Les dirigeants des principaux partis politiques se sont donné une nouvelle rallonge d'une journée et demie pour essayer de trouver un consensus autour de la personnalité qui assumera la présidence du gouvernement. Tous les débats qui ont eu lieu durant la semaine dernière n'ont pas abouti à dégager un profil consensuel mais à s'enliser davantage dans une compétition malsaine, pour de mauvaises raisons, entre Ahmed Mestiri et Mohamed Ennaceur. Au départ, tous les partis politiques partenaires du dialogue national ont présenté chacun les noms de leurs deux candidats. Tous ces candidats pouvaient assumer cette responsabilité délicate de conduire le prochain gouvernement. Il faut dire que compte tenu des ratés des deux précédents gouvernements, ils étaient pratiquement assurés de faire mieux. La vingtaine de candidatures écartées dans un premier temps étaient donc raisonnablement valables et leur retrait n'est dû qu'à des calculs politiciens qui ont conduit, au final, au blocage que nous constatons aujourd'hui. Même les candidatures de Jalloul Ayed et de Mustapha Kamel Nabli, retenues jusqu'au dernier moment étaient des candidatures écran pour mieux masquer cette compétition connue par tous dès le début mais qui ne voulait pas se manifester publiquement, clairement et courageusement, pour laisser envenimer l'ambiance générale du débat national. Parler maintenant de l'âge avancé de l'un ou l'autre des candidats restés en lice relève donc plus de la farce que de l'argumentation politique sérieuse. En effet, aussi bien Ahmed Mestiri que Mohamed Ennaceur font partie de la génération de l'indépendance. L'un est âgé de 88 ans et l'autre a quand même 79 ans. Avouons que ce n'est pas l'âge idéal pour un homme politique actif. Leur présence sur la scène politique n'est due qu'à cette politique de désertification pratiquée systématiquement durant des décennies dans notre pays de la part des pouvoirs en place mais aussi au sein même des partis de l'opposition. C'est pourquoi nous vivons aujourd'hui ce paradoxe d'une révolution faite par les jeunes mais confisquée exclusivement par les anciens. Ce sont ces anciens d'ailleurs qui se querellent aujourd'hui autour du nom du prochain chef de gouvernement qui sera en tout cas l'un des leurs. Ils ont tous dépassé la soixantaine, depuis longtemps pour certains, depuis des décennies pour d'autres. Caïd Essebsi, Ghannouchi, Chebbi, Morjane et même Hamma Hammami et tant d'autres font partie de ce club des anciens. Seulement ils continuent à agir comme si ce n'est pas uniquement l'histoire qui leur appartient mais aussi le monopole de l'avenir de la Tunisie et de l'ensemble des Tunisiens. Et parce qu'ils se connaissent depuis trop longtemps, ils continuent à régler leurs comptes avec l'histoire et continuent leurs petites guéguerres pour des raisons personnelles, familiales, futiles parfois, souvent. Ne dit-on pas que les éléphants sont dotés d'une mémoire infaillible ? Mais les pachydermes n'ont pas la responsabilité de sauver la Tunisie et ne se targuent pas d'agir dans l'unique intérêt du pays. Au contraire, ils ont cette capacité formidable de conjuguer leurs efforts pour préserver leurs jeunes, les protéger de tous les dangers, les encadrer et les guider. Bien entendu, cela ne touche en rien aux mérites de tous les anciens qui ont défraichi les sentiers difficiles de la lutte pour les libertés dans notre pays. Ils sont tous honnêtes, courageux, méritants, dotés d'une riche expérience. Ils sont certes utiles mais ils doivent arrêter de ne considérer l'intérêt du pays qu'à travers le prisme réducteur de leurs expériences personnelles et leurs égos démesurés. Parce qu'ils sont nos anciens, nous leur devons tout notre respect et la conviction qu'ils sont bonifiés par leurs expériences accumulées. Mais ils doivent éviter de devenir trop coûteux pour le processus de la transition démocratique dans notre pays.