Le président de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH), Abdessattar Moussa a rencontré vendredi 1er juin 2012 Baghdadi Mahmoudi, dernier Premier ministre du régime libyen de Kadhafi, dans sa prison de Mornaguia sise dans la banlieue de Tunis. Cette rencontre a permis de dévoiler une grave infraction commise par le gouvernement tunisien à l'encontre de cet ancien responsable libyen détenu. Le président de la LTDH a affirmé que les autorités ont isolé Baghdadi Mahmoudi et lui ont interdit toutes visites y compris celles des membres de sa famille ainsi que ses avocats ?! Et dire que les déclarations gouvernementales indiquaient, à plusieurs reprises, que c'est M. Mahmoudi qui refusait de voir ses avocats! Abdessattar Moussa a, également, constaté que l'état de santé et psychique de Baghdadi Mahmoudi s'est gravement détérioré en poursuivant sa grève de la faim. Il a affirmé qu'il est urgent de lui procurer les soins médicaux adéquats et d'améliorer ses conditions de vie dans son lieu de détention. Evidemment, à l'instar de ce qui se passait à l'époque de Ben Ali, le gouvernement, par le biais d'un de ses porte-paroles s'est empressé de démentir les dires de la LTDH et d'en réfuter totalement le contenu ?! Par ailleurs, un des conseillers du ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, s'est déplacé récemment à Paris, en compagnie du président actuel des services secrets libyens afin d'y rencontrer l'avocat français de Baghdadi Mahmoudi, et ce dans le but de conclure une transaction qui leur permettrait de disposer des numéros des comptes bancaires de l'ancien responsable du régime de Tripoli. Ce conseiller du ministre avait auparavant rencontré M. Mahmoudi dans sa prison, au moment où il était interdit à ce dernier de voir ses avocats. Ensuite, ce même conseiller s'est déplacé à Tripoli, pour son propre compte, selon ses dires. Ceci nous mène à nous demander si ce conseiller travaille pour le compte de l'Etat tunisien, ou bien pour son propre compte!? Ou bien encore pour le compte d'une tierce partie? Je n'ai nullement l'intention de défendre l'ancien Premier ministre libyen ni son régime, qui ont commis des crimes à l'encontre des Libyens. Je ne peux, par ailleurs, qu'appuyer le droit des Libyens à voir tous ceux qui ont commis des crimes à leur encontre, se faire juger dans des procès équitables, tout en garantissant aux accusés leurs droits prévus par les chartes internationales des droits de l'Homme. Mais je refuse, en même temps la façon avec laquelle l'Etat tunisien traite le dossier du prisonnier Baghdadi Mahmoudi. Je ne pense pas être dans l'obligation de rappeler à notre honorable gouvernement qu'il est en train de gérer un Etat qui vit une phase révolutionnaire qui a fait chuter un régime corrompu et construit une nouvelle ère basée sur la dignité et la liberté. Et je ne pense pas que le fait de détenir un ancien responsable dans une prison et œuvrer à le troquer par le biais de moyens officiels et officieux dans le cadre d'une transaction louche, dont une partie est officielle et publique et l'autre partie est secrète et cachée, soit en l'honneur de la Tunisie et de sa révolution. Nous voulons que tout le monde comprenne que nous sommes bien dans un Etat et non une bande de pirates, dont le seul souci est de gagner une rançon en échange d'un prisonnier ?! Cela fait un moment que nous nous réveillons chaque jour sur un scandale de gros calibre. Un prisonnier à qui on inflige l'isolement afin de le faire plier et l'obliger à exécuter un plan ficelé de dépouillement !! Un ministre menaçant de rejoindre son pays de résidence de l'avant 14 janvier 2011, et dont il détient la nationalité, si jamais une enquête était ouverte sur le moyen par lequel il a pu être inscrit à l'Ordre des avocats, et qui a soulevé une grande polémique quant à sa régularité !! Et un autre ministre conseiller, faisant partie des résidus du même parti du ministre menacé de limogeage, et dont une voiture présidentielle mise a sa disposition a été repérée chez un de ses beaux frères !! Un des blessés de la révolution, cette révolution dont on a exclu les vrais auteurs et dont veulent profiter les opportunistes, se livre au suicide sous le poids de la frustration, de l'injustice, de l'humiliation et de la précarité ! Le pire est encore à venir… Jusqu'à quand durera cette mascarade? Zied El Héni est journaliste et militant. L'article original a été publié en langue arabe sur le journal «Essahafa» du dimanche 3 juin 2012. Traduit en français par Dorra Meziou avec l'aimable autorisation de l'auteur.