Affaire de la CPG : peines de prison et lourdes amendes pour Lotfi Ali et d'anciens responsables    Disparition de Leonardo Morlino, théoricien de la « qualité de la démocratie »    Agence Nationale pour l'Emploi et le Travail Indépendant : A partir de 2026, les recrutements reprendront    Mohamed Boughalleb devant le tribunal    69e anniversaire de l'Armée nationale: El Mehdeth, une nouvelle saga en plein désert    Zakaria Dassi Directeur général du CIFFIP : « vers la révision du programme de la filière mathématiques »    Hyundai Tunisie lance son application mobile 'MyHyundaiTunisia'    Coopération Tuniso-Italienne : Ouvrir la voie à des opportunités de travail concrètes et durables pour les jeunes    Location estivale, ce business qui échappe au fisc    Depolmed: Un programme stratégique d'assainissement contribuant à la dépollution de la Méditerranée et à la préservation des côtes tunisiennes    Parmi 83 pays, « La Table du Nord » de Malek Labidi élu meilleur livre culinaire au monde en 2024 (Vidéo)    Amen Bank réaffirme son rôle de leader dans le financement de la transition énergétique des entreprises tunisiennes    Le chef de la diplomatie iranienne à Moscou : Poutine hausse le ton et affiche son soutien à Téhéran    Les aéroports iraniens ciblés par des frappes de l'entité sioniste    25 morts dans l'attaque d'une église à Damas    Ons Jabeur renoue avec le succès et vise plus haut à Eastbourne    Athlétisme – 3000 m steeple : Rihab Dhahri en or à Varsovie    Mondial des clubs: trio arbitral argentin pour le match de l'EST-Chelsea    « Vous avez écrasé mes rêves » : le récit accablant d'une élève brisée par le lycée pilote de Sfax    Abir Moussi transférée à la prison de Bulla Regia    Amnistie des chèques sans provision : le président de la commission des finances préconise la prudence    Météo en Tunisie : temps peu nuageux, températures en légère hausse    L'Association tunisienne de la vie sauvage lance la plateforme Naturadex Islands    Tunisie – BAC 2025 : résultats, taux de réussite et lauréats par région    FIFAK 2025 : une 38e édition sous le signe de la liberté et de la solidarité avec la Palestine à Kélibia    Coup d'envoi aujourd'hui de la 25ème édition du Festival de l'Union des Radios et des Télévisions Arabes    Spécial « Débattre et délibérer »    9 Tunisiens sur 10 à l'étranger utilisent ''Rokhssati''...Vous pouvez l'utiliser sans connexion Internet    Monastir et Bizerte touchées par une prolifération inhabituelle de microalgues    La Tunisie condamne l'agression contre l'Iran et dénonce un effondrement du droit international    Les îles tunisiennes à l'honneur dans une nouvelle plateforme dédiée à la biodiversité    Chaos aérien : Air France, Turkish Airlines et d'autres suspendent leurs vols vers Dubai, Doha et Riyadh    La Tunisie au dernier rapport l'UNESCO sur l'industrie du livre en Afrique    Rencontre tuniso-turque en marge de la réunion ministérielle de l'OCI à Istanbul    Etoile du Sahel : la composition complète du nouveau staff technique annoncée    Le raid américain serait-il un coup d'épée dans l'eau ?    Marathon de la construction et de l'édification : une course qui fait courir… les moqueries    Fermeture imminente du détroit d'Hormuz : l'Iran durcit le ton    Université : Tout savoir sur le calendrier d'orientation des nouveaux bacheliers    Frappes américaines en Iran : les réactions internationales en cascade    L'homme de culture Mohamed Hichem Bougamra s'est éteint à l'âge de 84 ans    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Kaïs Saïed revient à la charge sur la sous-traitance, le gouvernement traîne encore
Publié dans Business News le 14 - 01 - 2025

Le président de la République a évoqué à deux reprises en l'espace de trois jours le sujet de la sous-traitance et a insisté sur la réforme du code du travail qu'il a ordonnée depuis près d'un an. Le gouvernement traîne des pieds tant le sujet est complexe, espérant peut-être que le chef de l'Etat finira par l'oublier.

La sous-traitance est au centre d'une controverse politique et sociale en Tunisie depuis près d'un an. Le président de la République, Kaïs Saïed, a fait de la réforme des lois sur la sous-traitance et les contrats à durée déterminée (CDD) une priorité. Qualifiant ces pratiques de « traite d'êtres humains » et d'« esclavage moderne », il a multiplié les directives pour mettre fin à ces pratiques dans les secteurs public et privé. Cependant, son gouvernement tarde à exécuter ses ordres, et aucune concertation publique avec les syndicats ou le patronat n'a été engagée. Cette situation soulève des interrogations quant à la faisabilité de ces réformes et à leurs conséquences pour l'économie tunisienne.

Une réforme imposée dans l'urgence
Tout commence en février 2024, lorsque Kaïs Saïed convoque le chef du gouvernement Ahmed Hachani pour lui demander de mettre fin à la sous-traitance dans le secteur public. Selon le président, cette pratique viole les droits fondamentaux des travailleurs et va à l'encontre des principes de la Constitution. En moins de dix jours, une décision historique est prise : tout nouveau contrat de sous-traitance dans le secteur public est interdit à compter du 23 février 2024. Pourtant, aucune étude d'impact préalable n'a été réalisée et les conséquences sociales et économiques de cette décision n'ont pas été anticipées.
L'urgence avec laquelle ces mesures ont été imposées a pris de court le gouvernement, qui a dû créer une commission multipartite pour évaluer les répercussions de cette interdiction. Cependant, cette décision précipitée a plongé de nombreuses PME de sous-traitance, dont l'Etat était souvent le principal client, dans une crise sans précédent. Faute de solutions alternatives, ces entreprises risquent la faillite, tandis que l'Etat, confronté à un déficit budgétaire abyssal, est dans l'incapacité de recruter le personnel nécessaire pour compenser l'arrêt de la sous-traitance.

Une approche unilatérale et sans concertation
L'un des principaux reproches adressés à Kaïs Saïed concerne l'absence totale de dialogue social autour de ces réformes. Aucun débat public n'a été organisé avec les partenaires sociaux, notamment les syndicats et les organisations patronales. Ces dernières, habituellement promptes à réagir aux décisions gouvernementales, sont restées silencieuses, probablement par crainte de s'opposer directement à un président au pouvoir centralisé. L'Utica et la Conect n'ont ainsi exprimé aucune réserve officielle.
Ce mutisme des partenaires sociaux témoigne d'une faiblesse du dialogue institutionnel dans le pays. Dans un contexte normal, ces organisations auraient été consultées pour évaluer les répercussions économiques et sociales des réformes. Leur silence laisse le champ libre à Kaïs Saïed pour imposer ses décisions sans contrepoids.

Des intentions louables, mais des conséquences problématiques.
Kaïs Saïed part d'une intention noble : éradiquer le travail précaire et garantir des conditions de travail décentes à tous les Tunisiens. Il a répété à plusieurs reprises que « chaque travailleur a droit à une perspective claire et à un salaire juste ». Cependant, cette volonté se heurte à la réalité économique et sociale.
Supprimer la sous-traitance et les CDD dans le secteur privé pourrait en effet avoir des conséquences graves sur l'emploi et l'économie. Les entreprises, notamment les plus petites, pourraient être contraintes de contourner la loi ou de réduire leurs activités. Dans des secteurs comme l'agriculture ou l'hôtellerie, où l'activité est saisonnière, les CDD sont indispensables. De même, dans des domaines tels que le nettoyage, le gardiennage ou la comptabilité, la sous-traitance est une pratique économique qui permet de répondre aux besoins ponctuels sans alourdir la charge financière des entreprises.
A lire également
Avec la fin du CDD et de la sous-traitance, Kaïs Saïed va achever ce qui reste dans l'économie
Un gouvernement à la traîne
Depuis l'interdiction des contrats de sous-traitance dans le secteur public, le gouvernement peine à appliquer les directives de Kaïs Saïed. Plusieurs mois après l'annonce de la réforme, aucune campagne contre l'emploi précaire n'a été lancée et aucune étude d'impact n'a été publiée. De plus, le projet de loi visant à interdire la sous-traitance dans ce secteur se fait toujours attendre.
Le remplacement d'Ahmed Hachani par Kamel Maddouri en août 2024 n'a pas accéléré le processus, au contraire, il l'a ralenti. Lors d'une réunion tenue en août 2024, Kaïs Saïed a exprimé son impatience face à la lenteur des réformes et a exigé que le projet de loi soit présenté au plus vite. Pourtant, en janvier 2025, la situation reste inchangée.

Incohérences présidentielles
Si le gouvernement est à la traîne, c'est peut-être parce qu'il espère que le chef de l'Etat oubliera le sujet et abandonnera son idée, qui pourrait être qualifiée de farfelue malgré ses intentions louables.
Cet état d'esprit est en partie expliqué par une certaine incohérence dans la démarche du président de la République.
Kaïs Saïed a en effet la manie d'évoquer un sujet une fois, d'en parler à plusieurs reprises en un court laps de temps, puis de l'oublier pendant longtemps. C'est ce qui est arrivé avec la loi controversée sur les chèques, et c'est ce qui se produit actuellement avec le code du travail.
La première fois qu'il a évoqué le sujet, c'était le 14 février 2024. Il en a reparlé le 19 février, puis le 23 février et le 6 mars. Depuis, il n'en a plus parlé jusqu'au 9 août, puis le 22 novembre. Après un silence d'un mois et demi, il l'évoque à nouveau les 11 et 13 janvier 2025.
Autre incohérence dans la démarche de Kaïs Saïed : les hommes qui doivent mettre son idée à exécution. C'est l'ancien ministre des Affaires sociales, Malek Zahi, qui s'y est attelé. Il a réagi au quart de tour après les toutes premières directives présidentielles, demandant un inventaire des entreprises de sous-traitance et multipliant les réunions sur le sujet afin de réformer au plus vite le code du travail. Tout ce travail est tombé à l'eau trois mois après, suite à son limogeage en mai 2024. Son successeur a tout repris à zéro, comme s'il n'y avait pas de continuité des services de l'Etat.
Dernière incohérence du président de la République : il dit et répète tout le temps que tout ce qu'il entreprend est en réponse aux demandes du peuple. Or, le fait qu'il n'y ait eu aucun débat public sur le sujet et aucune concertation avec les organisations patronales et syndicales va à l'encontre de ses propres propos.
Un code du travail est, par nature, un texte très complexe. Ses textes sont le fruit de nombreux sacrifices, de grèves répétées et de revendications multipartites. En dépit de ses belles promesses et de son engagement à ne faire que ce que le « peuple veut », Kaïs Saïed n'a consulté aucun représentant de ce dernier.

Une stratégie sans vision d'ensemble
Le président semble ignorer les réalités complexes du monde de l'entreprise. Les PME de sous-traitance jouent un rôle crucial dans l'économie tunisienne en fournissant des services spécialisés et en permettant aux grandes entreprises de se concentrer sur leur cœur de métier. En interdisant la sous-traitance, l'Etat pourrait être contraint de recruter massivement du personnel pour des besoins temporaires ou partiels, ce qui alourdirait encore davantage un budget déjà fragile.
Il en va de même pour les entreprises privées qui n'ont pas les budgets nécessaires pour engager des personnes à temps plein, alors que la nature même de leur travail (comme le personnel de ménage ou de la comptabilité) exige quelques heures par jour, voire par mois.
Sans consultation ni études détaillées, ces réformes risquent de provoquer des bouleversements dans l'écosystème économique, rendant difficile leur mise en œuvre. L'absence de dialogue avec les syndicats et les organisations patronales témoigne d'une gouvernance unilatérale, souvent déconnectée des réalités du terrain.

Un appel à la concertation et à la réflexion est impératif
Pour que la réforme des lois sur la sous-traitance et les CDD réponde aux attentes du président de la République tout en préservant l'économie tunisienne, il est urgent d'ouvrir un dialogue national sur ce sujet. Les partenaires sociaux doivent être associés pour définir des solutions équilibrées qui protègent les droits des travailleurs sans compromettre la viabilité économique des entreprises.
Kaïs Saïed, soucieux de garantir la justice sociale et la stabilité, doit prendre en compte les retours des experts économiques et des acteurs de terrain dans ses décisions. Sans cela, ses réformes, bien que motivées par des intentions louables, risquent de provoquer des catastrophes économiques irréversibles.

Maya Bouallégui

A lire également
Situation de confusion : les agences d'intérim assimilées à tort aux entreprises de sous-traitance


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.