Le président Kaïs Saïed a reçu, mardi 23 mai, sa cheffe du gouvernement Najla Bouden et n'a fait que lui répéter des choses qu'il lui a dites mille fois auparavant. Rien d'une première, le chef de l'Etat ne fait que répéter les mêmes choses depuis son putsch. Les communiqués de la présidence de la République sont en langue de bois, cela n'a rien de nouveau, c'était toujours ainsi. Mais ce qui commence à être lassant, c'est que ces communiqués tournent en rond et disent la même chose. D'un jour à l'autre, d'une semaine à l'autre, d'un mois à l'autre, c'est le même lexique, le même verbiage, les mêmes phrases qui ne veulent rien dire. Outre le fait qu'ils sont très souvent publiés très tard l'après-midi voire en début de soirée. Prenons les trois communiqués du mardi 23 mai publié tous, autour de 20 heures. Rien de leur contenu n'a pas déjà été dit. Celui évoquant la rencontre avec la cheffe du gouvernement est une parfaite redite de phrases bateaux dites et redites. Hier, il a dit : « la Tunisie est un pays uni et unique avec une politique commune à laquelle tout le monde doit adhérer ». Le 4 mai, en recevant Mme Bouden, il a dit : « aucune partie en Tunisie n'a le droit d'agir contrairement à la politique définie par le président de la République ». Hier, il a dit : « ceux qui assument des responsabilités soient des exemples de discipline, d'austérité, de modestie, et de n'être qu'au service de la nation ». Le 4 mai, il a dit, « chaque responsable doit se sentir à tout moment au service de l'Etat tunisien et de la communauté nationale, et être un exemple à suivre en matière de discipline et d'austérité, que ce soit sur son lieu de travail ou en dehors ». Hier, il a dit : « les solutions sont entre nos mains et nous ne pouvons surmonter ces situations qu'en comptant sur nous-mêmes et sur nos propres capacités ». Le 6 avril il a dit : « la Tunisie est capable de sortir de la crise par ses propres moyens ». Le 16 février, il a dit : « Nous devons compter sur nos propres moyens et ils ne sont ni faibles ni limités. Nous devons compter sur nous-mêmes ». Hier, il a dit : « Il suffit de concevoir de nouveaux mécanismes pour nous lancer tous ensemble dans la réalisation de la volonté du peuple ». Le 9 décembre, il a appelé à « de nouvelles approches, de nouvelles idées ».
Bien entendu, on peut élargir cet exercice de rapprochement à plein d'autres sujets, comme la spéculation, la corruption, la contrebande, les circuits de distribution devenus circuits d'appauvrissement, l'indépendance de la justice, la néo-colonisation, les traîtres de la nation, les vendus, etc. Kaïs Saïed, régulièrement, dit et redit la même chose et s'arrête aux constats sans apporter de solution concrète. Dans les pays normalement constitués, la distribution des rôles est bien définie : les médias constatent et critiquent, le pouvoir exécutif propose et applique des solutions et l'opposition critique et apporte des solutions alternatives. Dans le paysage politique tunisien, Kaïs Saïed a chamboulé les rôles. Il constate, il critique (parfois il injurie) et il ne propose rien. Il a jeté ses opposants en prison et travaille ardemment à faire taire les médias privés et ce après avoir mis au pas les médias publics. Or, le président de la République n'a pas été élu pour constater, critiquer et injurier, et encore moins pour poursuivre ses adversaires politiques et les médias critiques. Il a été élu pour apporter des solutions concrètes aux problèmes du peuple. Il perçoit un salaire à cinq chiffres pour ce faire. Quelle solution a-t-il apporté depuis son élection en octobre 2019 et son putsch en juillet 2021 ? Aucune ! Il ne fait qu'accuser à tort et à travers l'opposition et des parties occultes qui cherchent à nuire au pays et à appauvrir le peuple. Face aux pénuries, il a accusé les spéculateurs ; face à l'inflation, il a accusé les circuits de distribution. Il a adopté une démarche sécuritaire qui a très rapidement montré ses limites. Il a imaginé des entreprises communautaires (néo-soviétiques) pour créer de l'emploi et de la croissance et, sans surprise, ça n'a rien donné. Il a créé une commission ad-hoc pour récupérer, dans un délai de six mois, l'argent soi-disant spolié (13,5 milliards de dinars) par 460 hommes et la commission n'a ramené aucun dinar à la fin de son premier mandat. Y a-t-il quelqu'un de sensé au gouvernement pour dire au président que sa politique est fausse ? Certainement. Le gouvernement s'est attelé pendant des mois à travailler son dossier au FMI pour financer le budget déficitaire de l'Etat et procéder aux réformes douloureuses. Sauf que le président l'a balayé d'un revers, en dépit de l'urgence et des avertissements alarmants des économistes et des pays amis de la Tunisie.
En dépit de ses échecs et en dépit de l'absence d'une solution concrète, Kaïs Saïed n'a fait aucune autocritique et aucune révision de son discours et de sa politique. Il continue, encore et toujours, à répéter les mêmes constats creux, avec des phrases bateaux, un lexique éculé et répétitif et une langue de bois digne de la Pravda. Il parle comme s'il était attablé dans un café populaire, critiquant à tout va ce qui marche et ce qui ne marche pas, sans se rendre compte qu'il ne fait que répéter la même chose en utilisant les mêmes phrases et les mêmes mots.