Ce ne sont ni les JCC (Journées cinématographiques de Carthage) ni les JTC (celles théâtrales), et pourtant comme un parfum de comédie règne dans l'air. Premiers acteurs : deux candidats à la présidentielle dont chacun se propose comme une alternative pour le pays. Deux acteurs adulés par les leurs, en somme, et ne prêchant, au final, que des conquis ! La mise en scène est assurée par des sociétés de communication, des boites de coaching et des dirigeants de chaque parti dont le manque d'expérience en matière de communication politique n'a d'égal que l'ambition pour l'après-élection de leur candidat. Quant au texte, il est travaillé minutieusement avec ses idées clés, l'attaque et la contre-attaque qui lui sont inhérentes. Les spectateurs sont, évidemment, nous autres citoyens, électeurs potentiel d'un 21 décembre qui tarde à venir. Ce 9 décembre marque en effet le début de campagne pour le second tour. Une date qui a été précédée par plusieurs événements annexes précurseurs de la tournure théâtrale que prendra la politique nationale. Les larmes de Adnane Mansar ont ouvert le bal. Ce responsable de la communication du candidat Moncef Marzouki a en effet fondu en larmes dans le cadre d'une émission télévisée. Le souvenir d'une discussion qu'il a eue avec sa fille était à l'origine de ses pleurs étouffés. L'anecdote aura servi à créer l'événement, à dresser du porte-voix de Moncef Marzouki une image imprégnée d'affect. La catharcis a surement agi auprès de ceux qui sont sensibles à ce type de discours voire sensibles tout court. Dans l'autre camp, nous ne savons pas quelle tournure prendre la campagne pour le second tour. Nidaa ayant mis à l'écart les journalistes qu'il a pourtant conviés au lancement de ladite campagne et choisi de tourner à huis clos ce qui en sera transmis, après travail, au potentiel électeur. Politique et théâtre iront, à coup sûr, de paire en cette période qui s'ouvre aujourd'hui et étalera jusqu'au 20 décembre, date du silence électoral, les qualités d'un candidat et celles de l'autre. Le discours rôdé voire appris jouera sur la sensibilité de l'électeur et sur son inconscient. Le discours s'articulera de part et d'autre sur l'impact des symboles verbaux et des images et sur la crédulité d'un citoyen avide de changement d'un côté et d'un citoyen réfractaire au changement de l'autre. La dualité est inhérente à ce second tour plaçant en vedette deux candidats se présentant d'eux-mêmes comme antagonistes. Le duel demandé par Moncef Marzouki et voulu comme un acte de bravoure demandé à un prétendant convoitant lui aussi la Belle est au centre de cette théâtralité. Le citoyen se trouve donc au centre de ce quiproquo, partie prenante et objet de discorde, il est surtout le dindon de la farce. De ses soucis on parlera évidemment, la gorge nouée et le verbe profus. De ses ambitions on se fera le porte-voix et on se présentera comme le garant suprême. Ses réticences seront absorbées, ses critiques étouffées ou décrédibilisées. Seule sa voix compte ; le reste est accessoire. Cet électeur spectateur figurant est pourtant le point d'orgue de cette bataille qu'on dit mener pour lui. Sur lui repose l'avenir du pays et l'avenir politique de centaines de politiciens novices et ambitieux et celui d'autres craignant le retour à la case départ ou le départ vers la case prison. Le spectacle débute aujourd'hui et il ne faudra pas se pousser, il viendra jusqu'à nous, pour nous convaincre, nous charmer voire nous amadouer. Il jouera sur la corde de la sensibilité et sur celle de la discorde. Il nous dressera, dans un manichéisme niais, l'image du bien et du mal incarné par l'un et l'autre candidats. Entre le bon et le mauvais, entre le bon et le moins bon ou entre le mauvais et le moins mauvais, les approches diffèrent et la réponse aura un seul vecteur : les urnes ! Ceux qui ont refusé d'être de simples pions n'iront certainement pas voter le 21 décembre et mettront un bulletin blanc. Mais la politique-théâtre n'en a que faire. The show must go on !