Les Tunisiens sont désormais fixés sur le dernier délai que s'accorde Hamadi Jebali, chef du gouvernement, pour annoncer le destin réservé à son initiative, lancée, il y a exactement, neuf jours à propos de la formation d'un gouvernement de technocrates n'appartenant à aucun parti politique. C'est ce qu'il a annoncé, effectivement, aujourd'hui même, jeudi 14 février 2013, auprès des représentants des médias : « "Demain vendredi, je vais rappeler tous les partis politiques, ceux qui sont pour et également ceux qui sont contre cette initiative. Samedi, enfin, j'annoncerai si mon initiative a des chances de réussir ou bien si elle est vouée à l'échec. Et dans le deuxième cas, je solliciterai le président de la République, conformément à la constitution, de désigner quelqu'un d'autre pour former un nouveau gouvernement", a-t-il dit en substance. C'est donc samedi que le peuple tunisien sera fixé sur le sort de Hamadi Jebali. Ce dernier sera-t-il encore le chef du gouvernement ou cèdera t-il la place à un autre comme il l'a dit ? Il faut dire qu'effectivement, M. Jebali joue son avenir politique depuis qu'il a lancé son initiative. Et tout prouve qu'il a été sincère dans son action puisqu'il compte y aller jusqu'au bout. Et ironie du sort, s'il échoue, ce sera par la faute de ses amis et de ses alliés d'hier, Ennahdha et le CPR, en particulier, opposants les plus farouches à son idée spectaculaire qui les avait surpris et pris de court. Mais malgré cette résistance des faucons d'Ennahdha et des suiveurs CPRistes qui, surtout, craignent de perdre leurs portefeuilles ministériels, le secrétaire général du parti islamiste n'a pas jeté l'éponge et continue à se battre jusqu'au dernier moment. Après avoir rencontré les chefs des missions diplomatiques de plusieurs pays étrangers influents parmi les grandes puissances régionales et internationales ainsi que ceux voisins, frères et amis, M. Jebali a présidé une réunion qui a tenu tout le pays en haleine, celle ayant réuni, ce qu'on a appelé, les « sages » de la Tunisie, en présence du général Rachid Ammar, chef d'état major de l'Armée nationale. Aujourd'hui et demain, il fait le tour des partis politiques, notamment ceux de l'opposition dont Nidaa Tounès et Al Moubadara pour leur soumettre les dernières touches de son initiative. Mais entre-temps, il a continué à s'occuper de son clan nahdhaoui. En effet, selon notre confrère Zyed Krichen, dans son analyse parue sur le journal « Le Maghreb » du jeudi 14 février 2013, Hamadi Jebali se serait réuni à Sousse avec les secrétaires généraux régionaux des 24 gouvernorats du pays. En réussissant à réunir tous les secrétaires régionaux pour discuter avec eux, M. Jebali démontre, si besoin est, qu'il n'est pas isolé au sein de son mouvement et qu'il a des partisans qui ont toujours de l'estime et de la considération pour lui. Certains voient dans cette rencontre, comme le mentionne ledit article, « une contre-attaque du chef du gouvernement et un message aux faucons d'Ennahdha », leur signifiant qu'il est bien là aussi bien au gouvernement qu'au sein de son parti. Il est utile de souligner qu'après neuf jours du lancement de l'initiative, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et les positions des uns et des autres ont évolué. Du côté de la Troïka, le CPR est le seul, joint il est vrai par Wafa, à s'y opposer catégoriquement. Ettakatol est le seul à y être favorable sur toute la ligne. Ennahdha, dans un souci de ne pas perdre la face, semble faire des concessions, allant jusqu'à accepter deux tiers de technocrates, délaisser les deux ministères de la Justice et des Affaires étrangères, mais s'attacher à un tiers pour des ministres politiques tout en gardant le contrôle du département de l'Intérieur et, plus précisément, Ali Laârayedh. Il est utile et logique, en passant, de s'interroger sur cette obstination frisant l'obsession de la part du parti islamiste à conserver la mainmise sur le département de l'Intérieur et maintenir Ali Laârayedh à sa tête. Certaines mauvaises langues diront qu'il y a anguille sous roche… Du côté de l'opposition, les réactions sont mitigées. Il y a ceux qui sont favorables à l'initiative sans conditions ni préalables. On citera dans ce camp, notamment, Nidaa Tounès, l'Alliance démocratique et le Parti du Travail. Et il y a ceux qui disent « oui, mais… ». Il s'agit, surtout, d'Al Joumhouri, d'Al Massar et du Front populaire. Concernant les organisations nationales, si la centrale patronale (UTICA) accorde son soutien à M. Jebali, son homologue syndicale (UGTT), adopte une position mitigée avec un accord sous conditions. La situation semble complexe et compliquée laissant la porte ouverte à toutes les hypothèses des plus optimistes à celles des plus alarmantes. Et sans vouloir se montrer pessimiste, il est fort à parier que, quelque soit l'issue de ces tractations, la classe politique et la Tunisie sera divisée. Car il est difficile, voire impossible d'imaginer que les démocrates acceptent le maintien d'un gouvernement partisan. De même qu'il est difficile qu'Ennahdha, ou du moins les faucons en son sein, le CPR et Wafa admettent un gouvernement formé, uniquement, de compétences sans les leurs. Et ce qui est à craindre concrètement et sérieusement, c'est un éventuel recours à des démonstrations dans la rue avec tous les risques de dérapages et de violences. C'est le scénario prévisible en cas d'absence de consensus soutenu par tous les partis politiques. C'est dire que des inquiétudes sérieuses pèsent sur l'avenir proche du pays. A commencer par cet appel à manifester par Ennahdha pour, justement, ce samedi 16 février 2013. Une manifestation qui coïncide, désormais, avec l'annonce de Hamadi Jebali quant à la nature de l'issue de ses tractations. Aura-t-on, encore un gouvernement, ce samedi ? Ou bien fera t-on un saut dans l'inconnu ? Franchement, personne ne peut prétendre, dans ce deuxième cas, prévoir la configuration politique en Tunisie et les probables développements sur le terrain. Encore une fois, et en dépit des divers scenarios dont ceux alarmistes, nous demeurons assez confiants tant que le pays sera protégé par une armée républicaine et patriotique. En tous les cas, la présence du général Ammar à la réunion présidée par Hamadi Jebali avec les « sages » est un signal rassurant quant à la disponibilité de notre Armée nationale pour garantir l'avenir de la Tunisie, de son Etat et de ses institutions.