Les producteurs de dattes vivent des problèmes de vente dus aux réticences de la part des revendeurs, des intermédiaires... Commençons par préciser que ces « agitations » sont cycliques. Il n'y a qu'à revenir aux archives qui remontent à plus d'une décade, sinon plus, on finira par en être convaincu : les problèmes qui empoisonnent la vie du consommateur tunisien, reviennent toujours à la même époque de l'année. Les producteurs refont les mêmes gestes et empruntent le même langage et les mêmes scénarios pour illustrer leurs revendications. Du lait versé sur la chaussée ou des patates déversées devant le siège d'une autorité quelconque, une pénurie de tomate en conserve ou des hausses vertigineuses, des poissons qui semblent avoir fui les filets des pêcheurs, des œufs ou des viandes blanches qui reprennent leur ascension vers les sommets, etc. La hausse du prix des engrais, des aliments de bétail ou de poissons, la non-disponibilité de ceci ou cela font partie de l'arsenal des revendications. Et c'est l'agriculteur et le consommateur qui paient les pots cassés. Le plus curieux c'est que personne ne sort gagnant à l'issue de ces campagnes factices qui préparent des hausses de prix. A croire que les agriculteurs travaillent à perte et qu'ils ne font qu'accroître au fil des années leurs dettes. Même lorsqu'on annonce des récoltes records. Mais comment procède-t-on aux calculs des gains et des pertes? En fin de compte, personne ne le sait. Les «experts», qui ont vu leur nombre augmenter à une vitesse vertigineuse, ont la faculté de faire danser les chiffres, au point de vous convaincre que tout s'écroule et que tout est fini. Seules des augmentations de prix sont paraît-il en mesure de sauver la situation. Comment trouver cet argent, qui paiera les conséquences pour le pauvre consommateur, et bien d'autres questions resteront à jamais sans réponse. Le rôle des «responsables» On a beau publier des livres blanc ou vert, il ne s'agit pas de théorie. Il s'agit de pratique et du sens de l'observation pour tirer bon nombre de conclusions. Lorsqu'un « acheteur » potentiel se présente pour proposer son prix, on ne peut qu'être effaré par ce qu'il daigne offrir au producteur. Un prix dérisoire par rapport à celui que nous retrouvons quelques jours ou quelques mois affiché au marché. Le chiffre est multiplié par dix ou plus. Un exemple tout récemment rendu public et qui concerne un produit pour lequel le producteur ne fait aucun effort, n'amende aucune terre, n'ajoute aucun engrais, la figue de Barbarie. Notre figue de Barbarie nationale (le Sultan des fruits) a atteint le dinar pour quatre pièces, alors que le producteur a cédé à l'intermédiaire des tonnes à deux cent-cinquante millimes le...kilo ! Où va la différence ? Le lait, l'Etat le compense, les fromagers et les usines de transformation le convertissent en yaourt, desserts, fromages etc, qui rapportent dix fois plus. Personne n'en parle, et encore une fois, où va la différence ? N'est-il pas temps de faire la distinction entre la production du lait compensé et des dérivés dont les prix s'envolent ? C'est comme pour le sucre que l'on compense pour que les pâtissiers en tirent les plus grands profits. En fin de compte, le consommateur normal profite-t-il vraiment de cette compensation ? Non. On lui offre du sucre à bon marché pour précipiter le diabète et les maladies qui en découlent. Les producteurs de dattes dont nous entamons la saison, vivent des problèmes de vente, dus aux réticences de la part des revendeurs, des intermédiaires, et des manipulateurs. Cela est dû, tout d'abord, à la difficulté de stocker la nouvelle récolte, étant donné que les restes de celle de l'année dernière sont encore dans les frigos. En dépit des 122 mille tonnes exportées, il reste environ 112 mille tonnes sur les bras, effet du Covid-19 oblige. Des dattes branchées, manifestement de l'année dernière, sont actuellement sur le marché. Elles sont vendues comme si elles provenaient de la nouvelle récolte à des prix dépassant tout entendement pour un pays producteur, en mesure de satisfaire la demande extérieure et intérieure. Presque tout est hors saison A combien ont été achetées ces dattes et à combien ont-elles été revendues ? Où passe la différence ? C'est le même cas pour les raisins qui sont stockés et écoulés au compte-goutte à des prix qui grimpent de jour en jour. Et les pommes, les poires et les figues à moitié pourries parce que conservées plus qu'il n'en fallait et qui sont dissimulées sous une première couche valide et qui surgissent sur le marché à des prix dépassant tout entendement ? Où sont donc ceux qui représentent les producteurs ? Sont-ils seulement aptes à réclamer ou appuyer des hausses de prix ou de subventions supplémentaires ? Les problèmes sont connus depuis des années : des lobbys et des intermédiaires jouent à la terre brûlée en mettant la main sur toutes les productions pour les stocker et les écouler à leurs conditions. Tout le monde le sait. Sauf ces « responsables » qui n'ont jamais dénoncé ces agissements déstabilisateurs. Ont-ils apporté des solutions ? Non. Ils se contentent de dénoncer, alors que tout est lié à l'activité dévastatrice des trafiquants, solidement installés et à propos desquels il aurait fallu agir. Où sont nos chercheurs ? Lorsque nous entendons des «responsables» expliquer que la hausse des prix est due aux intrants que nous importons de l'étranger, nous ne pouvons qu'être surpris par autant de légèreté. Il est difficile de croire que nos chercheurs sont incapables de mettre au point ce qui est nécessaire pour alimenter du bétail, des poules ou des poissons à partir de ce que nous possédons. Reste à savoir si les motivations en valent la chandelle et si l'on dispose de laboratoires de recherche et de développement capables d'offrir les meilleures conditions pour ces recherches. De toutes les façons, pourquoi ne pas s'y mettre et continuer à dépendre de l'étranger ? Personne ne le sait. Responsabiliser les gouverneurs Nous avions suggéré sur ces mêmes colonnes que tous les gouverneurs devraient être responsables des lieux de stockage des produits alimentaires, qu'ils devraient établir la liste des dépôts et chambres froides installés dans leurs circonspections, tout en les soumettant à un contrôle strict et impitoyable. Etant donné la mauvaise foi de ces «affameurs», sans scrupules, il est nécessaire d'agir en utilisant la manière forte. Les milliers de tonnes de denrées alimentaires, compensées ou pas, qui sont saisis à la suite de ces descentes d'où viennent-ils ? Comment un producteur de lait, d'huile, ou de pâtes par exemple, peut-il consentir la fourniture des dizaines de tonnes au même opérateur sans se poser des questions ? C'est tombé dans l'oreille d'un sourd. Le poisson de Bizerte déserte les étals de ce gouvernorat et va s'afficher ailleurs. Le poulet abattu dans des taudis, quittent les villages environnant dans des conditions d'hygiène catastrophiques pour venir à Halfaouine ou dans d'autres cités populaires de la capitale. Des légumes ou des fruits achetés pour quatre sous qui viennent se pavaner à El Menzah, La Marsa, ou dans les grandes surfaces à des prix incroyables. L'huile compensée profite du confort des hôtels cinq étoiles et des restaurants huppés. C'est cette gabegie qui est la première cause de ces hausses de prix. En conséquence, c'est le consommateur tunisien qui sera privé de fruits en pleine saison de production, pour pouvoir les consommer, avec un goût altéré, au prix fort lorsqu'on voudra bien les mettre sur le marché. Et on parle de renchérissement du coût de la vie. Un cercle vicieux Y-a-t-il un seul de ces organismes qui ait présenté des plans d'action visant à briser ce cercle vicieux ? Nous n'en connaissons pas, parce que les lobbys qui tiennent tout ce beau monde en laisse, est trop puissant et que ses tentacules deviennent de plus en plus étouffantes pour l'économie nationale. Le repérage de ces agissements prohibitifs commence en pleine campagne et la traçabilité des produits devrait s'effectuer en amont pour suivre en aval tout ce qui se trame, réagir et prendre les bonnes dispositions au bon moment. C'est bien mieux que d'aller courir derrière une information qui risque de ne jamais arriver. A chaque annonce d'un dépôt investi par nos forces de l'ordre, nous craignons que deux ou trois nouveaux voient le jour. Parce que tout simplement le jeu en vaut la chandelle. A-t-on jamais vu les sanctions encourues par ceux qui ont été attrapés ? Cela n'a rien d'un secret d Etat et, pourtant, rien ne filtre, alors que pour donner à réfléchir à ceux qui continuent de bénéficier d'une paix royale, il aurait fallu dénoncer et montrer que l'on ne se laissera pas faire.