Messieurs et mesdames amis tunisiens et étrangers de Sihem Ben Sedrine, Vous êtes nombreux, bien nombreux à prendre la défense de Sihem Ben Sedrine, présidente de l'Instance Vérité et Dignité. Sans doute, vous êtes sincères dans votre prise de position et, sans doute également, vous avez suffisamment de raisons pour croire que le pouvoir actuel en Tunisie n'est pas celui idoine pour instaurer une véritable démocratie et un Etat de droit en Tunisie. Avez-vous raison ou tort en défendant bec et ongles cette dame ? Pour différentes raisons, énoncées en partie ci-dessous, je crois que vous avez tort et que vous portez préjudice au projet démocratique tunisien. Il est des faits têtus que je vous invite à observer en prenant de la distance par rapport à l'amitié que vous portez à Mme Ben Sedrine. Je suis persuadé que, in fine, le bon sens l'emportera.
Messieurs et mesdames amis tunisiens et étrangers de Sihem Ben Sedrine, Aujourd'hui, critiquer Sihem Ben Sedrine et le travail de l'Instance Vérité et Dignité devient synonyme de propagande au régime, de délation et de promotion de la dictature et de la corruption. La critique de Mme Ben Sedrine vous expose aujourd'hui à un lynchage médiatique systématique avec un risque immédiat de procès. Les trois derniers exemples en date sont Violette Dagher, Mohamed Ayadi et Zouheïr Makhlouf, réputés pour leur droiture, leur intégrité et leur moralité. Critiquer aujourd'hui Sihem Ben Sedrine en Tunisie s'apparente à insulter le bon Dieu en plein Téhéran ou en pleine Mecque. A force de culte de sa personnalité, la dame est érigée aujourd'hui en sainte intouchable, au dessus de tout reproche. Dernière trouvaille des adorateurs de la « déesse » de l'IVD, et ce n'est pas une blague, celle publiée hier soir par l'équipe de Abderraouf Ayadi sur la page de la Jeunesse du mouvement Wafa, quelque temps après la visite de M. Ayadi et d'Azed Badi à Sihem Ben Sedrine. Texto, on lit : « Il est désormais notoire que les doigts du Mossad ont commencé à jouer avec l'IVD pour qu'elle soit vidée de sa substance à travers quelques plaintes et quelques démissions abjectes ».
Messieurs et mesdames amis tunisiens et étrangers de Sihem Ben Sedrine, Je commence par le dernier scandale en date, celui du limogeage de Zouheïr Makhlouf, vice-président de l'IVD. Lui, c'est un militant de la première heure et on ne peut pas le suspecterd'affinité ou de proximité avec des lobbys politiques ou financiers. Zouheïr Makhlouf était, jusqu'à lundi dernier, au dessus de tout soupçon. Du jour au lendemain, il est devenu persona non grata. Derrière la cabale contre M. Makhlouf, une lettre qu'il a écrite au président de l'Assemblée nationale dans laquelle il dénonce des abus commis par sa présidente Sihem Ben Sedrine. Il s'agit de la troisième lettre du genre, mais seule la dernière a fuité. Qu'aurait fait Abderraouf Ayadi ou Moncef Marzouki s'ils étaient à la place de Zouheïr Makhlouf et se trouvant face à des abus et des manipulations politico-médiatiques de leur présidente ? Ce que M. Makhlouf dénonce se résume en trois points essentiels : elle fait des appels du pied à des puissances étrangères pour forcer l'Etat tunisien à se rétracter dans un projet de loi. Deuxième reproche, une contrevérité. La dame, pour se donner de l'importance, dit avoir reçu 250 dossiers dans son département, alors qu'en réalité, il n'y en a que deux. Troisième reproche, la dame utilise les deniers publics pour mener une campagne dans les régions contre le projet de loi de la réconciliation. Et ceci ne figure nullement dans ses attributions. Et c'est d'ailleurs une première qu'une Institution de la République attaque une autre institution de la République. Qu'auraient donc fait MM. Ayadi et Marzouki à la place de M. Makhlouf ? Se taire au risque de devenir complice du mensonge et de la dilapidation de l'argent public ou saisir l'autorité supérieure représentée par le président de l'Assemblée des représentants du peuple ? Parce qu'il a choisi la seconde option, après avoir opté pour la première durant des mois, Zouheïr Makhlouf se retrouve limogé d'un poste où il a été élu par des députés ! C'est le comble pour une instance censée être celle de la tolérance, de la dignité et de la réconciliation. LE COMBLE ! Le fait même qu'il y ait eu dix membres de cette instance pour voter ce limogeage a de quoi jeter le discrédit sur eux et sur l'instance. Mais a priori, même cette déclaration officielle semble mensongère. Il n'y aurait que huit présents et non dix, selon M. Makhlouf, ce qui fait que le quorum ne soit pas atteint et que le limogeage soit illégal. Encore une fois, nous avons droit à une déclaration publique de Mme Ben Sedrine qui ne serait pas véridique.
Le hic est que Zouheïr Makhlouf n'est pas le premier à s'élever contre les pratiques douteuses de Sihem Ben Sedrine. Avant lui, il y a eu quatre membres élus de cette même IVD qui ont alerté l'opinion publique sur les dérives de l'instance et de sa présidente. N'ayant pas trouvé d'ouïe et de répondant, Noura Borsali, Azouz Chaouali, Khemaïes Chammari et Mohamed Ayadi ont jeté l'éponge en démissionnant. Eux non plus, ne peuvent être suspectés de proximité douteuse avec des lobbys et sont connus pour leur droiture, leur exemplarité et leur intégrité. Bien avant Zouheïr Makhlouf et bien avant les quatre démissionnaires, il y a eu un nombre considérable d'hommes politiques, de militants, de journalistes et de syndicalistes pour dénoncer les abus et les supercheries de cette dame. Et souvent, ces dénonciations étaient suivies de procès en justice qui sonnent comme des intimidations pour les uns et des avertissements pour les autres qui oseraient critiquer, à l'avenir, la dame. Les abus reprochés à la dame sont de différents ordres : financiers, prud'homaux, moraux et légaux. Cela va des contrevérités à volonté (barbes artificielles, ses rémunérations étrangères, nombre de dossiers traités dans son instance) et de la licence de radio obtenue par son époux puis cédée dans des conditions opaques, au refus de payer leur dû aux salariés de sa radio (où elle était cogérante, contrairement à ce qu'elle a prétendu) et les fameux camions de déménagement mobilisés la veille de la transmission de pouvoir pour récupérer les archives de la présidence de la République.
Messieurs et mesdames amis tunisiens et étrangers de Sihem Ben Sedrine, Ce pays a vécu une révolution et nous voulons en finir avec l'injustice, le népotisme, le racket et le mensonge. Nous voulons établir un Etat de droit comme tout autre Etat démocratique. Cet Etat de droit ne saurait se construire avec une personne qui ne dit pas la vérité et qui limoge ou intente des procès juste parce qu'elle a été critiquée. Nous voulons établir un Etat de droit où l'on peut saisir une autorité supérieure quand sa hiérarchie commet des abus, et nous voulons établir un Etat indépendant où l'on ne fait pas appel à des puissances étrangères quand on a un différend politique avec le pouvoir en place. Comment accepteriez-vous que l'instance de vérité ne dise pas la vérité, que l'instance de la dignité traine dans la boue un de ses membres, que l'instance chargée de la réconciliation ne veuille pas de réconciliation et que l'instance chargée de tolérance soit intolérante envers ses propres membres ? Je vous comprends quand vous refusez de donner du crédit aux critiques formulées par des hommes politiques ou par des médias que vous soupçonnez d'accointances avec je ne sais quelle antichambre au service de je ne sais quel lobby. Mais je cesse de vous comprendre quand vous ne vous arrêtez pas un instant pour vous interroger sur les sonnettes d'alarme tirées par des personnes qui ont milité à vos côtés, comme Noura Borsali, Khemaïs Chammari ou Violette Dagher. Si vous aimez votre pays, si vous aimez la Tunisie que vous dites amie, faites de telle sorte que le Droit et le bon sens l'emportent sur vos affinités personnelles avec les individus. En portant un doute sur votre amie, juste un doute, vous finirez par voir la vérité !