La Banque mondiale conjointement avec le Ministère du Développement et de la Coopération Internationale ont organisé un séminaire sur le rapport « la Revue des Politiques de Développement : Vers une Croissance Tirée par l'Innovation » (RPD), et ce le mardi 13 Avril à Tunis. Le rapport passe en revue des performances de l'économie tunisienne pour analyser, par la suite, les défis économiques actuels et futurs et propose des options de politiques économiques pour y répondre. La Tunisie a franchi une étape décisive dans son processus de développement. Toutefois, malgré sa performance enviable, la Tunisie est obligée de faire mieux pour réduire le chômage, notamment celui des diplômés de l'enseignement supérieur. En effet, les résultats en matière d'emploi, particulièrement chez les jeunes, sont faibles et se détériorent. La moyenne nationale du taux de chômage était de 14,1% en 2008 et culmine à 30% pour les individus âgés de 20 à 24 ans. En extrapolant les tendances passées, les planificateurs anticipent un besoin de plus de 860,000 emplois supplémentaires au cours des dix prochaines années. L'argument principal développé dans ce rapport est que la résorption du chômage à moyen terme exige une montée en puissance des activités à haute valeur ajoutée et une transition vers un modèle de croissance tiré par l'innovation. La persistance du chômage est due, fondamentalement, à la conjonction de deux phénomènes structurels, selon le rapport. D'une part, la Tunisie enregistre une très forte croissance du nombre de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur entrants sur le marché du travail. D'autre part, la structure de production actuelle, dominée par des secteurs intensifs en main d'œuvre non qualifiée, ne génère pas, pour des raisons structurelles, une demande suffisante de main-d'œuvre qualifiée. Si les exportations représentent 47% du PIB en valeur, les secteurs manufacturiers d'exportation génèrent moins de 15% de valeur ajoutée. Lorsque la valeur ajoutée est faible, il faut une croissance très forte des volumes d'exportation pour affecter significativement la croissance. A supposé que la concurrence internationale le permet, la forte croissance des volumes d'exportation induira une demande de travail portant davantage sur la main d'œuvre non qualifiée, ce qui signifie que l'impact sur le chômage demeurera faible puisque celui touche de façon prédominante les diplômés du supérieurs. En d'autres termes, sans une montée en valeur et en gamme technologique dans les secteurs existants et l'émergence de nouveaux secteurs a haute valeur ajoutée, il sera difficile de créer suffisamment de travail pour les travailleurs qualifiés. Le cadre analytique de ce rapport est celui d'un schéma dans lequel la connaissance et l'innovation jouent un rôle moteur à coté de l'accumulation de capital et du travail. La diffusion des connaissances et l'innovation permettent de générer de nouvelles technologies, de nouveaux procédés de fabrication, de nouveaux produits et de nouveaux marchés et une croissance soutenue et durable en dépit des rendements décroissants du capital et du travail. L'innovation et l'intégration mondiale sont les réformes fondamentales qui doivent être accompagnées d'une adaptation de l'environnement économique en général. Dans le cas des secteurs intensifs en ressources naturelles (agriculture, tourisme), l'accroissement de la productivité et le changement structurel exigent un cadre plus large, tenant compte des nombreux arbitrages entre divers objectifs, tels que la croissance, la sécurité alimentaire et la préservation de l'environnement. L'innovation : Un composant de valeur Le rapport insiste sur l'importance des actions de renforcement du système d'innovation pour permettre aux entreprises tunisiennes de monter en valeur et en gamme technologique. Plus de 95% des entreprises tunisiennes sont des petites et moyennes entreprises (PME) avec des capacités d'innovation propres limitées. Alors que l'intégration mondiale de la Tunisie et la proximité de l'Europe exposent ces PME aux innovations technologiques. Le nécessaire renforcement du système d'innovation passe par l'adoption d'un concept d'innovation équilibré et adapté, une plus grande efficience et effectivité des dépenses en recherche et développement et un renforcement des compétences et des outils de financement de l'innovation. Le rendement à l'investissement public dans la recherche-développement en termes d'innovation concrète est faible en Tunisie à cause de nombreuses contraintes qui réduisent l'efficacité de l'effort public. L'investissement public le plus important est la R&D, un bien public dont les externalités positives pour la société dépassent le cadre de la firme. La Tunisie a investit, selon le rapport, l'équivalent de 1.25% de son PIB dans la R&D en 2009 et le nombre de chercheurs (mesuré en termes bruts) pour chaque million de population y est supérieur à la moyenne régionale. Cependant les résultats en matière de brevets et d'utilisation concrète des résultats de la recherche par les entreprises sont faibles. En 2008, le nombre de brevets déposés internationalement étaient de 26 au total, dont 10 aux USA (contre 2 en 2006), 4 en France et 4 à l'office Européen des brevets. Cela reste inférieur à la moyenne régionale. De nombreuses contraintes réduisent en effet l'efficacité et l'efficience du système : Certains programmes d'appui à l'innovation ont des mandats et des modes d'opération semblables (tels que la prime d'innovation et la mise à niveau), ce qui implique que certains des fonds alloués sont largement sous-utilisés. Ceci crée du gaspillage et de l'inefficacité. Un inventaire exhaustif et critique des programmes s'avère nécessaire afin de rationaliser le système. Les fonds sous-utilisés peuvent être éliminés ou fusionnés avec d'autres et toute introduction de nouveau programme pourrait être assortie d'un système de monitoring et évaluation. Ces réformes rendraient le système d'incitation plus lisible et plus efficace. Ces éléments du rapport illustre l'importance de ce document qui fait le diagnostic d'une multitude de systèmes complexes et interconnectés dont la réalité des choses impose la révision pour ne pas perdre des acquis importants certes mais encore demandeurs d'accroissement.