Par Moncef Kamoun Aujourd'hui, ce n'est pas par hasard que tous les partis et particulièrement ceux qui sont au pouvoir n'arrivent pas à arrêter une date pour la tenue de leur congrès. Tous les partis au pouvoir entrent dans des crises internes. Le congrès a toujours été l'occasion de mettre sur la table tous les conflits et de sortir avec des décisions pratiques visant à resserrer les rangs du parti et à améliorer son image auprès de la base militante et surtout de l'opinion publique. Le congrès, c'est l'occasion aussi de demander des comptes aux dirigeants sur le rendement au niveau des questions organisationnelles internes, mais surtout pour cette fois-ci sur l'évaluation de l'expérience de la coalition gouvernementale forcée ainsi que sur des questions politiques et socioéconomiques qui préoccupent la classe politique et harcèlent le citoyen tunisien, à l'instar de la paix sociale, la lutte contre le terrorisme et des préparatifs des élections municipales. Un congrès ne peut réussir que si la majorité de ses dirigeants arrivent à un compromis avant même d'entamer les travaux, et c'est pour cette raison que nous assistons à des retards successifs des dates. Le mouvement Ennahdha prévoit la tenue de son 10e congrès au cours du premier trimestre 2016. Celui-ci sera l'occasion pour les dirigeants de clarifier et rendre compte de leur position sur la question de la séparation entre les discours religieux et politique, mais surtout de l'évaluation de la participation du mouvement dans le gouvernement. En raison de la discipline de sa base, le congrès d'Ennahdha sera le plus calme en « apparence » et se passera sans trop de surprises. Le parti majoritaire lors des dernières élections, Nida Tounès, prévoit la tenue de son premier congrès en décembre 2015 mais il existe des rivalités ou plutôt une guerre de clans et d'individualités de plus en plus difficile à maîtriser au point que même les structures nationales et régionales ne semblent plus reconnaître le parti dans lequel elles ont placé leurs espoirs, il semble même que leur parti est au bord de l'implosion. Ce qui se passe aujourd'hui à Nida était, à notre avis, prévisible du fait que le parti a été vidé de sa substance et de sa matière grise entre Carthage, Bardo et La Kasbah. Afek Tounès, quant à lui, prévoit l'organisation de son congrès en juin 2016. Ses dirigeants doivent évaluer leur participation au gouvernement et si les reformes planifiées ont été concrétisées, sinon le parti réexaminera sa participation. Enfin, le congrès de l'Union patriotique libre (UPL) aura lieu avant la fin de l'année 2015, il formera le bureau exécutif du parti à partir des candidats choisis par le président. Tous ces conflits se passent en ce moment et en Tunisie, ce pays qui, depuis cinq ans, vit dans l'immobilisme total. Le citoyen est aujourd'hui perdu devant ces débats politiques vides, il a fini par perdre ses repères, il perd toute confiance et sent que son pays sombre dans le doute. Nous avons l'impression que personne ne bouge, et ceux qui pensent agir finissent par se perdre en gesticulations. La stratégie et l'effort du gouvernement sont loin d'être à la hauteur des enjeux. Face à ces grandes attentes, à la déception du citoyen et à la guerre interne des partis, le gouvernement, aujourd'hui avec sa cohabitation forcée, agit comme si nous n'étions pas en crise. Il pilote à vue et laisse des zones d'ombre partout où il passe. Il semble être déconnecté des réalités et manque de courage pour faire face à la situation. Si hier on avait le choix, aujourd'hui un électrochoc pour relancer la machine est indispensable pour réveiller une administration en plein sommeil.