Par Abdelhamid GMATI Le chef du gouvernement, M. Ali Laârayedh, vient d'affirmer «qu'il n'y aura pas d'islamisation de la Tunisie postrévolutionnaire». Dans une interview parue sur les colonnes du journal britannique The Guardian, il indique aussi que le «gouvernement islamiste n'a pas l'intention de monopoliser le pouvoir». Il donne aussi ses points de vue «intéressants» sur diverses questions concernant la Tunisie. On apprend ainsi que le «gouvernement dirigé pas Ennahdha prône un modèle socioéconomique plus proche des pays scandinaves» et «qu'aucune condition n'a été imposée à la Tunisie dans ses négociations avec le FMI pour un prêt stand-by». Plusieurs affirmations pour le moins perturbantes. A lire le texte, on découvre qu'Ennahdha serait laïque, tolérante («l'Etat garantit à tous la liberté d'exercer leurs croyances de manière pacifique»), démocrate, ne voulant pas s'accaparer le pouvoir, etc. On se demande alors pourquoi ce mouvement islamiste brandit comme référentiel principal la religion, divise la société tunisienne en «mécréants» et islamistes, couvre et laisse se développer les salafistes, les milices, la violence politique, les attaques contre les partis de l'opposition et veut exclure une grande partie de la population ? Qu'en est-il de l'envahissement du club des journalistes et l'interdiction d'y servir des boissons alcoolisées ? Et le retard pris dans la rédaction de la nouvelle Constitution, dû en particulier (selon des élus eux-mêmes), à la volonté des islamistes d'y inscrire les ingrédients d'un Etat islamiste et d'empêcher l'indépendance de la justice, des médias, de l'Isie, etc.? Que dire des interventions répétées du gourou du mouvement qui ne cache pas son intention d'islamiser la société tunisienne ? Mais les Tunisiens ne sont pas dupes ; on sait déjà le double langage de nos gouvernants: démocratie, respect des libertés et des libertés dans les déclarations aux médias occidentaux (auxquels la majorité des Tunisiens n'a pas accès), et islamisme, dirigisme, califat, charia dans les médias arabes. Il y là un problème de communication. Le gouverneur de la Banque centrale, M. Chedly Ayari, s'en est pris aux médias estimant qu'ils induisent les citoyens en erreur. Et brandissant une copie de notre journal, il a «dénoncé» une caricature, expliquant les prêts du FMI. Tout responsable a le droit d'apprécier ou de ne pas apprécier un article ou un dessin. Mais a-t-il le droit d'induire les citoyens en erreur ? Les articles de nos confrères ainsi que les dessins publiés, y compris celui incriminé, n'ont rien inventé : ils ont repris diverses analyses d'éminents économistes et financiers qui ont mis en exergue les risques qu'on encourt lorsqu'on contracte trop d'endettement ou qu'on obéit aux conditions qu'imposent le FMI et les autres créanciers. Parmi eux, on cite MM. Houcine Dimassi, ancien ministre des Finances, Jalloul Ayed, également ex-ministre de l'Economie, Ezzeddine Saïdane, Radhi Meddeb, etc. Au lieu de s'en prendre aux messagers, comme le font ses amis de la Troïka, il aurait dû s'attacher au message et apporter les explications nécessaires, en développant, par exemple, ses «cinq recommandations». Ce qu'il n'a pas fait et l'équivoque n'a pas été levée. Encore un problème de communication. La très controversée ministre de la Femme et de la famille, Mme Sihem Badi, n'est pas contente que certains députés aient voulu qu'elle quitte son poste : «Sur quelles bases les députés de l'Assemblée nationale constituante ont voulu me retirer leur confiance ? Comment ont-ils signé une motion de censure à mon encontre», s'est-elle étonné. Son comportement sur le dossier du viol d'une gamine de 3 ans qui a été dénoncé par l'ensemble de la classe politique et par la société civile lui semble exemplaire. Elle avoue d'autre part que 7 cas d'abus sexuels sur des enfants ont été portés à sa connaissance et qu'un grand nombre de jardins d'enfants sont non réglementaires ainsi qu'un grand nombre d'écoles coraniques. Dans une totale impunité : son département n'a bougé en fermant 18 de ces jardins d'enfants que lorsqu'on a demandé sa démission. Apparemment, elle ne se rend compte de rien. Mardi 2 avril, on a fêté la «Journée mondiale de l'autisme», ce trouble «du développement précoce dans lequel la communication et les interactions sociales réciproques sont perturbées; la personne autiste manifeste des intérêts restreints et/ou s'adonne à des activités stéréotypées et répétitives». Il affecte surtout les enfants qui, à l'âge adulte, ont des difficultés à s'adapter à la vie en société et souffrent toujours d'un problème de communication. Pour cette journée spéciale, plusieurs villes françaises ont illuminé en bleu certains lieux publics pour «éclairer» et attirer l'attention sur l'autisme pour que la société prenne en charge ceux qui en souffrent et les aide à apprendre à communiquer. Chez nous, cette journée est passée inaperçue. Normal, puisqu'on était déjà averti depuis qu'un certain mouvement politique a inclus la couleur bleue sur son blason. On sait déjà ce qu'est la difficulté de communiquer chez certains.