Le Parlement se penchera demain mardi 8 septembre 2015, en séance plénière, sur le vote du projet de loi de 44/2015 relatif aux avantages conférés aux présidents de la République après la cessation de leurs fonctions. Adopté en plénière, ce projet vient remplacer la très polémique loi N° 2005-88 du 27 septembre 2005, taillée sur mesure par Ben Ali pour s'assurer une retraite en or. Une nouvelle loi qui devra assurer au président sortant « tout le prestige lié à sa fonction », sans pour autant être outrancière à l'instar de sa précédente. L'ancien président de la République, Moncef Marzouki, pourtant amateur d'une image démystifiée de la présidence, semble visiblement être en faveur de la continuité de l'Etat. Marzouki n'a en effet pas sourcillé face à l'ancienne loi abusive léguée par Ben Ali et semblait même prendre goût au confort présidentiel. Cette même loi n'a pourtant pas fait long feu et l'actuel cabinet présidentiel en a proposé une nouvelle pour « alléger » les avantages octroyés au président après son départ. Le but ? Donner au président les moyens de faire son travail et fermer la porte à la corruption sans pour autant appauvrir les caisses de l'Etat déjà souffrantes.
« On ne veut pas arriver au stade de Gorbatchev qui fait une publicité pour pizza pour vivre, c'est une honte. Le président doit garder son prestige même après la fin de ses fonctions », avait déclaré Abdellatif Mekki, député d'Ennahdha à l'ARP, lors des discussions en commission de ce projet de loi. En réalité, l'ancien président de l'Union soviétique n'avait pas tourné dans un spot de Pizza Hut pour vivre mais pour récolter des fonds nécessaires à sa fondation. En plus de prouver le manque de culture de l'élu à l'ARP, cette déclaration montre la mentalité qui règne autour du poste présidentiel. Une mentalité essentiellement liée au prestige.
En parlant de prestige, la loi N° 2005-88 du 27 septembre 2005 se devait d'assurer sa « dignité » au poste présidentiel, même après le départ de celui-ci. Cette loi, taillée sur mesure par l'ancien président Ben Ali, prévoit en effet une rente viagère dorée pour les présidents de la République après la fin de leurs fonctions.
Si la polémique autour du salaire présidentiel avait éclaté dès le mandat de Moncef Marzouki, ce n'est qu'aujourd'hui qu'elle prendra forme. Les avantages alloués à l'ancien président de la République avaient, pourtant, à l'époque, suscité une vraie controverse et un projet de loi avait été même proposé par la commission de législation générale de l'Assemblée nationale constituante. Ce projet de loi n'a jamais été effectivement voté. Il s'agit du projet de loi N°01/2013 fixant le système de retraite des présidents de la République et stipulant essentiellement que le président de la République bénéficie d'une retraite à vie équivalente à 50% du salaire attribué à un président en exercice tout en gardant tous ses avantages pendant trois mois après la fin de son mandat excepté celui de l'habitation. Par ailleurs, pour être éligible à ce régime de retraite, le président devra obligatoirement avoir exercé pendant au moins une mandature complète et il devra renoncer à cette rente s'il perçoit un salaire d'une autre activité professionnelle rémunérée.
Il est à rappeler que l'ancienne loi de Ben Ali prévoyait que le président de la République bénéficie, dès la cessation de ses fonctions d'une rente viagère équivalente à celle allouée au président de la République en exercice mais aussi des avantages en nature dont bénéficie le président de la République en exercice dont, notamment :
– un logement meublé et les agents chargés de ses services, les frais de son entretien, les frais relatifs au téléphone, au chauffage, à la consommation de l'eau, du gaz et de l'électricité. – les moyens de transport et les chauffeurs, – les prestations sanitaires qui lui sont nécessaires ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans.
De son côté, la nouvelle loi, proposée par la présidence de la République, vient alléger ces primes et prévoit en plus d'une rente viagère équivalente au salaire d'un président en exercice:
- une prime de logement de 3.000 DT par mois - une voiture de fonction (d'une capacité de 10 à 16 chevaux) avec chauffeur - 500 DT mensuels de bons d'essence - un agent de services - les prestations sanitaires nécessaires pour l'ancien président mais aussi son conjoint et ses enfants mineurs. Ces soins seront à la charge des hôpitaux militaires ou des cliniques privées en cas d'empêchement. - un service de sécurité à l'intérieur du territoire tunisien pour l'ancien président, son conjoint et ses enfants mineurs.
Lors des discussions, en commission, de ce projet de loi, des polémiques ont éclaté suite à une question posée par l'élu d'Ennahdha Ahmed Mechergui de savoir si ce projet de loi s'applique aussi à Ben Ali. « Imaginez s'il revient et réclame ces droits d'après cette loi », a-t-il demandé. En a-t-il légalement le droit aujourd'hui ? En réalité non, depuis l'ajout d'un nouvel article stipulant qu'il est exclu de ces avantages « tout président de la République ayant été condamné pour haute trahison, crimes contre l'humanité, torture, détournement de fonds publiques, faux et usage de faux ou désertion ».
Un deuxième article a, par ailleurs, été ajouté concernant la cessation de ces primes et avantages dans le cas où l'ancien président a été élu ou nommé pour exercer des fonctions publiques ou s'il a été prouvé qu'il exerce un travail rémunéré.
La nouvelle loi 44/2015 passera au vote demain à 9h devant les élus de l'ARP. Les derniers débats en commission prouvent qu'elle a toutes les chances de passer. La majorité des élus semble être d'accord pour dire adieu aux anciens avantages présidentiels et valider cette loi qui, certes permettra à l'ancien président de sortir dignement, mais plus dans l'exagération.