A l'image de la peste noire qui a profondément marqué l'Europe, entre 1347 et 1352, en ayant exterminé 25 % à 50 % de la population du Vieux continent, le groupe Etat islamique (EI) connu sous l'acronyme « Daech » n'a cessé de s'étendre en Libye. Ces spectaculaires avancées et percées sur le terrain inquiètent de plus en plus les deux gouvernements fratricides, comme si le pays d'Omar Mokhtar devait faire face, tout seul, à ce cancer. Ainsi, après la ville de Derna, fief des mouvements salafistes et d'Ansar Eschariaa, c'est le tour des habitants de Syrte, berceau de l'ex-guide d'Al Jamahiriya, de subir l'hégémonie de l'EI. En ayant chassé, définitivement, les redoutables milices de Mosrata, les combattants d'Al-Baghdadi contrôlent, désormais, l'ensemble de cette cité stratégique, sur la côte libyenne, y compris la célèbre centrale électrique. Mine de rien, cette organisation tentaculaire règne, depuis juin, sur une large bande de la côte méditerranéenne, d'environ 200 kilomètres sous l'indifférence totale de la Ligue arabe ainsi que l'Otan. Certes, l'Egypte et les Emirats arabes unis avaient déjà mené, ces deux dernières années, un nombre très limité de frappes aériennes en Libye contre des positions de Daech et d'autres milices islamistes, mais selon plusieurs experts, ces raids restent insuffisants pour ne pas dire ayant l'allure d'une caresse sur le cuisse de Jupiter. Il faut dire que tous les regards arabes sont concentrés, depuis un bon moment, sur le conflits syrien et le traquenard yéménite, tandis que le bourbier libyen n'intéresse personne tant que l'influence iranienne n'a pas encore dressé son chapiteau sur le Maghreb. Si l'épine dorsale de la coalition islamiste qui gouverne à partir de Tripoli, Fajr Libya (l'Aube de Libye) a affirmé avoir lancé, ces derniers jours des raids aériens contre les jihadistes à Syrte; le gouvernement de Tobrouk s'est dit « incapable de faire face à l'EI en raison de l'embargo sur les armes imposé à l'armée » par l'ONU depuis 2011. Rappelons qu'aux dernières nouvelles, de violents combats ont bourgeonné, mardi dernier, à Syrte, où des habitants aguerris, épaulés par des phalanges de Fajr Libya, ont pris les armes pour tenter de déloger l'EI de cette ville si stratégique, mais leurs efforts étaient vains. Parallèlement, dans la nuit de samedi à dimanche, le gouvernement installé à Al-Baydha, dans l'est de la Libye a « exhorté » publiquement les « pays arabes frères » à « lancer des frappes aériennes ciblées contre les positions de l'EI à Syrte ». Ainsi dans une requête officielle formulée, samedi, à la Ligue arabe et publiée sur sa page Facebook, ce gouvernement, reconnu par la communauté internationale, a pressé les membres de l'organisation « d'adopter des mesures pour faire face » à la progression de l'EI. Et la réponse de l'organisation panarabe ne s'est pas fait attendre; en effet, le représentant jordanien, Bisher Khasawneh a annoncé, hier, que les délégués permanents des pays membres de la Ligue devraient se réunir, « extraordinairement », demain (mardi), pour « étudier une demande du gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale de prendre des mesures en Libye contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) ». Alors doit-on attendre, enfin, la mise en action de la machine de guerre de la (tant attendue) « Force arabe commune » ou bien l'intervention arabe va-t-elle se résumer comme l'autre fois dans des raids sporadiques menés par le tandem égypto-émirati? En attendant la délibération de la réunion extraordinaire qui aura lieu demain, au Caire, les habitants de Syrte peuvent se consoler, pour le moment, par la citation de Lao-Tseu qui dit: « Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres », pour ne pas dire, mieux vaut tard que jamais... n'est-ce pas Monsieur Nabil Al-Arabi?