Spécial « Débattre et délibérer »    9 Tunisiens sur 10 à l'étranger utilisent ''Rokhssati''...Vous pouvez l'utiliser sans connexion Internet    Tunisie dénonce l'agression en Iran et défend les droits des peuples    Les îles tunisiennes à l'honneur dans une nouvelle plateforme dédiée à la biodiversité    La Tunisie condamne l'agression contre l'Iran et dénonce un effondrement du droit international    Monastir et Bizerte touchées par une prolifération inhabituelle de microalgues    Frappes contre l'Iran : la Tunisie dénonce une légitimité internationale à géométrie variable    Chaos aérien : Air France, Turkish Airlines et d'autres suspendent leurs vols vers Dubai, Doha et Riyadh    Baccalauréat, Ahmed Souab, jeunes médecins…Les 5 infos du week-end    Tunisie : plus de 34 000 tonnes de produits agricoles biologiques exportées en cinq mois    Huile d'olive : des recettes en baisse malgré une hausse des exportations    La Tunisie au dernier rapport l'UNESCO sur l'industrie du livre en Afrique    Etoile du Sahel : la composition complète du nouveau staff technique annoncée    Nabil Kouki quitte la barre technique de l'ES Sétif    Ahmed Souab : nous sommes libres dans nos prisons, ils sont prisonniers dans leurs palais !    Bac 2025 : Près de deux tiers des admis sont des candidates    Rencontre tuniso-turque en marge de la réunion ministérielle de l'OCI à Istanbul    Fermeture imminente du détroit d'Hormuz : l'Iran durcit le ton    Le raid américain serait-il un coup d'épée dans l'eau ?    Marathon de la construction et de l'édification : une course qui fait courir… les moqueries    Contrebande : la douane intercepte pour plus de 900 mille dinars de marchandises    Tunis : des radars automatiques seront installés dans les points noirs    Coupe du monde des clubs – L'EST s'impose face à Los Angeles FC : La copie parfaite !    Université : Tout savoir sur le calendrier d'orientation des nouveaux bacheliers    Tunisie : Entrée en vigueur des sanctions liées à la facturation électronique à partir du 1er juillet 2025    Riposte iranienne : Des missiles frappent Tel-Aviv, Haïfa et le centre de l'entité sioniste    Dar Husseïn: Histoire politique et architecturale    À Istanbul, Nafti condamne l'agression contre l'Iran et appelle à une mobilisation islamique unie    Lancement d'une plateforme numérique dédiée au suivi de l'avancement de la réalisation des projets publics    Sonia Dahmani, sa codétenue harceleuse transférée… mais pas avant le vol de ses affaires    Les lauréats du baccalauréat 2025 à l'échelle nationale    L'homme de culture Mohamed Hichem Bougamra s'est éteint à l'âge de 84 ans    La Tunisie signe un accord de 6,5 millions d'euros avec l'Italie pour la formation professionnelle    Alerte rouge sur les côtes de Monastir : des poissons morts détectés !    La poétesse tunisienne Hanen Marouani au Marché de la Poésie 2025    Le ministre du Tourisme : La formation dans les métiers du tourisme attire de plus en plus de jeunes    La Ministre des Finances : « Nous veillons à ce que le projet de loi de finances 2026 soit en harmonie avec le plan de développement 2026-2030 »    Décès d'un jeune Tunisien en Suède : le ministère des Affaires étrangères suit l'enquête de près    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'inlassable conteuse de l'Amérique noire
Délivrances, God Save The Child, de Toni Morrison
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 09 - 2015

Les éditions Christian Bourgois viennent de traduire en français Délivrances, le onzième roman de l'Américaine Toni Morrison, qui s'intitule en anglais God Save The Child. A 84 ans, la grande dame des lettres africaines-américaines, Prix Nobel de littérature 1993, n'a rien perdu de la puissance et de la pertinence qui caractérisent son œuvre transgressive, marquée par la révolte contre l'Amérique blanche et patriarcale.
Il y a quelque chose de testamentaire dans le nouveau roman au titre biblique de Toni Morrison, qui vient de paraître en français. Son histoire campée résolument dans l'époque actuelle, Délivrances, revient aux thématiques chères à l'auteure : malédiction de la couleur de la peau, violences physiques et psychiques, traumatismes de l'enfance, identités bafouées, femmes au bord de crise de nerfs, musique comme libération... A travers ces thèmes qui sont autant de pistes de réflexion sur le devenir «noir» dans la société américaine contemporaine, Morrison trace la voie vers une « délivrance » qui ne peut être que plurielle dans la perspective historique et collective qui est la sienne.
Elle raconte des récits réalistes, mais en même temps emblématiques de l'oppression de l'homme par l'homme et de la lutte pour la survie. Pour les Noirs américains, cette survie passe parfois par la mort, comme dans cette histoire qui se déroule au XVIIe siècle, où une mère noire tue son enfant pour lui épargner la souffrance et les traumas d'une existence dominée. C'est le thème de Beloved, sans doute le roman le plus connu de Morrison qui obtiendra le prix Pulitzer pour la fiction en 1987. Si la narration est souvent complexe, déconstruite et polyphonique, les romans de Morrison se caractérisent par leurs phrases courtes et simples, cadencées, et leur atmosphère sombre où le réel et le magique cohabitent comme dans un conte.
Son dernier roman, Délivrances, est un conte moderne nourri de cruautés, de passions et de quêtes. Le récit se déroule dans l'Amérique d'aujourd'hui où les jeunes Noirs sont abattus encore impunément dans les rues des grandes villes. C'est la version contemporaine des lynchages d'autrefois et des «Strange fruits» que chantait Billie Holiday. L'oppression raciale se poursuit sous ses avatars nouveaux.
Comment s'étonner dans ce contexte que la naissance d'une enfant noire dans une famille de «mulâtres au teint blond» soit vécue comme une malédiction? Le roman s'ouvre sur les lamentations de la mère de la protagoniste : «Ce n'est pas de ma faute. [...] Il n'a pas fallu plus d'une heure après qu'ils l'avaient tirée d'entre mes jambes pour se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Vraiment pas. Elle m'a fait peur, tellement elle était noire. Noire comme la nuit, noire comme le Soudan...».
Lula Ann Bridewell est si noire que sa maman aurait bien aimé l'étouffer au berceau, mais elle ne donnera pas, en fin de compte, libre cours à ses instincts. Conscience chrétienne oblige! Elle refusera toutefois de lui donner le sein. Pour éviter d'être embarrassée en public, elle apprendra aussi à l'enfant de l'appeler «Sweetness» au lieu de maman. C'est seulement lorsque, petite fille, Lula Ann fera un faux témoignage contre une institutrice accusée de pédophilie allant dans le sens de l'opinion publique, qu'elle lui adressera les premiers signes d'affection maternelle.
Ces traumatismes d'enfance n'empêcheront pas Lula Ann de devenir une jeune femme épanouie et réussir sa vie professionnelle. Cadre dynamique dans une entreprise de cosmétiques, elle se fait désormais appeler «Bride» tout court, sans doute parce que c'est plus sexy et au diapason de l'air du temps où tout le monde s'époumone en criant «Black is beautiful» et fait semblant d'y croire.
Plus optimiste que les précédents livres de la romancière, Délivrances est un récit de maturité. Certes, son intrigue principale se déroule sur fond d'hypocrisies sociales et de cruautés, dépeintes ici avec beaucoup de justesse. Certes, les personnages de Morrison sont toujours animés par la colère, la passion et la révolte. Ils sont abîmés par la vie et les traumatismes de leur enfance, mais ils entrevoient, malgré tout, une possibilité de rédemption. Pour la protagoniste du récit, Bride, le chemin vers la délivrance passe par des transformations physiques qui relèvent autant du réalisme magique que de la symbolique psychanalytique. C'est une des trouvailles les plus originales de ce livre qui transforme le corps féminin en un lieu de lutte et de résistance.
«Résistez encore et toujours!», c'est peut-être cela le message, en fin de compte, de l'œuvre singulière et féconde de Toni Morrison. Je résiste, donc je suis, pourrait être le dernier mot de Bride, dont l'héroïsme et le courage n'ont égal que le poids social qui pèse sur ses frêles épaules.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.