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La question féminine dans tous ses états PUBLICATION — «L'EGALITE DES FEMMES EN TUNISIE : HISTOIRE ET INCERTITUDES D'UNE REVOLUTION LEGALE» DE AMEL AHMED GTARI
«C'est une personne engagée, active et militante. Son ouvrage nous permet d'entrer dans l'intelligence des réformateurs tunisiens et notamment l'œuvre fondatrice de Tahar Haddad, à partir duquel un féminisme d'Etat a pu se constituer, après l'indépendance, par le biais d'un droit civil et familial audacieux. La Tunisie a été le pays laboratoire d'une mutation possible et réalisée, qui n'est pas achevée et dont l'issue n'est pas encore garantie». Le Pr Blandine Chelini-Pont, directrice de la collection Droit et religion Aix-Marseille Université, sait de quoi elle parle en rédigeant l'avant-propos de l'ouvrage que vient de publier Amel Ahmed Gtari, récipiendaire de la médaille 2007 du barreau de Paris sous le titre : «L'égalité des femmes en Tunisie: histoire et incertitudes d'une révolution légale». En effet, Amel Ahmed Gtari revient sur les acquis engrangés au profit de la femme tunisienne depuis l'indépendance, sauf qu'elle ne se contente pas de reprendre les critiques traditionnelles qui ont accompagné l'exercice pratique de ces droits durant les ères Bourguiba et Ben Ali, estimant que les deux régimes faisaient de la femme une vitrine de leur fausse modernité. Elle montre que la révolution de la liberté et de la dignité a permis aux langues de se délier pour prouver que «les droits des femmes ont été contournés ou même contrecarrés dans leur application». Elle introduit, contrairement à ce que beaucoup de politiciens apparus dans la foulée de la révolution répandent, le regard scientifique du chercheur qui évalue l'expérience avec objectivité et rigueur pour conclure que «l'Etat tunisien a tenté non sans succès d'autonomiser le droit de la famille, surtout à partir du Code du statut personnel, sans pour autant parvenir à se démarquer d'un conservatisme bien ancré dans la société et qui continue de peser sur les tentatives de réforme de la législation dans le sens d'une affirmation des droits individuels». Les oppositions et les obstacles persistent Amel Ahmed Gtari examine, dans la première partie de son ouvrage-thèse, la situation de la femme avant l'indépendance et montre ce que «l'Islam a apporté à la réflexion sur les statuts individuels et leurs traductions juridiques, le foisonnement de la jurisprudence dans ses diverses écoles». Et elle rappelle la vague de conservatisme que Bourguiba a réussi à faire taire en vue d'imposer le Code du statut personnel. Dans la deuxième partie, elle relate les oppositions qui ont été vaincues et les obstacles qui n'ont pas été surmontés. Et la nouveauté introduite par la chercheuse réside dans le fait de révéler sous Bourguiba et Ben Ali et que «bien des choses seront âprement discutées après les changements que la Tunisie vient de connaître». Malheureusement, après la révolution, se sont élevées des voix qui revendiquent la révision des acquis de la femme «dans la foulée de ces discours ambigus, voire régressifs, sur la femme et la place qu'elle occupe dans la société : discours puisés pour la plupart dans un registre composé de référents doctrinaires religieux». Et la chercheuse de rafraîchir la mémoire de ceux qui veulent oublier ce que les islamistes ont tenté d'imposer lors de la rédaction de la constitution du 27 janvier 2014. Elle souligne: «La Tunisie a connu une vraie tentative de mise en cause des droits des femmes qui suscite l'inquiétude soit à travers des déclarations de certains députés d'Ennahdha connus pour leur conservatisme ou par des prêches des leaders salafistes ou des prédicateurs venus du Golfe ou par des actions visant à intimider les femmes dans la rue».