Hier, la crise à Nida Tounès a connu un nouveau rebondissement: les députés qui ont tourné le dos aux conseils de Béji Caïd Essebsi menacent de fonder leur propre parti On l'a annoncé à plusieurs reprises, Nida Tounès risque d'être scindé, dans la tourmente de la crise qu'il connaît depuis quelques jours, en deux partis qui vont certainement se disputer la paternité du parti des Berges du Lac, sa représentativité au sein de l'Assemblée des représentants du peuple, ses locaux (déjà Hafedh Caïd Essebsi et Mohsen Marzouk occupent chacun un siège distinct l'un de l'autre) et son programme sur la base duquel il fait partie de la coalition des formations soutenant le gouvernement Habib Essid. Jusqu'à lundi 2 novembre, on redoutait la division du bloc parlementaire nidaïste en deux groupes du fait que les partisans des deux clans en conflit donnaient l'impression qu'ils ne voulaient plus ou qu'ils ne pouvaient plus s'entendre sur un compromis à même de sauver ce qui peut l'être. Hier, Mohamed Troudi, le chef de file des 33 députés qui ont refusé d'aller écouter les conseils ou l'arbitrage du président Béji Caïd Essebsi au Palais de Carthage, a sauté le pas en annonçant : «Il est possible pour nous de constituer un nouveau groupe parlementaire et de fonder un autre parti pour sauver le projet initial de Nida Tounès». En plus clair et sans avoir le courage de le dire expressément, Mohamed Troudi et ses camarades situent maintenant la crise sur une nouvelle dimension. Il s'agit de la légitimité de ceux qui vont se proclamer comme étant les authentiques nidaïstes en accusant leurs adversaires d'être des intrus, voire des arrivistes qui n'ont ni passé militant au sein du parti ni représentativité ou poids auprès des structures de base. Le président Béji Caïd Essebsi a beau sermonner, lundi soir, tout le monde, y compris les partisans de son fils Hafedh, qui ont accouru au Palais de Carthage (les partisans de Mohsen Marzouk ont décliné l'invitation pour éviter l'exacerbation des tensions en respect à l'institution de la présidence) espérant recevoir son aval ou son soutien. Finalement, ils ont fait l'objet d'une belle savonnade de la part de Si El Béji qui est allé — selon ce qu'ont révélé certains députés présents — jusqu'à les accuser d'avoir trahi la confiance des électeurs qui les ont choisis lors des législatives du 26 octobre 2014, d'avoir trahi aussi le serment qu'ils ont prêté au palais du Bardo et d'ouvrir la voie par leurs divisions et leurs calculs personnels à l'éclatement du parti. L'UPL s'immisce, Ennahdha observe Malheureusement, la énième médiation n'a pas réussi à calmer les esprits des différents antagonistes qui ont continué à échanger les accusations, chacun considérant qu'il a raison et que si la scission est consommée effectivement, c'est bien l'autre qui en sera responsable devant les nidaïstes de base, le peuple et l'histoire. Les partisans de Hafedh Caïd Essebsi se sont répartis sur les diverses chaînes radio pour soutenir le même message : «La réunion de l'instance constitutive aura lieu aujourd'hui (hier) à 17h00 et elle sera soldée par l'annonce des décisions que les nidaïstes attendent, à savoir la définition de la date définitive du congrès, la formation de la commission neutre qui aura la charge de préparer le congrès et d'en superviser les travaux et la poursuite par l'instance constitutive (ou ce qui en reste) de la gestion des affaires courantes jusqu'à l'élection de la nouvelle direction du parti lors du congrès». Et bien avant que l'instance constitutive ne se réunisse sans la présence de ses membres représentant le clan Mohsen Marzouk (Marzouk, Akremi, Mohamed Ennaceur, Lazhar Karoui Chebbi et Boujemaâ R'mili), on a commencé à révéler le contenu des décisions qui y seront prises, dont en premier lieu la date du congrès. Il semble qu'on a décidé que le congrès aura lieu les 19, 20 et 21 décembre prochain. Maintenant que toutes les lignes rouges ont été franchies et que Nida est pratiquement en état de mort clinique, comme n'ont pas hésité à le souligner plusieurs observateurs politiques, l'on se demande comment réagissent les autres partis politiques, principalement ceux qui forment avec Nida Tounès la coalition gouvernementale. Ennahdha se contente toujours de garder une position neutre et ses responsables ne cessent de déclarer qu'ils veulent bien voir Nida Tounès sortir de sa crise sans dégâts et répètent qu'ils soutiennent encore le gouvernement Habib Essid dans sa configuration actuelle. Sont-ils prêts à assumer le statut de premier parti dans le pays au cas où Nida Tounès imploserait ou serait divisé en plusieurs partis ? Lors d'une déclaration radiophonique, Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, a mis les points sur les i : «Nous ne sommes pas prêts pour assumer le pouvoir. Nous n'avons pas de programme pour le faire». De son côté, Slim Riahi, président de l'Union patriotique libre (UPL), est sorti de son silence pour appeler, hier, à une réunion urgente, de la coordination des partis au pouvoir soutenant le gouvernement Essid. La réunion demandée devrait, selon le président de l'UPL, examiner la situation prévalant au sein de Nida Tounès, et contribuer à l'élection d'une quelconque solution consensuelle. Du côté d'Afek Tounès, on considère que ce qui se passe à Nida Tounès concerne uniquement les nidaïstes. Il est vrai qu'avec l'affaire Yacine Brahim, Afek Tounès a d'autres chats à fouetter. Dernière minute : La réunion reportée au 12 novembre On apprend que la réunion de l'instance constitutive a été finalement reportée au 12 novembre. Mohamed Troudi a été chargé de prendre contact avec Mohamed Ennaceur pour essayer de le convaincre d'assister à la réunion ainsi que les autres membres de l'instance appartenant au clan Mohsen Marzouk