L'été est chaud, la chaleur est suffocante et tout le monde en profite pour prendre des vacances. Y compris ceux en charge de la campagne de lutte contre la corruption. Il y a comme l'impression que la campagne lancée par Youssef Chahed bat de l'aile en ce moment. Après les premières arrestations spectaculaires, on n'entend quasiment plus parler d'instruction, de gel d'avoirs, de convocations ou d'interrogatoires d'hommes d'affaires, d'hommes politiques ou de lobbyistes notoires et réputés de nager en eaux troubles.
Jeudi dernier, la députée Leïla Chettaoui a lancé de graves accusations contre son collègue élu sur les listes du parti islamiste Ennahdha, Mohamed Frikha. Une bonne partie, voire tout ce qu'elle a dit, a déjà été relayé depuis longtemps par les médias. M. Frikha s'est défendu et a toujours balayé d'un revers de main ces accusations, mais les faits sont têtus et remontent à la surface périodiquement. On a beau étouffer les histoires, on a beau minimiser les scandales, on a beau démentir, jouer la vierge effarouchée et crier aux règlements de comptes politiques, les faits demeurent têtus. C'est pareil pour le cas de l'ancien ministre Rafik Abdessalem, accusé (preuves à l'appui) d'avoir détourné un don chinois d'un million de dollars dans son compte personnel. Les différents avocats islamistes et hauts cadres d'Ennahdha ont beau minimiser l'affaire, les faits demeurent têtus et l'opinion publique exige encore un passage par la case justice. On se rappelle également de cette affaire de Belgacem Ferchichi arrêté à Orly en août 2012 avec une valise contenant des centaines de milliers de dollars. L'affaire a beau avoir été étouffée, les médias s'en rappellent encore et n'hésitent pas à l'évoquer régulièrement. Tout comme les casseroles de l'ancien ministre cloitré en France Salim Ben Hamidène, la plus chaste des vierges effarouchées tunisiennes. Ce dernier a beau accuser les médias de règlement de comptes et les frapper de pierres (ce sont ses mots et parait-il c'est son sport favori), il a beau tenter de nous salir et nous accuser en toute légèreté et sans once d'une preuve de corruption et nous accabler de tout ce qu'il voudra, il ne nous intimide point et ne nous fera pas oublier ses casseroles pour autant. Surtout, il ne nous fera pas taire, car la vérité des uns et des autres finit un jour ou l'autre par remonter à la surface et s'imposer d'elle-même. Tôt ou tard, la justice vaincra, elle finira par avoir raison de nous tous. C'est une loi immuable, elle est inscrite dans l'Histoire !
Sauf que voilà, Leïla Chettaoui et tous les médias (qualifiés de médias de la honte) réunis avec elle, pouvons aller nous rhabiller avec nos mémoires vives et nos rappels périodiques des casseroles. La justice chancelle pour le moment quand il s'agit de politiques islamistes et leurs inféodés. Les ONG de transparence et instances de vérité et dignité sont de véritables lions pour casser du sucre sur le dos des « azlem », mais ils se taisent comme des carpes quand il s'agit d'islamistes. Le « manich msameh » (je ne pardonne pas) n'est valable qu'avec une caste bien particulière de la société. Cela dure depuis 2011 et la fameuse révolution qui a blanchi, d'un coup de baguette magique, toutes les casseroles anciennes des islamistes. Véritables victimes, terroristes, malfrats et espions ont tous été logés à la même enseigne pour devenir victimes, pauvres victimes, de l'ancien régime répressif, dictatorial, despotique, autoritaire, tyrannique etc. Il est indéniable que plusieurs islamistes ont été victimes de la machine répressive de l'Etat qui, dès le début des années 90, luttait contre le terrorisme. De l'injustice, il y en a eu ! Mais il est également indéniable que plusieurs autres islamistes sont réellement coupables et ne méritent aucunement l'amnistie de 2011. Encore moins d'être dédommagés. L'abject a atteint son paroxysme quand on voit certains de ces terroristes échapper à la justice en fuyant à l'étranger, devenir par la suite ministres et continuer encore à se la jouer victimes.
Ce qui s'est passé hier est en train de se reproduire aujourd'hui. Regardez le « spectacle » de jeudi dernier après l'intervention de Leïla Chettaoui, comment les islamistes se sont levés comme un seul homme autour de Mohamed Frikha pour le défendre. La même députée a été victime, hier, de machinations politiques odieuses (jusqu'à son propre camp) pour l'éjecter de la tête de la commission d'enquête parlementaire sur les réseaux d'embrigadement. Depuis les années Bourguiba, puis Ben Ali, jusqu'à aujourd'hui en passant par les fameuses années noires de la troïka, tout est fait pour étouffer la vérité et/ou la nier quand il s'agit de casseroles islamistes. Jusqu'à quand ? Plusieurs parmi les islamistes ont subi des injustices, soit. Mais cela veut-il dire qu'ils sont tous victimes ? Cela veut-il dire qu'ils vont utiliser cette carte pour échapper éternellement à la case justice même quand il s'agit de suspicions de malversations ou de corruption ?
Le cas Frikha est emblématique et il est loin d'être le seul. Il peut se défendre et démentir toutes les accusations à son encontre et nous sommes prêts à le croire, mais cette défense ne peut pas et ne doit pas avoir lieu à l'ARP ou dans les médias, mais plutôt devant les juges dans les tribunaux ! C'est ça une démocratie et un Etat de droit ! Si Mohamed Frikha est innocent des accusations dont il est accablé (et il est possible qu'il le soit), qu'il laisse la justice le blanchir. Idem pour Rafik Abdessalem, Ben Hamidène and co, qui ne cessent de jouer avec les ficelles judiciaires pour échapper aux tribunaux. On le constate clairement, ces suspects islamistes échappent bien (pour le moment) à la case justice, mais ils ne réussissent pas à échapper aux colonnes de journaux et aux plateaux télé. Cela crée une ambiance électrique qui, in fine, est à leur désavantage ! Pour établir l'Etat de droit et en finir avec l'injustice, pour construire la véritable démocratie, il est impératif que notre justice soit aveugle et ne distingue pas entre un suspect de corruption islamiste et un suspect de corruption non-islamiste. Chafik Jarraya et Rafik Abdessalem doivent être logés à la même enseigne et considérés comme égaux par le parquet et les juges d'instruction.