Baghdadi Mahmoudi, oublié pendant un temps, est revenu sur la scène tunisienne cette semaine. L'ancien Premier ministre de Mouammar Kadhafi a récemment été condamné à mort dans son pays. Baghdadi Mahmoudi fuyait la Libye en 2012 et avait été arrêté par les autorités tunisiennes. Quelque temps plus tard, il a été extradé vers son pays. Il a été emprisonné depuis son extradition et vient d'être condamné à la peine capitale. Tout cela s'est passé sous le gouvernement de la troïka avec pour principaux protagonistes, Hamadi Jebali dans le rôle de chef du gouvernement et Moncef Marzouki dans le rôle –de composition- de président de la République. Dès l'annonce de la condamnation, Moncef Marzouki a tenu à réitérer le fait qu'il est contre la peine de mort et surtout que cette extradition s'est faite sans son approbation et sans même en avoir été informé. On se souviendra des justifications farfelues du genre : Le président de la République était injoignable au téléphone pour être informé de cette extradition… Le pire dans tout ça c'est le dédain montré au drame humain et le besoin de récupérer politiquement l'histoire. Les affiliés au CPR sont passés maitres en la matière. Aujourd'hui, avec toute la mauvaise foi du monde, ils nous ressortent le couplet de « le président n'était pas au courant » et surtout ils nous rappellent que Moncef Marzouki s'était tellement énervé à l'époque qu'il avait failli démissionner ! Baghdadi Mahmoudi, lui, n'a pas « failli » être condamné… Le président de la République n'était pas au courant, admettons. La décision a été prise et exécutée par le gouvernement, d'accord. Mais dans ce gouvernement il y avait bien des ministres du CPR, des sommités du genre Sihem Badi ou Selim Ben Hmidène. Eux aussi n'étaient pas au courant ? Pourtant c'est les mêmes qui se faisaient passer pour les chantres de la transparence et de la régularité. Feraient-ils des cachotteries à leur président dans le but de servir d'autres intérêts ? On n'oserait le croire… Bref, pendant que les valets s'agitent et tentent de laver leur président, Moncef Marzouki, de toute responsabilité dans cette histoire, Baghdadi Mahmoudi a été condamné à mort. Par contre, on remarquera que la « sensibilité » des CPRistes à la question de la peine de mort est toute relative. Premièrement, Il faut signaler, pour l'histoire, que les députés de l'ANC n'ont pas eu le courage d'abolir la peine de mort. Il faut dire qu'il y a du religieux dans cette question puisque la peine de mort est prévue par l'islam. Et puis comme plus de la moitié des députés de l'époque étaient islamistes, y compris certains CPR, la peine de mort n'avait aucune chance d'être abolie dans « la meilleure constitution du monde ». Deuxièmement, rappelez-vous des condamnations à mort prononcées en Egypte par le régime Al Sissi. Quand ces décisions, parfaitement contestables du reste, ont été rendues publiques, les affiliés du CPR ont pris leurs tambours et ont tout fait pour montrer leur indignation et pour dénigrer le régime « putschiste » de l'Egypte. Ils étaient solidaires de leurs amis des Frères musulmans, et le sont toujours d'ailleurs. On avait alors droit à des dissertations émouvantes sur la cruauté de la peine d mort, sur la nécessité de ne pas mettre ses opposants en prison. C'est que, dans la théorie, ils sont forts ! De l'autre côté, quand la condamnation à mort de Baghdadi Mahmoudi a été rendue publique, les troupes se sont précipitées pour défendre l'ancien président et pour le disculper de toute responsabilité. Au diable l'ancien Premier ministre libyen, il faut sauver le président. Et puis quand on regarde bien, ils ne vont quand même pas défendre un « zelm » de l'ancien régime libyen, ça ne tiendrait pas la route avec la ligne du parti. Alors, comme apparemment Baghdadi Mahmoudi n'est pas aussi « humain » que les Frères musulmans, et qu'il existe certains intérêts avec les Libyens, on ne le défendra pas. Donc, Baghdadi Mahmoudi paiera de sa vie le fait qu'il ait été Premier ministre mais aussi les tergiversations tunisiennes depuis son arrestation. Quand Moncef Marzouki et Hamadi Jebali n'arrivaient pas à se joindre au téléphone, la vie d'un homme s'est jouée. Mais bon, les milices libyennes qui le détiennent aujourd'hui pourront dire à Moncef Marzouki qu'ils le gardent en prison pour « sa propre sécurité », ça lui rappellera de bons souvenirs…