Après avoir vibré depuis quelques mois sur le rythme de l'actualité sanitaire, la scène nationale semble être passée à un volet plus croustillant, à savoir la question diplomatique. Mais, au moment, où le monde observe l'initiative lancée par le président égyptien, Abdelfatteh Al Sissi à propos de la Lybie, nos politiques se chamaillent encore pour des motions parlementaires n'ayant pas la moindre valeur légale, si ce n'est marquer des points politiques.
Le samedi 6 juin 2020, tous les regards des observateurs de la scène internationale étaient orientés vers l'Egypte. C'est là, au Caire, que le président égyptien Abdelfattah Al Sissi, avait présenté un nouveau plan de paix pour la Libye. Réunissant l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Haftar, ainsi que le président du Parlement de l'Est libyen, Aguila Saleh, le président égyptien a exposé son initiative, « la Déclaration du Caire », pour une solution pacifique à la crise en Libye. Un plan libo-libyen qui consiste à un cessez-le-feu à partir de lundi et la création d'un conseil élu. Outre le retrait des mercenaires étrangers de tout le territoire libyen, le démantèlement des milices et la remise des armes.
Le maréchal Haftar ayant échoué dans sa dernière offensive à Tripoli à adhérer à cette initiative, contrairement à la partie opposante qui l'a totalement rejetée. C'est dire que le président du Parlement de Tripoli, Khaled al Mechri avait refusé ce plan, tout comme Fayez Al Sarraj. Les deux hommes politiques libyens avaient refusé l'implication et la présence du Maréchal Haftar à toute initiative ou plan de paix.
Ce dernier développement dans le dossier libyen a pris toute son importance dans les réactions internationales qui en ont découlé. Certaines parties estiment que ce plan est mort-né dans la mesure où il s'agit d'une proposition unilatérale émanant d'une partie vaincue. On y voit « une manière pour l'Egypte et de Khalifa Haftar de chercher à transformer une défaite militaire en une victoire politique ». Toutefois « La Déclaration du Caire » a été saluée par plusieurs parties, à l'instar du Parlement arabe, l'Arabie Saoudite, la France, la Russie ou même les Etats unis qui ont félicité les efforts de l'Egypte, pour cette initiative prônant une solution pacifique libyenne-libyenne loin de toute intervention étrangère. Quant à l'Algérie, elle a rappelé sa position de principe de rester à équidistance des parties libyennes. « L'Algérie a pris connaissance de la dernière initiative politique en faveur d'un cessez-le-feu et le travail pour trouver une solution politique à la crise libyenne », a indiqué un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. « L'Algérie rappelle sa position de se tenir à équidistance des frères Libyens et les efforts consentis à tous les niveaux pour arriver à un règlement politique, qui commence par un cessez-le-feu et le retour à la table des négociations, qui rassemble toutes les parties libyennes, pour une solution politique globale, conformément à la légitimité internationale et aux résolutions du Conseil de sécurité (de l'ONU), dans le respect de la volonté du peuple libyen frère. L'Algérie réaffirme également son adhésion au rôle central des pays voisins afin de rapprocher les vues des frères libyens en adoptant le dialogue global comme le seul moyen de parvenir à la paix en Libye et de garantir l'unité et l'intégrité territoriale. De ce point de vue, l'Algérie invite différents acteurs régionaux et internationaux à coordonner leurs efforts pour trouver un règlement politique durable à la crise dans ce pays frère », indique le ministère des Affaires étrangères.
Pour l'Onu, elle a rappelé, au lendemain de l'initiative Al Sissi, qu'une reprise sérieuse des pourparlers entre les parties au conflit requiert un cessez-le-feu. La mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a rappelé que la tragédie qui frappe le pays depuis plus d'un an a prouvé « sans aucun doute, que toute guerre entre Libyens est une guerre perdue. Il ne peut y avoir de véritable vainqueur, seulement de lourdes pertes pour la nation et son peuple, qui souffrent déjà du conflit depuis plus de neuf ans ».
« Nous sommes encouragés par les appels récents de dirigeants libyens à la reprise de ces pourparlers dans le but de mettre fin aux combats et à la division », a dit la mission onusienne, ajoutant qu'une telle reprise peut ouvrir la voie à une solution politique globale fondée sur l'accord politique libyen et dans le cadre des conclusions de la conférence de Berlin et de la résolution 2510 du Conseil de sécurité des Nations unies et d'autres résolutions pertinentes.
« Pour que les pourparlers reprennent sérieusement, les armes doivent être réduites au silence », a toutefois rappelé la MANUL. Dans ce contexte, la mission onusienne se félicite des appels lancés, ces derniers jours, par des acteurs internationaux et régionaux en faveur d'une cessation immédiate des hostilités en Libye.
Cependant, et face à toutes ses réactions, la diplomatie tunisienne a préféré le silence. Aucun communiqué officiel, ni prise de position par rapport à ces développements n'ont été prononcés ni par le président de la République, ni par le département des Affaires étrangères. Notre pays est incontestablement l'une des parties les plus touchées par la crise en Libye, tenant compte des liens géostratégiques forts avec ce pays. Mais la Tunisie a préféré faire l'autruche. Absente de la dernière Conférence de Berlin sous prétexte d'une invitation tardive, la Tunisie n'y a pas participé. Aujourd'hui, c'est par son silence qu'elle se distingue face à l'initiative égyptienne, constate l'ancien ministre tunisien des Affaires étrangères Khemaies Jhinaoui, soulignant l'absence flagrante d'une position et d'une diplomatie tunisienne, alors que la Tunisie avait le rôle de leader dans le dossier libyen.
En tout état de cause, politiques et responsables à la tête de l'Etat semblent avoir des dossiers bien plus importants à traiter que le conflit libyen. Le volet diplomatique serait devenu un moyen de marquer des points contre des adversaires politiques et un terrain de règlement de comptes idéologique, détruisant ainsi des décennies de labeur ayant permis, à une époque, de forger une image luisante de la diplomatie tunisienne.