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Le coût économique des décisions politiques
Publié dans Business News le 03 - 11 - 2021


*Stratège et économiste

Les mauvais choix du politique coûtent à la Tunisie 9.1 à 17.6 Milliards $ par an, soit 72.7 à 140.1 Mds $ cumulés de 2011 à 2019. Ça ira de Charybde en Scylla !


La semaine dernière sur RTCI, l'ancien dirigeant de la Banque Mondiale Hédi Larbi a évalué de manière judicieuse à 65 Milliards $ le préjudice économique de la transition démocratique manquée en Tunisie. Le calcul se base sur un différentiel entre la croissance annuelle réelle 4.5% avant la révolte du Jasmin, et à peine 2% depuis.

Pourtant, le régime de Ben Ali chavirait en raison de difficultés économiques croissantes et de l'essoufflement d'un modèle économique non inclusif. Cette période ne peut donc pas être une bonne référence économique, d'autant plus que la Tunisie peut avoir maquillé ses chiffres et que rien ne présage qu'elle eut pu soutenir l'effort de croissance à plus de 4%.

Ce constat suggère une autre méthode et une nouvelle référence économique pour une telle évaluation. D'une part, on peut reconstituer une trajectoire possible de l'économie Tunisienne grâce à sa corrélation avec l'économie mondiale ou des économies similaires (le coefficient de corrélation est significatif dans ce cas). D'autre part, on doit reconnaître que la révolte du Jasmin devait aller beaucoup plus loin que la destitution d'un despote ou le changement de régime politique, qui justement occupe l'esprit tunisien depuis 10 ans.

L'horizon de ce changement devait être une libération de la société, avec des effets économiques sans commune mesure avec le passé. Cette transition a été observée dans le cadre de la restructuration des économies d'Europe de l'Est, qui ont connu après une période de transition relativement courte (0.6% de croissance sur 2-4 ans), une progression moyenne de l'économie à 10.7% sur une période de 13 ans (calculée en PPP) et un minimum de 5.5% pour la République Tchèque. Si cette transition a bénéficié de l'intégration au marché commun, l'essentiel a concerné la mise en place de l'économie de marché et de la compétition.

Ce changement accéléré a valu à certains de ces pays, autrefois englués dans la rigidité, le dirigisme ou la faiblesse d'intégration des économies planifiées du bloc de l'Est, de rejoindre officiellement le camp des pays développés en moins d'une génération. C'est aussi le type de transition qui a été observé par le passé pour la Finlande, l'Irlande ou la Corée du Sud dont les économies ont rattrapé en une seule génération une grande part du retard qui les sépare du G7.

Munie de cette boussole, la Tunisie pouvait au moins aspirer à ce chemin, et, de manière tout à fait réaliste, devenir une devancière économique, un pays de savoir, une économie intégrée et prospère. Cela nécessitait autre chose que les excès et la paranoïa du monde politique dont les victimes sont le peuple, son avenir et sa qualité de vie.

Voici ce que disent les chiffres de l'économie de 2011 à 2019 comparativement à la prospérité dont tout Tunisien aurait pu ou dû rêver:
* Elle fait moins bien que si le système Ben Ali avait résisté: 9.6 Mds $,
* Elle ne réalise pas un supplément potentiel dû à la transition à hauteur de 42.5 (croissance modérée) à 110.6 Mds $ (croissance ambitieuse),
* La Tunisie leste les générations futures de 20.7 Mds de dette supplémentaire, dont jusque-là 3.4 Mds d'intérêts versés.

Nota : Les chiffres sont arrêtés à 2019, pour ne pas prendre en compte l'effet Covid qui ne doit rien à la politique économique tunisienne. Ils intègrent le coût de la réforme sur 2 ans pour les dossiers les plus urgents, qu'auraient pu financer les organismes internationaux qui avaient acquis cette expertise avec l'Europe de l'Est ou certains miracles des pays émergents.


Ainsi, le citoyen peut se retourner contre la gouvernance politique ou syndicale et poser des questions légitimes quant à une prospérité perdue. Les comptes de sa nation auraient pu être annuellement supérieurs de 9.1 à 17.6 Mds $ ou encore 21.2% à 41.1% de son PIB. On imagine ce qu'il aurait bien pu faire de ce matelas confortable : construire une nation, protéger les plus faibles, distribuer un peu mieux, faciliter la transition, être un tantinet plus positif de sa condition. Son littoral triplement millénaire a résisté vaillamment aux invasions extérieures mais aujourd'hui se relève mal de l'inculture économique qui touche toutes les strates de décision jusqu'aux plus hauts sommets de l'Etat.

L'Etat pouvait et n'a pas fait. L'Etat peut encore mais n'exploite pas l'urgence et l'opportunité de réforme. Que faire si quelque lueur de lucidité, un soupçon de pragmatisme et un risque de compétence venaient à consumer quelques décideurs? Un programme de réformes utiles pourrait englober notamment une réallocation des facteurs de production :

- Baisser massivement l'emploi public
La société et les agents économiques ne doivent plus être sous la tutelle de l'Etat. Le rôle de l'Etat n'est pas de prendre en charge les individus, mais de réguler, d'organiser, de favoriser, et parfois de stimuler ou sauver. En contrepartie de son indépendance, l'individu recouvre toutes ses libertés, économiques, sociales et créatives. Cette initiative doit suivre une réforme en profondeur d'une politique du travail qui a dissuadé les activités à haute valeur ajoutée et moins protégées.

- Libéraliser les secteurs économiques
La bonne nouvelle concerne l'économie. L'emploi public n'est plus menacé par la concurrence de nouveaux acteurs qui occuperaient leurs platebandes, car les secteurs sur lesquels repose l'emploi public sont des secteurs morts, de l'industrie légère, à l'agriculture en passant par les mines, l'énergie et peut-être même les services bancaires traditionnels. Toute l'innovation doit venir de choses qui nécessitent une agilité dont l'Etat ne dispose pas et d'investissements que l'Etat doit libérer et libéraliser. Les retombées en matière d'augmentation de la transparence, diminution de la corruption, d'efficacité et de contribution fiscale sont particulièrement idoines. L'Etat peut garder un œil sur les monopoles naturels ou sur les intérêts nationaux mais ne peut plus contribuer à la mauvaise gouvernance et au déficit public par des considérations infondées d'intérêts sociaux.

- Réformer la fiscalité
C'est tout un chantier, car la politique fiscale est l'instrument sur lequel repose la marge de manœuvre d'un budget exsangue et qui par ailleurs consacre l'économie de rente. Des opérateurs majeurs ne paient presque pas d'impôts tandis que les inepties du double régime offshore / onshore créent des dispositions contreproductives et in fine non inclusives. Réformer la fiscalité contribuera à transformer une Tunisie inégalitaire et à double vitesse en une nation unie et orientée vers la réalisation d'un marché intérieur plus fort, plus résilient et plus sophistiqué.

- Lutter contre l'inflation et renforcer l'orthodoxie monétaire
Il faudra beaucoup de prestidigitation pour justifier des taux de croissance réels 2 à 3 fois plus faibles que le niveau d'inflation présumé, d'autant plus que la simple démographie contribue pour près de moitié de cette croissance supposée réelle. Ce paramètre ôté, on passe de 1.8% de croissance annuelle du PIB en $ à 0.7%. Sur la même période l'inflation atteint une moyenne de 5.2%. C'est parce que l'inflation, instrument monétaire de court terme, peut être utilisée pour financer le budget du gouvernement et pour son effet multiplicateur supposé sur l'économie. Il faudra revenir à une orthodoxie monétaire où l'instrument suit une règle et non pas un pouvoir discrétionnaire.

- Forger une direction et réaliser un plan de développement
Là est le grand chantier, car il nécessite un niveau de conceptualisation et d'audace qui a manqué à l'ensemble des gouvernements déficients en matière économique et en vision. Demain ne sera pas fait d'une agriculture primitive, d'une industrie en quête de manutentionnaires, et d'une administration bureaucratique. La Tunisie vit dans un ou deux siècles passés et renforce un système de rente que l'Etat chapeaute ! C'est l'Etat qui décide, emploie et attribue, c'est l'Etat qui promeut et disqualifie, c'est l'Etat qui prélève et distribue. Comme cette gestion n'est manifestement pas brillante, il devient urgent de mettre des économistes et des bâtisseurs transformationnels aux commandes pour mettre fin aux populismes et aux prismes politiques de la transition démocratique. Dans les ministères, on ne trouve aucune direction. Au mieux, les esprits aventuriers qui questionnent se voient opposer : on a toujours fait ainsi et on le fera encore. Au pire, 26 ministères avec 26 gestions différentes, sans feuilles de route ni cohérence.

- Désengager l'Etat des entreprises publiques
L'Etat gère 110 entreprises publiques, à travers la majorité des secteurs économiques, quand un membre de l'OCDE affiche en moyenne 50 entreprises publiques. Il est particulièrement douteux que certains y voient des bijoux de la couronne quand d'autres les considèrent comme fardeau pour la collectivité en ce moment. A la différence des seconds, les premiers sont souvent plus dogmatiques qu'économistes. Leur performance est cauchemardesque: collectivement leurs pertes dépassent 2 points de PIB, leur dette atteint plus de 40% du PIB, la valeur de l'actif a chuté de 90% à moins d'un point de PIB. Et si la Tunisie est un champion mondial des transferts fiscaux (plus de 7% du PIB) pour garder ces zombies en vie, il faudra couper le cordon !

L'effondrement économique qui guette la Tunisie s'accompagne d'occasions manquées de réformer et de bâtir à nouveau. Aujourd'hui, on peut regretter de ne pas avoir osé devenir une Roumanie ou une Pologne de la Méditerranée ; la transition d'une économie étatique et fermée vers une économie libérale et inclusive y a bien fonctionné quand les chiffres nous démontrent tout le manque à gagner qu'un peu de bon sens aurait pu réaliser en Tunisie. Demain sera déjà un nouveau combat, plus cruel, celui de ne pas être en mesure de sauver l'économie en faillite sans d'immenses dégâts sociaux, de suivre un cycle très long qui se mesure en décennies entre l'austérité argentine et l'étouffement libanais. Il faudra pourtant dénicher d'excellents timoniers dès 2030 quand le défi du changement climatique diminuera considérablement les niveaux aquifères et la productivité agricole et aura nécessité des infrastructures pour des systèmes alimentaires plus résilients. Les mauvais choix politiques pourraient générer d'autres dégâts économiques.


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