C'est indigne de voir des partis politiques se targuer d'avoir présenté au Chef du Gouvernement des listes de leurs adhérents susceptibles d'être nommés à la tète des missions diplomatiques et consulaires à l'étranger. Pendant que vous y êtes, vous n'aurez pas aussi des politiciens à proposer pour devenir médecins ou pilotes d'avion? Quand est ce qu'on va comprendre une fois pour toute que la diplomatie est un métier et une technique qu'on acquiert après des années et des années de pratique au ministère des Affaires Etrangères et dans les postes diplomatiques et consulaires à l'étranger, après une minutieuse sélection parmi les diplômés du supérieur et une formation adéquate à cet art ?
Aspirer à diriger un poste diplomatique à l'étranger et avoir le titre d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, représenter fièrement et parler au nom de la Tunisie dans le monde, n'est pas donné à n'importe qui, même parmi les diplomates de carrière. Que dire alors des nouveaux politiciens, qui au bout de quelques années ou même des mois en tant qu'adhérents d'un parti politique «attrapent la folie des grandeurs» et revendiquent ouvertement ce privilège. Cette haute responsabilité est censée être le couronnement d'une longue carrière d'une élite parmi les diplomates, ou confiée exceptionnellement à des personnalités, qui disposent d'un aura international et capables d'apporter vraiment le plus, pour accomplir une mission particulière bien déterminée dans l'espace et le temps, qu'un diplomate de carrière ne pourra apporter.
Le ministre des Affaires Etrangères a pourtant été clair en affirmant que la règle c'est la nomination de Chefs de missions diplomatiques et consulaires, parmi les diplomates de carrière, l'exception c'est des personnalités en dehors du corps, mais pour cela il faudra bien trouver cette personne exceptionnelle qui apportera ce plus, qui fait défaut parmi les diplomates de carrière.
La diplomatie tunisienne, sous Ben Ali et même sous la troïka, a longtemps souffert des nominations partisanes qui ont grandement nui à l'image de notre pays et à celle de notre diplomatie.
Jusqu'à ce jour plusieurs tunisiens résidant à l'étranger ne veulent avoir aucune relation avec leurs ambassades, justement à cause des pratiques méprisantes, douteuses et non professionnelles de certains ambassadeurs de l'ère Ben Ali, qui ignorent les ABC du métier.
C'est là le principal tort qu'a fait Ben Ali à la diplomatie tunisienne, lui qui avait une aversion envers les diplomates, parce qu'il n'a jamais pu l'être. Et maintenant après la révolution de la dignité et après que la Tunisie a commencé à trouver la place qui est la sienne, parmi les pays tolérants, démocratiques et respectueux des droits de la personne, ces pseudo politiciens veulent recourir à ces pratiques d'un autre âge.
Du temps où M. Béji Caïd Essebsi était chef du Gouvernement, le mouvement diplomatique n'a concerné que des diplomates de carrière, à une exception prés. Ces chefs de postes se sont avérés être de dignes représentants de notre pays, y compris l'ambassadeur non carriériste qui a vraiment fait de l'excellent travail et a été chaleureusement décoré et honoré par le chef de l'Etat du pays hôte, au moment de son rappel précipité vers Tunis.
Aussi, je demeure optimiste, parce que tous les responsables de la diplomatie tunisienne et à leur tête le président de la République semblent partager cette opinion, défendue farouchement non seulement par tous les diplomates, mais aussi par tous ceux qui aspirent à voir la Tunisie d'aujourd'hui dignement représentée par des diplomates professionnels, neutres et apolitiques, mais aussi compétents et talentueux.
Le vrai salut pour notre pays c'est la neutralité de l'administration en général et tout particulièrement la diplomatie, tout comme l'armée et les forces de sécurité nationale.
Alors de grâce, ôtez vos mains de notre diplomatie et laisser faire les experts.
*Ministre Plénipotentiaire et Chef de Mission Adjoint à l'Ambassade de Tunisie à Ottawa