La guerre de succession au sein du mouvement Ennahdha est toujours d'actualité. Face à la résistance de certains dirigeants qui s'opposent au maintien de Rached Ghannouchi à la tête du parti, le chef du mouvement islamiste, passe à la vitesse supérieure et trouve un subterfuge pour contourner le règlement intérieur, puisant dans ce même règlement : le référendum ! Comme tous les partis politiques en Tunisie, Ennahdha, le mouvement réputé le plus solide et le plus discipliné sur la scène nationale, n'est pas à l'abri des tiraillements et des divergences. Bien que le mouvement islamiste ait réussi jusqu'à présent à régler ses affaires et ses différends en interne, sans ébruitements médiatiques, il semble que les choses ne sont plus autant maitrisées à Montplaisir. C'est dire qu'il existe un courant s'opposant à la politique du fondateur du mouvement Rached Ghannouchi. Contestant ses choix et ses orientations politiques, certains dirigeants d'Ennahdha sont soulagés par l'approche imminente du congrès électif du parti. En effet, en vertu du règlement intérieur, Rached Ghannouchi n'a pas le droit de briguer un troisième mandat à la tête d'Ennahdha. Sauf que sa garde rapprochée ne peut concevoir le mouvement en dehors de son emprise. C'est l'essence même des mouvements et des organisations islamistes. Ceci a donc poussé le courant interne anti Ghannouchi à sortir au grand public une lettre l'invitant à céder sa place et à respecter le règlement intérieur tant respecté par le parti. Un appel à consacrer les valeurs démocratiques et en se basant sur le bilan et le rendement de Rached Ghannouchi, aussi bien à la tête du parti, qu'à la présidence du Parlement. Un bilan qui, faut-il le reconnaitre, reste très mitigé, voire même en dessous des attentes. Reste qu'en parfait chef de mouvement islamiste, Rached Ghannouchi n'est pas un simple président de parti. Il est le père fondateur du mouvement et son leader. Le référentiel religieux du parti, même si ses dirigeants veulent l'occulter, reste là. C'est pour cette raison qu'il est difficile, voire impossible de mettre Ghannouchi à l'écart et prévoir une nouvelle direction à la tête d'Ennahdha.
Toujours est-il, la question n'est pas aussi simple et nécessite une grande organisation préalable pour sortir de l'impasse et parvenir à une solution répondant aux exigences du contexte actuel et de la conjoncture imposée par le principe de transition démocratique dans le pays. Et pour ce faire, le Cheikh, futé comme il l'est, a trouvé la solution. Un subterfuge puisé dans le règlement même lui interdisant de briguer un nouveau mandat. A savoir l'article 133, permettant de soumettre n'importe quelle question relative au mouvement à un référendum, auquel 30 000 adhérents du parti doivent participer.
Ainsi, Rached Ghannouchi déplace la guerre et le conflit du sommet de la direction vers les bases du mouvement. Cette idée permettra, également, de déplacer le débat vers la possibilité, ou pas, d'amender l'article 31 via un référendum. La problématique sera donc basée sur l'interprétation juridique des articles du règlement intérieur et des différentes lectures. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une issue bien pensée, ayant de fortes chances de passer, mais non sans risques.
C'est dire que la guerre intestine qui ronge la direction de premier rang peut se transférer aux bases et aux adhérents nahdhaouis. D'ailleurs, cette nouvelle idée de référendum a commencé à susciter les réactions « des opposants » de Rached Ghannouchi à commencer par Abdellatif Mekki. Le dirigeant nahdhaoui a été clair dans sa dernière déclaration médiatique considérant inadmissible et inconcevable la reconduction de Rached Ghannouchi à la tête du parti. Selon lui, son maintien constituerait une atteinte aux fondamentaux d'Ennahdha et à ses valeurs. Il a également assuré que tout amendement de l'article 31 ne peut être applicable que lors du 12ème congrès.
Il va sans dire que les choses ne sont pas au beau fixe à Montplaisir et que malgré le silence qui règne, les tiraillements ne sont plus un secret pour personne. Cela dit, il serait difficile d'envisager le mouvement Ennahdha sans la mainmise de Ghannouchi, surtout pour les observateurs connaissant de près le fonctionnement et le mode opératoire régissant les partis islamistes. Aujourd'hui, plusieurs analystes comparent la solution confectionnée par Ghannouchi à celle trouvée par Ben Ali durant son dernier mandat, la question qui se pose est de savoir si le Cheikh connaitra le même sort que Ben Ali ou pas.