Par Salah Oueslati* Après plus de deux siècles, les Américains continuent de vénérer ce qu'ils appellent les Pères fondateurs des Etats-Unis. Ce sont les hommes qui ont participé à la Révolution américaine (Patriots) ou signé la Déclaration d'indépendance et surtout ceux qui ont élaboré la Constitution de ce pays. Ces hommes étaient principalement protestants, mais certains étaient catholiques ou juifs, plusieurs étaient francs-maçons et quelques-uns étaient athées. Guidés par l'intérêt suprême de leur nouvelle nation, ils ont réussi, malgré la diversité de leurs origines et de leurs (non)appartenances religieuses, à trouver un compromis pour écrire la plus belle page de l'histoire de leur patrie. La Convention constitutionnelle était décrite par Thomas Jefferson lui-même comme une « assemblée de demi-dieux ». Elle continue aujourd'hui d'être perçue comme telle par l'écrasante majorité des citoyens Américains. Les Pères fondateurs sont devenus des figures mythiques dont les noms sont gravés à jamais dans la mémoire collective de ce peuple. Il ne s'agit bien évidemment pas de porter un jugement sur le document constitutionnel lui-même, mais de montrer l'importance de ce lègue dans l'histoire de ce peuple et sa longévité exceptionnelle (elle s'applique depuis le 4 mars 1789) malgré les bouleversements que ce pays a connu à travers son histoire. Cet exemple nous montre qu'une Constitution n'est pas le projet d'une faction, d'un groupuscule ou d'un parti. C'est avant tout un projet collectif qui reflète l'histoire, la culture, les traditions, la diversité d'un peule. C'est aussi la traduction de ses principes et de ses mythes fondateurs, si ce n'est de son âme profonde. Elle n'est pas non plus un document de circonstance élaboré au service d'intérêts étroits d'un parti en vue de gains électoralistes à court terme au détriment des intérêts supérieurs et vitaux à long terme. Une occasion historique à ne pas rater La Révolution tunisienne a offert aux membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) actuelle une occasion unique et exceptionnelle de rentrer dans l'Histoire par la grande porte et d'être célébrés par les générations futures comme des Pères fondateurs d'une nouvelle phase de l'Histoire de leur pays. Une phase pleine de promesse et d'espoir, mais qui exige un esprit d'ouverture et un regard de visionnaire, une culture du compromis et le don de soi. Il est avant tout de la responsabilité des partis majoritaires qui forment la Troïka et qui détiennent tous les leviers du pouvoir et la majorité dans la Constituante de fixer le cap et de montrer l'exemple Force est de constater, que certains membres de l'Assemblée constituante n'ont pas pris la juste mesure de l'évènement que la Tunisie a vécu et continue de vivre. Ils n'ont pas pris la juste mesure de la responsabilité historique qui pèse sur leurs épaules, une responsabilité non seulement devant le peuple tunisien, mais aussi devant les peuples arabes et au-delà. D'aucuns font preuve d'un esprit étroit et partisan, d'un égoïsme consternant et d'une petitesse affligeante. Chacun défend son petit pré-carré de pouvoir et ses petits privilèges à court terme. L'égoïsme et le narcissisme de certains, le disputent à la médiocrité, voire à la bassesse des autres. L'égo surdimensionné de certains n'a d'égal que l'hyper arrogance des autres. Ces Mesdames et Messieurs ne se rendent même pas compte qu'ils sont déjà dans l'Histoire rien que parce qu'ils sont les membres de la première assemblée démocratiquement élue dans ce pays. Ils ne sont pas conscients que c'est le destin et l'avenir de tout un peuple qui est entre leurs mains. Il leur appartient désormais d'écrire la plus belle page de l'Histoire de la Tunisie, c'est une exigence éthique et morale. Il leur appartient de choisir ou bien de sortir par la grande porte ou bien de sombrer dans la poubelle de l'histoire. Il leur incombe désormais d'être évoqués dans les livres de l'Histoire, qui restent à écrire, ou bien comme les Pères fondateurs de la Tunisie de demain ou bien comme les Pères fossoyeurs de leur propre patrie.