Baccalauréat, Ahmed Souab, jeunes médecins…Les 5 infos du week-end    Frappes contre l'Iran : la Tunisie dénonce une légitimité internationale à géométrie variable    Chaos aérien : Air France, Turkish Airlines et d'autres suspendent leurs vols vers Dubai, Doha et Riyadh    Huile d'olive : des recettes en baisse malgré une hausse des exportations    Tunisie : plus de 34 000 tonnes de produits agricoles biologiques exportées en cinq mois    La Tunisie au dernier rapport l'UNESCO sur l'industrie du livre en Afrique    Rencontre tuniso-turque en marge de la réunion ministérielle de l'OCI à Istanbul    Air France annule ses vols vers Dubaï et Riyad, après les frappes américaines en Iran    Etoile du Sahel : la composition complète du nouveau staff technique annoncée    Nabil Kouki quitte la barre technique de l'ES Sétif    Bac 2025 : Près de deux tiers des admis sont des candidates    Ahmed Souab : nous sommes libres dans nos prisons, ils sont prisonniers dans leurs palais !    3,7 millions de tonnes par an : la production maraîchère tient malgré la baisse des surfaces    Fermeture imminente du détroit d'Hormuz : l'Iran durcit le ton    Marathon de la construction et de l'édification : une course qui fait courir… les moqueries    MAE Iranien : "Les Etats-Unis ont franchi une ligne rouge"    Marée rouge à Monastir : Un phénomène toxique entraîne la mort de nombreux poissons    Le raid américain serait-il un coup d'épée dans l'eau ?    Contrebande : la douane intercepte pour plus de 900 mille dinars de marchandises    Tunis : des radars automatiques seront installés dans les points noirs    Coupe du monde des clubs – L'EST s'impose face à Los Angeles FC : La copie parfaite !    Université : Tout savoir sur le calendrier d'orientation des nouveaux bacheliers    Tunisie : Entrée en vigueur des sanctions liées à la facturation électronique à partir du 1er juillet 2025    Riposte iranienne : Des missiles frappent Tel-Aviv, Haïfa et le centre de l'entité sioniste    Dar Husseïn: Histoire politique et architecturale    À Istanbul, Nafti condamne l'agression contre l'Iran et appelle à une mobilisation islamique unie    Lancement d'une plateforme numérique dédiée au suivi de l'avancement de la réalisation des projets publics    Sonia Dahmani, sa codétenue harceleuse transférée… mais pas avant le vol de ses affaires    Les lauréats du baccalauréat 2025 à l'échelle nationale    L'homme de culture Mohamed Hichem Bougamra s'est éteint à l'âge de 84 ans    La Tunisie signe un accord de 6,5 millions d'euros avec l'Italie pour la formation professionnelle    Alerte rouge sur les côtes de Monastir : des poissons morts détectés !    La poétesse tunisienne Hanen Marouani au Marché de la Poésie 2025    Le ministre du Tourisme : La formation dans les métiers du tourisme attire de plus en plus de jeunes    La Ministre des Finances : « Nous veillons à ce que le projet de loi de finances 2026 soit en harmonie avec le plan de développement 2026-2030 »    Décès d'un jeune Tunisien en Suède : le ministère des Affaires étrangères suit l'enquête de près    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La justice tunisienne « laissée à l'appréciation du juge »
Publié dans Business News le 15 - 09 - 2013

En Tunisie postrévolutionnaire, les chroniques judiciaires occupent autant l'espace public que les bouleversements politiques. Ces derniers temps, le secteur de l'information et des médias se trouve être la cible d'un acharnement judiciaire sans précédent. Le pouvoir utilise, sans vergogne, l'appareil judiciaire pour réprimer ses opposants et les voix qui le dérangent. La toute puissance conférée par le système aux juges d'instruction et dans un moindre degré, aux procureurs de la République est l'outil qui permet de telles pratiques.
Cette toute puissance a quelques avantages et de nombreux inconvénients. Cette toute puissance empêche le système judiciaire d'accomplir sa principale mission, la justice.
Le journaliste militant Zied El Héni se trouve aujourd'hui en prison. Il a eu l'audace de qualifier de menteur, Tarek Chkioua, procureur de la République, promu depuis en tant que premier substitut du procureur général près de la Cour de Cassation. Le fait qu'il ait de quoi prouver une telle accusation ne change rien à la donne. Une telle injustice permet de penser que Zied El Héni a été emprisonné, non pas à cause de ce dont il est officiellement accusé, mais pour faire taire une voix discordante qui n'a cessé de dénoncer les abus du régime.
Cette pratique est connue des Tunisiens car c'est celle-là même qu'avait institué, construit et renforcé le régime de Ben Ali. C'est cette même méthode qui lui avait permis de causer des ennuis judiciaires à ses opposants et surtout de les épuiser tant moralement que physiquement. Dans une intervention télévisée datant du 13 septembre, Lazhar Akremi, fin connaisseur des arcanes de la justice tunisienne, a expliqué comment la chaîne pénale qui permettait au régime de Ben Ali de poursuivre ses opposants est aujourd'hui à la solde du parti Ennahdha. Le parti au pouvoir, loin de toute intention de réforme ou de changement, s'est contenté de recycler cette chaîne en y plaçant ses fidèles préservant ainsi une arme redoutable contre les opposants de tous bords.
Lazhar Akremi explique que si l'on sait qui est le juge d'instruction en charge d'une affaire, on peut savoir quelle chambre de mise en accusation suivra la procédure. Partant de là, l'identité même du juge d'instruction de départ pouvait renseigner sur l'identité de tous ceux qui allaient officier au destin de cet accusé. Par conséquent, il devient facile de corrompre toute cette chaîne et de la mettre au service de l'exécutif en sélectionnant un juge avenant et pas trop à cheval sur l'indépendance de la justice.
Mais comment mettre au pas un juge d'instruction ? Lazhar Akremi fournit quelques éléments de réponse. Il cite, en exemple, la menace persistante du limogeage. Une véritable épée de Damoclès sur la tête de tous les juges d'instruction. Il cite également le mécanisme de l'allongement de la durée de travail. Quand on garde un juge d'instruction après la date théorique de sa sortie à la retraite, celui-ci sera spontanément reconnaissant de cette faveur qui lui est faite et qui lui permet de garder son salaire et ses avantages. Par conséquent, ce juge sera plus enclin à obéir aux instances qui lui ont permis de garder des avantages qu'elles peuvent lui retirer à tout moment. Lazhar Akremi n'hésite pas à affirmer que le véritable ministre de la Justice est un juge appartenant au mouvement islamiste.
Cette mainmise des juges et des procureurs sur l'appareil judiciaire est un des plus grands obstacles à toute velléité de réforme ou de changement. Le procureur impliqué dans l'affaire Zied El Héni, Tarek Chkioua, a commencé à exercer dans la justice tunisienne en 1987. D'après Lazhar Akremi, ce monsieur a été promu 15 fois et n'a jamais quitté Tunis et sa banlieue. Ceci ne peut pas ressembler à la carrière d'un défenseur des droits de l'Homme sous Ben Ali.
Ironiquement, la situation aujourd'hui est plus grave que ce qu'on avait connu sous Ben Ali. Il suffit de rappeler que Zied El Héni n'a pas fait un jour de prison sous l'ancien régime. Aujourd'hui, plusieurs personnes ont fait les frais de manœuvres et de procédures illégales. Prenons pour exemple le fameux mandat de dépôt.
En théorie, le mandat de dépôt émane d'une décision du juge d'instruction qui permet de mettre en prison une personne dans l'attente de son procès. Cette procédure n'est applicable que dans certains cas : le risque que l'accusé s'enfuit et quitte le pays est tel qu'il est nécessaire de le maintenir en prison, l'accusé représente un danger pour lui-même et pour la société s'il reste libre et enfin, l'accusé peut influencer le cours de l'enquête en restant en liberté. En dehors de ces trois conditions, l'émission d'un mandat de dépôt est tout bonnement illégale.
Le système judiciaire tunisien confère aux juges d'instruction un pouvoir très étendu et qui n'est soumis à aucun contrôle ou presque. « Laissé à l'appréciation du juge » est une expression que l'on entend souvent dans les couloirs des palais de justice. Malheureusement, cette « appréciation » peut être intéressée ou dirigée ou simplement erronée en toute bonne foi du fait du nombre d'affaires à juger. D'ailleurs, il est connu dans les geôles qu'il vaut mieux passer devant le juge dans la matinée ou dans la journée plutôt que dans la nuit car la décision risque d'être bâclée et sévère, à ce moment là.
Dans le dernier numéro du journal « L'audace », Slim Bagga fait une description poignante du calvaire des douches qu'il a connu en prison, en plus de la détention en elle-même. Le fait d'être emprisonné en étant tout à fait innocent est assez difficile pour ne pas se voir en plus infliger le supplice d'une promiscuité dévastatrice. Le journaliste propose qu'une semaine de prison soit incluse dans le cursus des aspirants juges d'instruction, qu'ils sachent où ils envoient les gens.
Le cas le plus édifiant reste celui de Maher Mannaï qui croupit encore en prison pour un crime qu'il n'a jamais commis. Maher Mannaï avait été condamné par un juge d'instruction ivre pendant une séance à 2 heures du matin. Ce n'est là qu'une partie des dysfonctionnements qui entourent cette affaire. L'enquête effectuée par Samy Ghorbal et ses acolytes apporte des témoignages édifiants et dégage des problématiques essentielles qui doivent être résolues si l'on espère, un jour, avoir une justice digne de ce nom.
Les juges d'instruction représentent le maillon central de toute procédure judiciaire. Ils peuvent être justes et impartiaux comme ils peuvent être manipulés et mis sous les ordres. Quoi qu'il en soit, les juges d'instruction disposent d'un pouvoir exagéré et trop de destins tiennent à leur seul bon vouloir. Une réforme sérieuse du système judiciaire commencerait par atténuer le pouvoir des juges d'instruction et les soumettre à un contrôle rigoureux. Une deuxième étape serait d'établir l'indépendance du ministère public par rapport à l'Etat. Et pourquoi pas un procureur général élu comme aux Etats-Unis ?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.