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Tunisie : Autopsie d'un mystérieux 14 janvier
Publié dans Business News le 13 - 01 - 2012

Le départ de Ben Ali dans des circonstances aussi précipitées que mystérieuses, très peu nombreux sont ceux qui ont pu le prévoir. Une journée qui restera dans les annales comme celle qui a fait basculer tout un régime et a fait vaciller une des dictatures policières les plus solidement implantées, entraînant, ainsi à travers le monde arabe, une sorte d'effet domino, à l'ampleur imprévisible.
La journée du 14 janvier historique que les tunisiens ont vécue dans l'euphorie, mais aussi dans la peur. Terrifiés par l'ombre de supposées milices terroristes et cloîtrés chez eux par un couvre-feu implacable. Si certaines zones d'ombre demeurent intactes sur cette journée, beaucoup d'éclaircissements ont été apportés au fil d'enquêtes minutieuses et de détails qui s'imbriquent. Un an après, nous avons tenté de ressusciter la journée folle du 14 janvier. Le jour où la colère d'un peuple a fait basculer une dictature…ou presque.
Cette reconstitution s'appuie sur des auditions du tribunal militaire publiées par le journal en ligne Mediapart, qui tissent les grandes lignes de cette journée historique et les rôles joués, dans l'ombre, par certains personnages clés.
Il aura fallu moins d'un mois pour que l'une des dictatures les plus musclées au monde s'effondre. Pour transformer, une simple mobilisation de jeunes des villes oubliées, en un véritable cataclysme, qui aembrasé un peuple tenu au silence pendant plus d'une vingtaine d'années. Le soulèvement de milliers de Tunisiens, sortis dans la rue, scandant des slogans pour « dégager » la dictature liberticide et corrompue d'un régime policier, a fait ainsi tomber le mur de la peur.
Les Tunisiens se souviendront certainement de la nuit de terreur du 14 janvier et des journées qui l'ont suivie. Journées animées de bruits de coups de feu et de légendes urbaines dignes d'un film à l'américaine. L'euphorie du départ de Ben Ali passée, ils étaient loin de s'imaginer qu'une grande campagne de « sensibilisation de la population » serait orchestrée à leur insu.
Dans la matinée du 15 janvier, très tôt le matin, une réunion de crise s'organise avec pour siège le ministère de l'intérieur. Réunion à huis clos dans laquelle étaient présents Mohamed Ghannouchi, Ridha Grira et Ahmed Friâ.
Cette réunion donne naissance à « une phase de manipulation visant à instaurer un climat de peur dans le pays » entamée par Ridha Grira. C'est ainsi qu'avec coordination des forces de police, des journalistes de la chaîne nationale préparent l'édition spéciale du journal télévisé du soir, avec « des images d'arrestations de Tunisiens désignés comme faisant partie de milices dangereusement armées, arrêtées par les forces de police et les militaires ». Un même message était à l'ordre : « Faites attention peuple tunisien ! ».
Ce même procédé, basé sur de fausses informations, a été repris par les réseaux sociaux.
La chaîne Hannibal Tv a également participé à la mascarade et tient même le haut du pavé. Relâché, au lendemain de son arrestation pour « haute trahison » et « complot » contre la sûreté de l'Etat, Larbi Nasra, patron de la chaîne, livre une confession sans équivoque. Mediapart rapporte : « J'avoue que le contenu des programmes diffusés étaient de nature à créer un climat de discorde entre les Tunisiens et de mettre le pays dans l'instabilité. Je ne peux pas justifier cela. Je me suis trouvé pris dans ces événements politiques que le pays a connus ces derniers jours ».
Une mascarade orchestrée dans le but de donner de la consistance à la thèse des milices armées, conjuguée à celle du complot organisé par les troupes de l'ancien chef de la sécurité présidentielle, à savoir, Ali Seriati.
L'enquête de Mediapart permet de faire ressortir un fait encore contesté : aucune preuve de l'existence de snipers n'a jamais été produite. Lors de son audition, Ali Seriati déclare même qu' « aucune balle ne manque chez la garde présidentielle », un fait facilement vérifiable et qui aurait pu être tiré au clair à travers l'étude des balles dans les corps des victimes. Aucune enquête n'a cependant donné de résultats probants là-dessus.
Qui tenterait-on de protéger ?
S'appuyant sur le travail de la commission d'enquête sur les événements pendant la révolution et jusqu'au 23 octobre, présidée par Taoufik Bouderbala, Mediapart livre une information des plus troublantes. Selon cette enquête parmi les 225 personnes tuées pendant la révolution, près de 200 auraient été assassinées après le départ de Ben Ali…dans des circonstances mystérieuses.Péris dans les prisons tunisiennes, ou tués dans le cadre de la campagne de terreur orchestrée au plus haut sommet de l'Etat, nous n'en savons pas plus à l'heure actuelle.
Un document officiel des renseignements militaires constituera l'unique « preuve » qui implique Ali Seriati et cinq autres complices de « crimes contre l'Etat ». Il s'agit de la fameuse note « 1013 », signée par le général Ahmed Chabir et contresignée par le ministre de la Défense, Ridha Grira. Ahmed Chabir, déclare lors de son audition par la justice tunisienne, ne disposer d'aucun élément pour étayer les accusations de cette fameuse note.
Dans la matinée du 14 janvier, Ali Seriati s'entretient avec l'ex-président Ben Ali et l'informe que « 28 personnes ont été tuées dans les dernières 24 heures ». Pendant ce temps-là, les manifestants ne cessent d'affluer, direction le quartier général des unités d'intervention à Bouchoucha et continuent leur chemin vers Carthage menaçant d'assiéger le palais de la Présidence.
Dans l'aéroport de Tunis-Carthage, sentant une tempête de plus en plus imminente, « les Trabelsi sont dans le salon d'honneur, qu'ils s'apprêtent à quitter pour monter à bord de l'avion ».
Alerté, Samir Tarhouni (colonel de la Brigade antiterroriste) qui suit les opérations via le réseau interne du ministère de l'intérieur, quitte Bouchoucha, pour l'aéroport de Tunis-Carthage, accompagné d'un groupe de 12 hommes. Il donne des instructions pour bloquer tous les appareils sur le tarmac.
A 15h, l'état de siège est décrété, la Tunisie se trouve sous le coup de la loi martiale, Ridha Grira devient l'homme le plus puissant du pays après le président Ben Ali mettant ainsi à l'écart le général Rachid Ammar.
Première disposition prise par le nouvel homme fort du pays : « mettre un terme la prise d'otages de la famille Trabelsi ». Il donne même l'ordre à Rachid Ammar d'assassiner Samir Tarhouni pour libérer les Trabelsi, prétextant « que la brigade anti-terroriste s'est alliée avec les intégristes islamistes.». Chose que Rachid Ammar refuse et demande par ailleurs à Taieb Laâjimi d'arrêter Ali Seriati.
Un peu plus tard, sans avoir l'intention de fuir, Ben Ali accompagne les membres de sa famille pour qu'ils prennent l'avion. Au pied de l'avion présidentiel, Ali Seriati annonce à Ben Ali que l'USGN (L'unité spéciale de la Garde Nationale et la BNIR (Brigade Nationale d'Intervention Rapide) ont rallié la BAT et déclare : «Monsieur le président, je suis désormais dans l'incapacité d'assurer votre sécurité en Tunisie
Ben Ali, contraint et craignant pour sa sécurité, monte alors dans l'avion, direction, l'Arabie Saoudite.
Ali Seriati fut arrêté, peu après par Elyès Lemnekbi, sous les ordres de Taïeb Laâjimi.
Apprenant le départ de Ben Ali, de peur que le palais ne soit pris d'assaut par les manifestants, Sami Sik Salem, numéro 3 de la sécurité du palais décide d'appliquer la procédure constitutionnelle en cas de vacance du pouvoir. Il contacte Mohamed Ghannouchi, alors Premier ministre, ainsi que Foued Mebazaâ et Abdallah Kallel au Palais de Carthage.
Une fois l'absence de Ben Ali, officiellement constatée, Ghannouchi, Mebazaâ et Kallel se réunissent dans le studio de tournage du palais et décident dans un premier temps de faire appliquer l'article 57 de la constitution qui atteste qu'en cas de « vacance du Président de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement absolu, le Conseil constitutionnel se réunit immédiatement et constate la vacance définitive à la majorité absolue de ses membres. ». C'est finalement l'article 56 qui est appliqué et l'enregistrement est envoyé au siège de la télévision nationale.
Si « la rue a obtenu ce qu'elle voulait », certains corroborent la théorie selon laquelle les Américains seraient derrière la chute du régime. Michèle Alliot-Marie avait, rappelons-le, déclaré au Canard enchaîné, peu après la chute du despote « Ce sont les Américains qui ont pris les choses en main. […] Les militaires américains ont parlé avec leurs homologues tunisiens, et Ben Ali a été prié de quitter, sans plus attendre, le territoire […] les Américains auraient été convaincus que le maintien par la force du régime ne pouvait que faire le lit des islamistes ». Les Américains auraient été « vigilants depuis longtemps sur la dégradation de la situation en Tunisie », comme révélé dans les câbles américains publiés par Wikileaks. De bons contacts auraient été établis entre les Américains et de hauts cadres de l'ancien régime. Des relations ayant joué de tout leur poids dans la chute de la présidence de Ben Ali.
Si certains s'amusent à dire que le soulèvement populaire n'est qu'une illusion d'optique peinte par des puissances étrangères, force est de reconnaitre que des ruines de cette révolution, un nouveau régime est en train de voir le jour. Un régime porté au firmament de la gloire par un autoritarisme qui, à force de persécution et de musèlement, a peaufiné sa maturation et dont il s'inspire aujourd'hui.
Le verrou de la peur a sauté mais semble faire place à un embargo encore plus indétrônable, celui de la religion, ou plutôt, de l'endoctrinement par la religion…


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