra être notable en Côte d'Ivoire, en Tunisie, au Togo, au Mali et au Nigeria. Pour sa part, l'investissement a subi une chute massive partout en 2009 par rapport à 2008. Il a même parfois reculé dans des proportions importantes en Côte d'Ivoire, en Afrique du Sud et même en Tunisie. Mais il devrait repartir dans des proportions appréciables pour une vingtaine de pays. Par conséquent, une majorité d'entreprises manifeste une confiance et un optimisme raisonnable dans une reprise en 2010 L'enquête Tableau N° II Tunisie Concernant la Tunisie, le rapport du CIAN dit que notre pays s'en sort mieux que prévu et que le pays a montré une certaine résilience en dépit du ralentissement des exportations, des investissements et du tourisme. L'industrie, secteur ouvert à la concurrence internationale depuis le 1er janvier 2008 a vu ses exportations diminuer de 18%. Le rapport indique l'effet stabilisateur des mesures de soutien décidées par le chef de l'Etat en faveur des entreprises exportatrices. A titre comparatif, nous présentons le bilan des entreprises pour trois pays du Maghreb et pour le Nigéria, le Ghana, l'Angola et l'Afrique du Sud. Algérie Tableau Algérie Le rapport dit que l'Algérie, après sept années de croissance continue, a été impactée par la crise mondiale et encore une fois cela souligne la forte dépendance du pays des exportations d'hydrocarbures. Toutefois, le pays possède une bonne marge de manuvre compte tenu de ses immenses réserves de change (144 milliards de dollars US à fin juin 2009). Maroc Tableau Maroc Une campagne agricole exceptionnelle a donné un blindage à l'épreuve de la crise à l'économie marocaine qui affiche 5,5% de taux de croissance en 2009, une santé d'économie asiatique, selon l'enquête CIAN. Toutefois, les recettes de la colonie ont baissé de 12% par rapport à 2008. Les finances marocaines ont été quelque peu fragilisées par la crise. Les investissements ont également fléchi, mais certains investisseurs, tel Renault, sont allés au bout de leurs plans d'affaires. Et le pays a fait face en maintenant ses projets d'infrastructure tel le TGV reliant Casa à Tanger. Nigeria La décrue des cours de l'or noir a divisé par deux, à 2,9% le taux de croissance du Nigeria en 2009. Les exportations d'hydrocarbures ont également baissé de moitié mais le secteur industriel a tenu bon et a progressé de 4,5% en 2009. Le système bancaire a été durement éprouvé. La privatisation imminente de Nitel pourrait soulager les finances publiques durement secouées. L'Afrique du Sud La crise a mis fin à dix sept années consécutives de croissance continue. Ajouter à cela que le pays a connu un changement politique de taille avec la nouvelle administration de Jacob Zuma qui s'est retrouvée prise dans la tempête dès son investiture. Des tentatives de relance par les instruments monétaires ont été vite engagées mais le pays est quand même entré en récession dès le premier trimestre de l'année. Le chômage a atteint un niveau élevé à 21,9% et pour faire face, l'Etat a maintenu ses programmes d'investissement contre vents et marées.