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Rééchelonnement de la dette extérieure de la Tunisie, une idée à court d'arguments ?
Publié dans Business News le 23 - 04 - 2020

Les conséquences économiques associées au Covid-19 ont déclenché en Tunisie des appels au gouvernement par des partis politiques et des personnalités académiques et bancaires, dont certains sur Business News, d'entamer des négociations avec les bailleurs de fonds pour le rééchelonnement de sa dette extérieure. Même s'ils semblent être en apparence justifiés (I), ces appels n'ont pas trouvé un écho favorable auprès du gouvernement (II). Nous considérons que la position de ce dernier ne manque pas d'arguments (III) et nous soutenons que pour surmonter les conséquences de la crise, la priorité de la Tunisie devrait être la mobilisation de nouveaux financements (IV).
I. Des appels apparemment justifiés :
La nécessité d'un rééchelonnement de la dette a été justifiée par le caractère du choc subi par l'économie tunisienne, par le manque de ressources publiques permettant à l'Etat d'assurer tous ses engagements, et par le changement de l'ordre des priorités :
- Sur le premier plan, la crise Covid-19 est un choc exogène majeur subi par la Tunisie, comme par tous les autres pays du Monde. Sa résolution devrait donc passer par une solidarité internationale dont l'une des manifestations serait le report des échéances des pays endettés.
- Sur le deuxième plan, avec un taux de croissance de – 4.3% pour 2020 selon les prévisions du FMI, contre un taux initialement prévu par les autorités de 1.5%, les recettes fiscales seront largement inférieures à celles inscrites dans la loi de Finance de la même année. Le manque à gagner est de 5194 Millions de Dinars (MD). Aussi, la récession prévue chez nos principaux partenaires étrangers (France (-7.2%) ; Italie (-9%) ; Allemagne (-7%) et Espagne (-8%))[1] impactera fort négativement nos recettes d'exportations.
- Sur le troisième plan, les dépenses supplémentaires associées à la crise Covid-19, de l'ordre de 2 milliards de dinars selon la lettre d'intention adressée par le gouvernement tunisien au FMI le 2 avril 2020, ont imposé des changements des priorités au profit du secteur de la santé, des affaires sociales, et du secteur privé. Dans ces conditions, continuer à assurer normalement le service de la dette serait inacceptable aussi bien politiquement qu'économiquement.
II. La stratégie du Gouvernement :
Pour faire face aux contraintes imposées par Covid-19, le gouvernement a opté pour une stratégie basée sur trois éléments : une réallocation budgétaire, un engagement à baisser une partie des dépenses courantes, et le recours à l'endettement. Le résultat est une révision du montant et de la structure des dépenses et des recettes de l'Etat, ainsi que du financement du déficit budgétaire. Les nouvelles prévisions s'écartent, presque dans tous les postes, de celles de la loi de Finance 2020. Le gouvernement tunisien prévoit en effet une réduction des dépenses d'investissement d'un montant de 3428 MD. Il prévoit aussi une baisse de ses dépenses courantes de 587 MD à laquelle n'échapperont que les biens alimentaires (stables), les transferts sociaux (+950MD), et les dépenses dites non affectées (+100MD). Ce sont les subventions à l'énergie (fuel, gaz et électricité) qui seront les plus touchées avec une diminution de 1092MD. La masse salariale observera quant à elle une baisse de 150 MD.


Tableau 1 : Budget « Covid-19 » versus loi de finance 2020

Projections suite Covid-19 (FMI et gouvernement tunisien)
Loi de Finance 2020
Différence
1. Ressources et Dons
30197
35650
- 5453
1.1. Fiscales
26565
31759
- 5194
1.2. Non fiscales
2488
3591
- 1103
1.3. Dons
1144
300
844
2. Dépenses
35117
39132
- 4015
2.1. Courantes
dont :
Salaires
Biens alimentaires
Energie
Transferts (incluant programmes sociaux)
Dépenses non affectées
31438

18880
1800
788
3820

611
32205

19030
1800
1880
2870

511
- 587

- 150
0
- 1092
950

100
2.2. En Capital
3738
7166
- 3428
3. Balance globale
-4920
- 3482
- 1438
4. Financement (net)
Externe
Interne
4920
4961
-41
3482
4089
- 607
1438
872
566
Solde budgétaire en % du PIB
- 4.3%
- 2.8%
- 1.5%
Source: “Text Table 2. Fiscal Program Versus Budget Law, 2020”, IMF Country Report No. 20/103. Tunisia. April 2020. P6.


La baisse prévue des dépenses publiques est inférieure à celle des recettes publiques, ce qui aggravera le déficit budgétaire qui passera de -2.8% du PIB selon la loi des Finances 2020 à -4.3% du PIB selon les nouvelles prévisions. Le financement de ce déficit se fera par l'augmentation du recours à l'endettement dont le montant passera en termes nets (flux – principal) de 3482 MD à 4920 MD.

III. Le rééchelonnement de la dette n'est pas une solution :
Le 26 Mars 2020, le Ministre des Finances a clairement déclaré devant l'Assemblée des Représentants du Peuple que le rééchelonnement de la dette n'est pas une option envisagée par la Tunisie. Il s'agit d'un choix qu'elle a toujours fait depuis son indépendance, lui permettant de rester dans le groupe des rares pays en développement qui ne sont pas passés devant le club de Paris (dette auprès des créanciers bilatéraux) ou le club de Londres (dette auprès des banques privées ) dans le but de renégocier sa dette.
Nous pensons que le choix du gouvernement ne manque pas d'arguments. Dans les circonstances actuelles, le rééchelonnement de la dette extérieure n'est pas une bonne proposition pour les raisons ci-après :
- Même si certains pays retrouvent après quelques années du rééchelonnement un accès normal au marché financier international, l'effet immédiat et de court terme est un rationnement des crédits accompagné d'une augmentation de la prime du risque. C'est ce qui a été par exemple observé au cours des premières années après le déclenchement de la crise internationale de la dette en 1982 et c'est ce qui a été démontré par plusieurs travaux académiques qui ont porté sur le sujet. Pour la Tunisie, cette possibilité est encore plus réelle dans le contexte actuel caractérisé par une augmentation des besoins financiers de la plupart des pays et par le placement de sa note souveraine B2 sous surveillance négative par l'agence de rating « Moody's » le 17 avril 2020.
- Le rééchelonnement de la dette implique des négociations entre le débiteur et ses créanciers. Les négociations peuvent durer dans le temps, notamment pour la dette auprès des créanciers privés, et encore plus lorsqu'elle est essentiellement mobilisée sur le marché obligataire, comme c'est le cas pour la Tunisie depuis la fin des années 1990[2]. Les souscripteurs aux obligations internationales sont en effet beaucoup plus nombreux et géographiquement souvent plus dispersés que les banques associées à un crédit syndiqué par exemple.
- La dette de la Tunisie de sources officielles est contractée auprès de créanciers multilatéraux et de créanciers bilatéraux[3]. La dette multilatérale n'a été éligible à des renégociations que dans le cadre d'initiatives globales, telle que celle lancée par le FMI, la Banque Mondiale, et d'autres institutions multilatérales pour les Pays Pauvres et très Endettés en 1996 et renforcée en 1999. Pour la dette bilatérale, il serait plus pertinent d'adopter une approche diplomatique dont l'objectif serait de demander directement à chacun des principaux pays créanciers des annulations et des conversions plutôt que des rééchelonnements.
- Les données du tableau N°2 montrent que, si l'option de rééchelonnement est à envisager, des négociations devraient être lancées avec le secteur bancaire domestique plutôt qu'avec les créanciers étrangers. En effet, c'est avec ses créanciers domestiques que l'Etat prévoit enregistrer en 2020 des transferts nets négatifs de 1117MD. Cependant, une telle démarche risquerait d'impacter négativement la solidité du secteur bancaire tunisien et sa capacité à répondre à toutes les sollicitations dont il fait objet depuis le déclenchement de la crise.
- En admettant une hypothèse extrême et irréaliste d'un report pour plus tard de toutes les échéances sur la dette extérieure prévues pour 2020 (service de la dette extérieure égal à zéro), la Tunisie aura besoin de pas moins que 3084MD en nouveaux emprunts pour atteindre le même niveau de transferts nets prévu dans les nouvelles prévisions budgétaires (colonne 5, tableau 2). Moins le montant des échéances concernées par un report est élevé, plus le besoin en nouveaux emprunts externes sera important, et plus grande sera la probabilité d'un échec à pouvoir les mobiliser.


Tableau 2 : Les ressources d'emprunts dans le budget « Covid-19 »

Interne
Externe
Total
Externe : Cas hypothétique
Flux
3,697
9,804
13501
3084
Remboursements
Principal
3,106
4,843
7949
0
Intérêt
1,708
1,877
3585
0
Service de la dette
4814
6720
11534
0
Transferts nets
-1117
3084
1967
3084
Source : Calculs faits à partir de “Table 4. Tunisia: Central Government Fiscal Operations, 2017–21”. IMF Country Report No. 20/103. Tunisia. April 2020. P15.

IV. Conclusion:
Le rééchelonnement serait de nature à alléger la pression sur les dépenses en permettant de libérer une partie ou la totalité des montants initialement prévus pour le service de la dette, qui pourraient être réaffectés par exemple à des dépenses sociales prioritaires ou bien pour aider les entreprises privées à surmonter leurs difficultés. C'est vrai, mais ce n'est qu'une partie des enjeux. Il se traduirait aussi par des difficultés à mobiliser des financements étrangers et impacterait négativement la capacité de l'Etat à faire face à ses engagements. Ces dernières sont encore plus probables dans le contexte actuel de crise mondiale et de contraintes budgétaires plus fortes aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement.
Nous pensons que le plus important et le plus urgent aujourd'hui pour la Tunisie est de concentrer tous ses efforts pour la mobilisation des financements prévus aux meilleures conditions financières possibles. Le respect de ses engagements passés serait un facteur fondamental pour atteindre cet objectif.

Samir Abdelhafidh
Maître de Conférences en Sciences Economiques
Directeur du département d'économie, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis.


[1]https://www.bfmtv.com/economie/taux-de-chomage-et-recession-ce-que-le-fmi-prevoit-pour-la-france-et-les-autres-pays-en-2020-1893254.html
[2] Fin 2018, la part obligataire a dépassé les 20% de la dette extérieure totale contre une part nulle pour les crédits syndiqués. IMF Country Report No. 20/103. Tunisia. April 2020. P32.
[3] Fin 2018, la dette multilatérale représentait 40,6% du total de la dette extérieure contre uniquement 15.4% pour la dette bilatérale. IMF Country Report No. 20/103. Tunisia. April 2020. P32.


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