Dans le monde, et durant les dernières années en Tunisie, la fin d'une échéance électorale a l'avantage de clôturer, au moins pour un temps, les tergiversations politiques relatives à une campagne électorale. La proclamation des résultats a l'avantage de créer une accalmie, au moins momentanée, et tous les acteurs politiques se tournent vers l'avenir après la lecture des résultats électoraux. Le référendum du 25 juillet sera très différent. Il est évident de dire que la victoire du « oui » au référendum ne résout aucun des problèmes fondamentaux de la Tunisie relatifs à sa situation financière, économique ou sociale. Contrairement à ce qu'ont l'air de penser les soutiens du président de la République, il ne suffit pas d'une nouvelle constitution pour que les choses changent sur le terrain. D'ailleurs, c'est le principal reproche qu'ils adressent à la constitution de 2014. Par contre, cette victoire du « oui » et l'adoption prochaine de la nouvelle constitution devrait interdire au chef de l'Etat, Kaïs Saïed, et à ses aficionados d'invoquer l'héritage de ce qu'ils appellent « la décennie noire » pour justifier et expliquer les échecs de l'exécutif actuel dans l'accomplissement de sa mission de service public. Ce sera au moins ça de gagné pour le pays.
Le pouvoir actuel a aujourd'hui l'obligation de se mettre au travail pour tenter de sauver les meubles en arrêtant de prétexter des perturbations et des entraves d'on ne sait quelle partie. Il faudra également arrêter d'évoquer d'obscurs complots ourdis contre le président ou contre le pays pour justifier l'échec et l'incompétence. Les problèmes d'approvisionnement en denrées alimentaires restent entiers, les déséquilibres des finances publiques restent les mêmes et nous restons dans une période transitoire régie par les mesures exceptionnelles au moins jusqu'au 17 décembre prochain. La victoire du « oui » au référendum ne fera qu'augmenter le seuil des attentes des citoyens qui ont fait ce choix pour se débarrasser du passé et voir leur pays avancer et se développer. Le pouvoir en place devra se montrer à la hauteur de ces défis et accomplir ce qu'il a promis, dès qu'il aurait en main cette nouvelle constitution. Il est vrai que le pouvoir actuel n'a rien montré de sa capacité à accomplir des avancées réelles en cette période d'un an depuis le 25 juillet dernier. Le fait que le président de la République ait accaparé tous les pouvoirs ne s'est traduit par aucune amélioration des conditions de vie des Tunisiens, au contraire. Tous les indicateurs ont viré au rouge vermeil, la vie n'a jamais été aussi chère en Tunisie et la situation de flou a entravé tous les investissements et les financements étrangers. Mais cela n'a pas semblé déranger les Tunisiens qui se sont engagés dans un plébiscite du président de la République en espérant que cela changerait.
Au niveau politique, l'annonce des résultats du référendum n'a fait qu'envenimer encore plus les choses. Les opposants du président de la République remettent en question la validité des chiffres annoncés par une instance des élections nommée par le chef de l'Etat. Il est vrai que les irrégularités pointées par certains acteurs politiques ne sont pas d'une ampleur suffisante pour remettre en question le résultat final du référendum. Mais il s'agit quand même d'un énième coup de poignard porté à la crédibilité d'une instance qui en manque cruellement. Rappelons que les membres de cette Isie ont été nommés par le président de la République, ce qui explique certainement la mollesse de sa réaction quand Kaïs Saïed a carrément tenu un discours le jour du vote. Elle souffre également de manque de compétence puisqu'une minorité de ses membres a déjà officié à des élections. En plus, elle est déchirée par des conflits internes qui relèvent de l'enfantillage. Cette instance a failli à calmer les intervenants politiques en étant une instance de référence en qui l'on a confiance. Par conséquent, la légitimité et la validité de ce référendum ne cesseront d'être remises en cause par les opposants à la démarche solitaire du président, entamée le 25 juillet dernier. L'annonce des résultats du référendum et les hésitations de l'Isie ne vont pas calmer les esprits, loin de là. Au lieu de permettre de rétablir une certaine confiance, le référendum du 25 juillet ne fera que diviser encore plus les Tunisiens dans la période à venir. Le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, ne fait qu'approfondir les écarts en se comportant comme un véritable partisan et en négligeant la majorité du peuple qui n'a pas participé au référendum. Jusqu'au 25 juillet au soir, le président a continué à vilipender ses opposants politiques et n'a, à aucun moment, prononcé des paroles de rassemblement ou d'union. Pire encore, les soutiens du chef de l'Etat le poussent aujourd'hui à mettre plusieurs de ses opposants en prison et l'appellent à sévir contre ceux qui n'adhérent pas à leur démarche.
La Tunisie va continuer à avancer dans la division. On y cultivera la haine de l'autre pour des différences politiques et le tout se fera dans un épais brouillard qui entoure l'avenir de ce pays. Quand on sait que le FMI baisse déjà ses projections de croissance pour les deux années à venir, le pire est à craindre pour ce pays. La prochaine échéance dans le calendrier du chef de l'Etat sera les élections législatives de décembre. Il est fort à parier qu'elles n'apporteront pas la sérénité dont le pays a besoin pour travailler.