Les critiques envers l'Instance Vérité et Dignité ne cessent de foisonner de toute part. Elles visent, principalement, sa présidente Sihem Ben Sedrine qui est souvent accusée de mauvaise gestion et de prise de décisions unilatérales. Ces critiques peuvent être discutées, contrées ou contestées mais lorsque le témoignage provient de l'intérieur de l'IVD, cela vaut le détour.
Afef Nahhali, juge de deuxième grade, conseillère à la chambre criminelle au Tribunal de première instance de Tunis, également, membre du comité directeur de l'Observatoire national pour l'indépendance de la Magistrature et ancienne juge détachée à l'IVD, a accordé son témoignage à la commission parlementaire des martyrs de la révolution, de ses blessés et de l'application de l'amnistie générale et de la justice transitionnelle. Un témoignage qui donne un aperçu sur les réalisations de l'IVD, de son fonctionnement interne, tant controversé, ainsi que sur ce qu'elle peut encore réaliser durant son mandat, qui prend fin vers la fin du mois de mai 2018.
« J'ai été affectée à l'Instance Vérité et Dignité, ainsi que trois de mes collègues, par l'Instance de l'Ordre judiciaire pour enquêter sur les dossiers de l'Instance. Nous étions, tous, juges de deuxième grade, c'est-à-dire justifiant d'une expérience de plus de dix ans pour mener à bien notre mission, avec professionnalisme et indépendance, loin des tiraillements qui existaient entre les agents même de l'instance. Même si notre mission commençait au mois d'octobre 2015, nous avons débuté notre exercice à partir du mois d'août. Nous étions animés par une passion pour le processus de la justice transitionnelle. Nous nous attendions à trouver des bureaux et des dossiers à traiter, d'autant plus que l'Instance avait entamé ses travaux il y a deux ans de cela. Or, il n'en était rien. Aucun dossier n'était prêt ! », commença Mme Nahhali.
Elle poursuit son récit en révélant, « Au mois de mai 2016, j'ai appris que je viens d'être nommée, par le Conseil de l'Instance, à la tête de l'unité d'urgence pour traiter les demandes pressantes. J'étais stupéfaite par le grand nombre des demandes en attente et nous étions uniquement deux personnes à traiter tout ce tas, mais j'ai accepté cette mission. Au mois d'août 2016, la présidente de l'IVD est venue me voir pour me demander de signer des listes nominatives présentées par le président de l'association, la voix de l'Homme, Béchir Khalfi, en ce, en vue de leur accorder une allocation sociale de 500 DT à l'occasion de l'Aïd El Idha. Chose que j'ai refusée formellement pour absence de motifs d'octroi, sauf qu'elle a insisté. Elle a même créé une unité provisoire pour examiner les demandes sociales urgentes et elle a accordé toutes les allocations qu'elle voulait passer », affirme-t-elle en montrant tous les documents prouvant ses dires.
« Quelques jours, plus tard, un homme est venu m'agresser dans mon bureau. Il m'a accusé d'être à la solde de la Gauche et d'être contre « les barbus ». Il a même failli m'agresser physiquement et aucun agent présent n'est intervenu en ma faveur à part un agent de sécurité au parking, qui fût viré le lendemain par la présidente Ben Sedrine. A ce moment, j'ai décidé de quitter. Plusieurs personnes sont intervenues pour que je reste et je suis restée. Mais depuis, la présidente a chargé un certain Makrem Hajri de m'insulter quotidiennement que j'ai, d'ailleurs, poursuivi en justice! ».
Par ailleurs, la juge a tenu à signaler que « le président de l'association, la voix de l'Homme, (origine du conflit avec la présidente de l'IVD), a bénéficié de 50 DT sur chaque allocation de 500 DT accordée par l'Instance », soulignant, qu'elle détient un témoignage écrit qui appuie ses propos.
Par la suite, la juge s'est penchée sur une autre affaire, celle de vice-président à l'Instance chargé de la communication, Seif Soudani. « J'étais, également, élue membre de la commission disciplinaire. Au mois d'août, la présidente de l'IVD est venue me voir avec le dossier de M. Soudani qui devait comparaitre devant le conseil de discipline. Bien que j'ignorais les motifs de son accusation, Sihem Ben Sedrine m'a demandé de traiter le dossier de sorte qu'il soit impliqué et limogé de l'Instance. J'ai, catégoriquement, refusé sa demande. Elle a été choquée par ma position ! », a-t-elle dit également.
Mme Nahhali a ajouté, par la suite, que la présidente de l'IVD l'a accusée de ne pas avoir intégré les décisions du Conseil de l'Instance dans l'application informatique qui leur est dédiée, ce qui lui a fait perdre la somme de 200 mille dinars. « Une accusation que je n'arrive pas à comprendre jusqu'à présent, d'autant plus que cette tâche ne fait pas partie de mes missions. Le seul objectif étant de me faire renoncer à ma plainte contre le dénommé Makrem Hajri et me faire payer mes désobéissances », assura Mme Nahhali devant les membres de la commission parlementaire, présidée par la députée Mbraka Aouinia.