Par Abdelhamid Gmati La diplomatie tunisienne n'est plus ce qu'elle était. Un constat général. Le président de la République, lui-même, souligne cet état de fait, lors de la récente conférence annuelle des ambassadeurs et consuls : « Son aura des premières décennies de l'indépendance s'est éteinte». Soit. Mais le citoyen lambda et particulièrement les jeunes sont en droit de s'interroger sur cette diplomatie passée et sur ses réalisations. Quelques exemples : - Le 1er octobre 1985, huit chasseurs-bombardiers F16 israéliens lâchent des bombes à fragmentation sur le quartier général de l'OLP, à Hammam Chatt, lors de deux raids à quelques minutes d'intervalle faisant 68 martyrs (dont 18 Tunisiens), une centaine de blessés et engendrant des dégâts estimés à six millions de dollars. Le président américain, Reagan, déclare que les nations ont le droit de commettre des actes de représailles contre les terroristes. Réaction tunisienne : Mahmoud Mestiri, numéro deux de la diplomatie tunisienne, demande, le 2 octobre, aux Etats-Unis de « reconsidérer leur position négative et inattendue vis-à-vis de cette agression, position qui est en contradiction avec la loi et la morale». Répondant à la demande, Washington finit par réviser son jugement. Et le gouvernement tunisien a très vite saisi le Conseil de sécurité pour obtenir un texte de résolution condamnant Israël. Des négociations sont rapidement entamées. Un texte a été adopté par quatorze voix avec l'abstention des Etats-Unis. Une première mondiale, les USA ayant coutume d'apposer leur veto contre toute condamnation d'Israël. Outre la condamnation de l'attaque, le texte adopté demande des compensations financières pour les dommages subis par la Tunisie et exige des Etats membres des mesures pour éviter la répétition de cette agression. - L'ancien ambassadeur et actuel haut fonctionnaire international Ezzeddine Zayani rapporte deux événements : 1- «En 1978, j'étais avec le grand ambassadeur de Tunisie à Paris, le défunt Hédi Mabrouk, Allah yarhamou, quand Bourguiba, furieux, lui intima l'ordre d'exiger des excuses des responsables de la chaîne TV française TF1 suite aux propos racistes proférés par un commentateur du match de football à l'endroit de l'arbitre tunisien qui avait accordé un but marqué de la main par Maradona. L'ambassadeur Hédi Mabrouk, fort de son carnet d'adresses, s'était déployé tous azimuts. TF1 avait non seulement présenté des excuses mais elle avait diffusé de son propre chef, dans le journal de 20h00, un documentaire sur le tourisme en Tunisie. 2- En 1986, lors du dernier voyage du président Bourguiba aux Etats-Unis d'Amérique et à cause d'une panne de voiture, le chargé du protocole à notre ambassade à Washington n'a pas pu remettre les passeports à la délégation (27 personne dont Bourguiba). Les autorités américaines avaient autorisé le départ de la délégation sans les passeports et à Paris, c'est Charles Pasqua, à l'époque ministre de l'Intérieur, qui était venu accueillir la délégation tunisienne et la faire entrer sur le sol français sans passeports». C'est certainement à cette aura que le président Béji Caïd Essebsi faisait référence. Cette considération dont jouissait notre (petit) pays et dont la voix était écoutée et entendue. Et cela était en grande partie dû aux diplomates exerçant aussi bien au sein du ministère des Affaires étrangères qu'à l'étranger. Notre journal en a rendu compte dans son édition du 3 août. Il est vrai qu'ils défendaient un projet de société clair et une politique de progrès, de tolérance, de paix. Il est vrai aussi qu'il y avait des personnalités brillantes, dont nous citerons Mohamed Masmoudi, Mahmoud Mestiri, Habib Chatty, Mongi Slim, Béji Caïd Essebsi, Taïeb Slim, Habib Ben Yahia, Hédi Mabrouk et bien d'autres. Comme on l'a constaté, ces personnalités savaient mobiliser la communauté tunisienne dans les pays hôtes et établir un solide carnet d'adresses, incluant des personnalités influentes, députés, hommes politiques, chefs d'entreprise, journalistes, etc. On comprend alors le souci et l'objectif du Président lorsqu'il s'adresse aux diplomates : «Il nous appartient, il vous appartient, de lui rendre son éclat (la diplomatie), par un travail en profondeur, imaginatif, novateur, en inventant la diplomatie agissante qui sied à la IIe République et épouse ses ambitions». En clair et pour reprendre les termes de Marcel Proust : «A la diplomatie secrète, il faut opposer la diplomatie concrète. A.G.