Les résultats en matière d'emploi, notamment chez les jeunes, sont faibles et se détériorent. La moyenne nationale du taux de chômage était de 14,1% en 2008 et culminait à 30% pour les personnes âgées de 20 à 24 ans. La Tunisie est appelée à créer environ 860mille emplois supplémentaires, au cours des dix prochaines années. Or, la résorption du chômage à moyen terme exige une montée en puissance des activités à haute valeur ajoutée et une transition vers un modèle de croissance tiré par l'innovation. C'est ce qui ressort du rapport « la Revue des Politiques de développement : vers une croissance tirée par l'innovation », élaboré en étroite collaboration entre la Banque Mondiale et le ministère du Développement et de la Coopération internationale. Le chômage en Tunisie n'est pas frictionnel, ni classique, ni encore moins dû à un faible taux de croissance. La persistance du chômage est due, fondamentalement, à la conjonction de deux phénomènes structurels. D'une part, la Tunisie enregistre une très forte croissance du nombre de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur entrants sur le marché du travail. D'autre part, la structure de production actuelle, dominée par des secteurs intensifs en main d'uvre non qualifiée, ne génère pas, pour des raisons structurelles, une demande suffisante de main-d'uvre qualifiée. C'est ce que souligne Ndiamé Diop, auteur du rapport « la Revue des Politiques de développement : vers une croissance tirée par l'innovation », et représentant permanent de la Banque Mondiale en Tunisie. Le rapport suggère, d'ailleurs, un changement de modèle de croissance. Il propose une croissance tirée par l'innovation, question de coller aux changements intervenus et pour une plus grande utilisation des ressources humaines formées. Il est impératif, selon le rapport, d'assurer une montée en valeur et en gamme en vue de créer plus de richesse et d'emploi, soutenir la productivité et donc la compétitivité et la croissance. Le rapport a examiné les défis économiques et a esquissé les options de politiques économiques pour faire face au défi de l'emploi. La transformation structurelle d'une économie nécessite de s'assurer que l'allocation du savoir-faire, de la technologie et des autres facteurs vers les secteurs les plus productifs et compétitifs ne soit pas bloquée par des réglementations et des procédures bureaucratiques complexes. Apres la signature de l'Accord d'Association avec l'UE en 1995 qui a déclenché des mesures d'accompagnement importantes dans l'environnement des affaires, des réformes ciblées supplémentaires sont nécessaires pour favoriser la meilleure allocation des ressources et l'entrée facile de nouveaux investisseurs dans le marché. L'étude relève le faible taux d'encadrement. A l'exception de cinq secteurs, à savoir les banques&assurances, éducation&santé et administration ; les mines et énergie et les industries chimiques, l'ensemble des secteurs économiques souffrent d'un très faible taux d'encadrement. En effet, la demande de travail émanant des principaux secteurs économiques porte davantage sur la main-d'uvre spécialisée ou «non qualifiée». Mais, dans tous les ca, «non universitaire». Seule une faible fraction des 70,000 emplois créés provenait des secteurs intensifs en main d'uvre qualifiée. En moyenne, seuls 15% des employés des secteurs productifs tunisiens ont un niveau d'instruction supérieur au baccalauréat. Dans les secteurs manufacturiers, «l'espace» actuel pour absorber un diplômé du supérieur est très réduit. Car les modes de production actuels, surtout dans la manufacture d'exportation et le tourisme, induisent une forte consommation de main d'uvre à faible niveau de qualification et une faible création de valeur ajoutée locale. En d'autres termes, l'élasticité de l'emploi à la croissance est faible dans les conditions actuelles de production. Sans une montée en valeur et en gamme technologique dans les secteurs existants et l'émergence de nouveaux secteurs à haute valeur ajoutée, il sera difficile de créer suffisamment de travail pour les travailleurs qualifiés. Consciente des défis, la Tunisie s'est engagée dans une transformation structurelle de son économie afin qu'elle soit tirée par l'innovation. Tout cela est bien beau mais, comment le concrétiser sachant que le tissu industriel est composé à hauteur de 95% de PME, dont les capacités d'innovation sont limitées ? Il est vrai que le budget de la R&D est de 1,25% du PIB. Néanmoins, les résultats de la recherche sont très mitigés eu égard aux différentes contraintes à l'innovation. Des contraintes, dues selon le rapport aux chevauchements des programmes, l'éclatement des dépenses sur plusieurs thèmes de recherche, à la non clarté de l'alignement de l'appui public sur la stratégie industrielle, et à la faiblesse du partenariat Public Privé. Sans oublier la grande faiblesse du financement de la recherche, notamment par les SICAR qui, selon certains, ont été prises d'assauts par le secteur bancaire. De ce fait, elles sont plus assimilées à des banques, et représentent des paradis fiscaux pour les banques, plutôt que des structures de financement de capital risque. Le rapport « La Revue des Politiques de développement : vers une croissance tirée par l'innovation » analyse les défis liés à l'emploi et examine, à la lumière d'un diagnostic clair, un ensemble cohérent de réformes visant à accélérer la transition vers une économie à structure de production plus intensive en technologie, proposant par la même une conciliation entre l'impératif de croissance et de compétitivité et celui de la réduction du chômage ». Crédit photo : Casafree Insaf Fatnassi