A proximité du Whatever Saloon, qui vient d'être fermé par les autorités, un espace culturel s'apprête à ouvrir ses portes aux jeunes férus de street art. Lang'art, sis au 23, rue de Lénine, est l'un des projets de l'association Art solution, à qui l'on doit entre autres le projet «Danseur citoyen». Ces danseurs illuminés qui se sont mis à danser en pleine rue, aux croisements et aux feux rouges, partout à Tunis, et dont les vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux, se posent un moment afin de donner vie à un centre dédié à la formation des jeunes aux arts de la rue. Parmi les initiateurs du projet, Bahri Ben Yahmed, qui nous a reçu dans au futur Lang'art, où régnait une ambiance particulière. Entre les morceaux de bois et les carreaux de céramique qui attendent d'être mis en place, et la livraison de meubles qui va se faire, les moments de répit ne durent jamais longtemps. Notre interlocuteur nous parle, enthousiasmé, de ce rêve qui se concrétise. «L'ouverture se fera le 5 juin avec une performance théâtrale de rue devant l'espace, une performance participative de graffiti, une projection de film en partenariat avec l'Association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique et une danse participative sur de la musique bédouine», nous déclare-t-il. Tout un programme donc pour lancer Lang'art dont l'objectif est d'institutionnaliser les disciplines d'art de rue et de répondre à la demande de jeunes imbus de culture underground. Pour son financement, Lang'art compte sur la subventions de fonds comme Al Mawred Al Thaqafy et est encore à la recherche d'autres fonds. «Notre initiative n'a pas trouvé d'échos auprès du ministère de la Culture et des institutions publiques», ajoute-t-il. Bahri Ben Yahmed parle en particulier de la formation et de la création de centres culturels privés, un domaine face auquel le ministère de tutelle reste, selon lui, sourd. «La commission nationale de la danse est bloquée depuis la dernière élection présidentielle. C'est pour cela et pour d'autres raisons que vendredi (aujourd'hui), nous allons manifester devant le ministère de la culture», nous informe le danseur et cinéaste. Des murs qui ouvrent sur le quartier Le choix de l'emplacement de Lang'art n'est pas fortuit. «Le projet est réfléchi dans un objectif de créer un quartier de culture underground, étant placé à côté du Whatever Saloon et à proximité de parkings et de lieux où l'on peut réaliser des graffitis», nous explique encore Bahri Ben Yahmed. L'ancien entrepôt qui est en train de se transformer en espace culturel sera réparti en salle de danse, salle polyvalente, une bibliothèque et une mezzanine dédiée à la musique. Les salles peuvent être réaménagées en une seule afin d'accueillir des spectacles pour 150 personnes. L'accès aux services de Lang'art sera sur présentation d'une carte de membre délivrée gratuitement à la demande. La bibliothèque sera garnie d'ouvrages spécialisés en arts de la rue, arts scéniques et culture Hip-hop. Le plus important projet de cet espace culturel reste la formation. Celle-ci portera sur la danse, le théâtre, la musique, les arts plastiques, le graffiti et le cinéma expérimental. Des formateurs professionnels et bénévoles vont animer des ateliers sur trois cycles: 4 mois d'apprentissage technique, 2 mois de création et 2 mois de formation à l'organisation d'événements. La fin de chaque cycle sera couronnée par un festival de quartier itinérant. «Même si les centres culturels dans le monde étaient, pour nous, une source d'inspiration, la spécificité tunisienne reste présente et s'impose», affirme Bahri Ben Yahmed. Et d'ajouter: «Elle se manifeste dans l'aménagement de l'espace qu'on voulait sobre et pas sophistiqué, un espace ouvert avec plein de graffitis, des gradins et des tapis». Une telle réalisation nécessite beaucoup d'efforts et de moyens. Notre interlocuteur nous parle, ému, de l'aide désintéressée de partenaires et de collectifs d'artistes comme «Foulen» et «Fanni raghman anni», et de dons de différentes sources: des carreaux de céramique offerts par un industriel, des chaises par un centre d'appel et un restaurant... La mésaventure de l'espace Mass'art ne fait pas peur à Bahri Ben Yahmed pour qui «il faut s'immuniser par la loi en étant toujours en règle. Cela reste un véritable challenge avec un loyer de 32 mille dinars par an pour un espace qui offre ses services gratuitement. Mais nous comptons beaucoup sur les mécènes, les bailleurs de fonds et les partenaires potentiels», nous répond-t-il. L'inauguration de Lang'art sera la date du lancement d'un appel aux dons. À partir de juin, le centre sera ouvert à tous jusqu'au mois de septembre. En octobre, commence le premier cycle de formation en lui consacrant 50%du temps d'activité du centre. L'autre moitié sera répartie entre des séances de répétition ou de spectacle offertes aux artistes indépendants et aux associations, ou la location de l'espace pour des colloques, projections et toute sorte d'événements culturels. «Après de longues discussions et mûre réflexion, c'est ainsi que nous avons imaginé, conçu et réalisé Lang'art : un espace avec des objectifs clairs et un impact palpable» résume Bahri Ben Yahmed.