Formé dans la douleur, le gouvernement d'Elyes Fakhfakh obtient la confiance du Parlement le 27 février dernier. Après moultes tractations dues notamment aux tergiversations et caprices de certains partis, Elyes Fakhfakh tranche et malgré les pressions subies semble avoir pu imposer sa composition. Néanmoins, formé de partis que tout oppose, le gouvernement reste fragile et la nécessité de resserrer les liens devient primordiale dans un contexte où d'importantes décisions doivent être prises… Il devrait inciter à la solidarité au sein de la coalition gouvernementale et mettre un terme aux conflits qui minent le gouvernement et l'affaiblissent. Le pacte de solidarité et de stabilité rédigé par la présidence du gouvernement devait être signé le 15 mai mais semble être encore en « gestation » comme l'a affirmé l'élu d'Attayar, parti membre de la coalition, Anouar Ben Chahed.
Le député a tenu à rappeler que l'objectif de cette convention est d'obliger les partis de la coalition à mettre de côté leurs conflits, on parle notamment des tensions entre Echaâb et Ennahdha, et d'œuvrer solidairement à réaliser les objectifs pour lesquels ils ont été désignés. « Ce pacte n'a pas été encore signé mais son existence dénote d'une volonté des partis de la coalition gouvernementale de mettre de côté les différends qui les opposent pour s'engager dans une politique de stabilité » a ajouté le député. Confiant quant à la réussite de ce pacte, Anouar Ben Chahed, a souligné que le document est le résultat d'un long dialogue et d'une volonté de calmer les tensions et de purifier l'atmosphère politique précisant que les partis concernés par ce Pacte « sont presque arrivés à une solution ».
Hier c'est Mohamed Ben Ammar, membre du bureau politique du parti Attayar, qui affirmait dans une déclaration à la TAP, que la « réticence du mouvement Ennahdha à propos du pacte de solidarité a retardé sa signature ». Une information qui avait été confiée la veille par le secrétaire général du mouvement Echaâb Zouhair Maghzaoui qui déclarait que le mouvement Ennahdha a refusé de signer le document. Le dirigeant d'Attayar révèle même qu'Ennahdha pose ses conditions pour signer ce document et appelle notamment à élargir la coalition gouvernementale. Le parti islamiste avait, en effet, depuis le processeur de la formation du gouvernement insisté pour inclure Qalb Tounes dans l'équipe gouvernementale, chose que s'est abstenu de faire Elyes Fakhfakh évoquant « les suspicions de corruption » qui planent sur le parti de Nabil Karoui. Jusqu'à la dernière minute, Ennahdha a tenu bon au risque de bloquer tout le processus avant de décider après plusieurs réunions d'accorder son vote au gouvernement, obtenant en passant plus de portefeuilles. Les dirigeants du parti sous entendaient dans leurs déclarations que les choses pouvaient être modifiées une fois le gouvernement en place, et qu'Ennahdha revienne aujourd'hui à la charge n'est une surprise pour personne. Mohamed Ben Ammar rappelait enfin l'importance de ce pacte qui permettra au gouvernement de défendre au mieux les dossiers très sensibles liés particulièrement à la réforme administrative et aux établissements publics.
Le pacte de solidarité est d'autant plus important que les chamailleries, pourtant prévues, s'intensifient entre le mouvement Echaâb et Ennahdha. Le président du conseil de la Choura d'Ennahdha Abdelkarim Harouni a expliqué cette relation tendue entre les deux partis par l'expérience nouvelle du mouvement Echaâb au pouvoir et avec la démocratie. Il a ajouté que son parti était conscient des difficultés au sein de la coalition gouvernementale dès les négociations pour la constitution du gouvernement car certains partis se sont habitués à être dans l'opposition et d'autres ont des problèmes idéologiques politiques avec Ennahdha. « Ces partis se retrouvent aujourd'hui confrontés à l'examen du pouvoir, pour la première fois. Et nous voulons les encourager car gouverner est plus difficile qu'être dans l'opposition. Nous les encourageons à s'entendre avec Ennahdha et toute autre partie car le consensus est plus difficile que la dissension», a encore souligné Abdelkarim Harouni.
Echaâb ne le voit pas du tout de cet œil et les piques fusent contre Ennahdha. Le secrétaire général du mouvement Echaâb, Zouhair Maghzaoui l'a clairement exprimé, son parti n'a pas de problème idéologique avec le mouvement Ennahdha, mais estime qu'il y a une contradiction dans la position du mouvement qui s'allie au Parlement avec l'opposition (Qalb Tounes et la Coalition Karama) tout en gardant sa position dans le gouvernement.
Une réunion dédiée au pacte gouvernementale de solidarité et de stabilité était prévue cet après-midi à la Kasbah. A l'heure où nous rédigeons ces lignes aucune information n'a été publiée sur l'issue de cette réunion. Il est toutefois évident que mettre d'accord toutes les parties qui composent le gouvernement n'est pas chose facile. Un fait évident qui avait déjà alerté tous les observateurs alors que le gouvernement était en pleine formation. Un pacte, s'il est signé, suffira-t-il à calmer les tensions, consolidera-t-il ce gouvernement de toutes les promesses ? Lui permettra t-il de prendre toutes les mesures douloureuses si souvent annoncées? Beaucoup en doutent et au vu des répercussions de la pandémie du Covid-19 qui ne tarderont pas à ébranler le pays, l'avenir du gouvernement est clairement en jeu…