Par Ridha ZAHROUNI * Une des missions principales de nos écoles consiste à inculquer à nos enfants, au même titre que la famille, une bonne éducation en développant chez nos élèves, aux différents stades de leur croissance, les connaissances des valeurs morales et des portées de devoirs et des droits. Des préalables nécessaires au développement de la personnalité de l'individu, à l'assimilation de son rôle dans la vie et à son intégration sociale. Néanmoins, la violence à l'école est en train de devenir un vrai phénomène de société en Tunisie, en prenant de l'ampleur de jour en jour et d'année en année. Une violence ou élèves et personnels des écoles (instituteurs, professeurs et gestionnaires) sont auteurs ou victimes. Une violence impliquant dans certaines situations des personnes étrangères à l'école (les parents en général) ou visant les équipements de l'école ou les biens d'autrui. La violence à l'école :formes, causes et conséquences La violence à l'école peut se manifester sous plusieurs formes. Elle peut être physique, verbale ou matérielle, sexuelle ou virtuelle et elle peut être spontanée ou organisée. Les auteurs ont recours à l'agression physique, aux injures, aux critiques et à l'humiliation. Ils vont parfois au vol et au viol en passant par le harcèlement, l'intimidation et la destruction des équipements et des biens... Plusieurs causes sont à l'origine de la violence dans nos écoles, dont la perte de confiance de l'élève dans l'école et dans son personnel (niveau d'instruction et chances de réussite en baisse, avenir incertain, conflits répétés, primauté des enjeux professionnels et financiers...) ainsi que l'inadéquation des moyens et de la façon de la prise en charge du phénomène à tous les niveaux (absence de structures idoines, manque au niveau de la formation du personnel concerné, inadéquation du soutien psychologique et du suivi,..). L'altération du rôle éducatif de la famille, la dégradation de son apport affectif et son incapacité à subvenir aux besoins essentiels des enfants, font partie également des causes de la violence dans nos écoles. Il ne faut pas omettre non plus l'instabilité de la situation sociale, économique et sécuritaire de notre pays, le désert culturel en matière d'éducation puérile et la prolifération des jeux suggestifs et des cultures violentes sur les chaînes de télé et sur les réseaux sociaux. Et quelle que soit sa forme, ses moyens et ses causes, la violence est en train de créer beaucoup de dégâts, notamment chez les victimes parmi les élèves et également parmi le personnel des écoles, les instituteurs et les professeurs en premier. Il est certain que la violence à l'école nuit d'une façon évidente au développement psychologique et social de l'enfant et de l'adolescent (sentiment de honte, perte d'estime et de confiance en soi...) et pourrait provoquer son décrochage scolaire et sa déscolarisation. Dans certains cas, elle pourrait amener l'enfant victime à la dé-socialisation, à l'anxiété ou à la dépression ou être à l'origine de sentiments autodestructeurs, voire même suicidaires. La prévention et la lutte contre la violence à l'école: solutions La prévention et la lutte contre la violence dans les établissements scolaires doivent être une des principales missions prioritaires et de la famille et de l'école. Pour la réussite de cette tâche, il est nécessaire d'amener l'élève à croire de nouveau à l'école, en réunissant toutes les conditions devant garantir un environnement scolaire approprié, en termes de sécurité, sérénité, confiance et espoir. La finalité étant d'administrer à nos enfants les connaissances nécessaires pour assimiler les valeurs essentielles à la vie qui sont le patriotisme, la citoyenneté, la dignité, la solidarité, la fraternité, le pardon, le dialogue, l'écoute et le respect de l'Autre. Ce qui requiert un vrai travail de prospection et d'analyse sur le terrain et une recherche approfondie pour identifier tout ce qui se rapporte à la violence dans nos écoles: formes, spécificités, causes, fréquence, origines, etc.Des paramètres qui,en fonction des conjonctures sociales, économiques, culturelles et sécuritaires,doivent varier d'une région à une autre, d'un établissement scolaire à un autre, d'une période scolaire à une autre, d'une tranche d'âge d'élèves à une autre et même d'un auteur à un autre. La finalité étant de mettre en œuvre une stratégie nationale pour faire reculer la violence dans nos écoles de façon significative et continue. De vrais objectifs devant être quantifiables dans l'espace et le temps en leur réservant tous les moyens nécessaires. Une stratégie qui doit s'ériger en projet national s'intégrant dans une politique globale du ministère de l'Education et devant être concrète et efficace. Une stratégie qui doit être associée à des plans d'actions opérationnels qui pourraient être spécifiques à chaque établissement scolaire et dont les principaux axes sont les suivants: - la mise en place d'une structure centrale et de cellules régionales et locales dont la mission principale serait la prévention et la lutte contre la violence par le biais du pilotage, de l'accompagnement, de la formation, de la sensibilisation, de l'écoute, du traitement et du suivi; - la multiplication des compagnes de sensibilisation de tous les intervenants et sur tout le territoire national. L'objectif étant de faire connaître la violence, ses formes, ses causes et ses conséquences et l'urgence de l'action commune pour lutter et combattre ce phénomène; - l'association des établissements scolaires pour l'élaboration de leur plan d'actions pour la prévention et la lutte contre la violence en impliquant davantage le personnel des écoles, les élèves et les parents. Il est nécessaire de doter chaque établissement concerné des ressources pédagogiques et des moyens nécessaires à cet effet, y compris la formation des personnels. Ces plans doivent s'appuyer sur: - la définition des différentes formes de violence, l'anticipation de la reconnaissance d'une situation de violence impliquant les élèves et la prise en compte et le traitement chaque cas de violence avéré ou supposé; - la responsabilisation des enseignants et des personnels de l'éducation dans le repérage et la prise en charge du traitement des cas de violence; - le privilège de la portée éducative des sanctions aussi bien vis-à-vis des victimes que des auteurs, en y associant les parents; - l'amélioration de la formation des personnels en matière de prévention, de repérage et de traitement des cas de violence; - l'implication et la responsabilisation des élèves et des parents dans la prévention et la lutte contre la violence. Les élèves doivent avoir un rôle essentiel à jouer dans ce cadre, notamment au niveau des actions de médiation; - le pilotage et l'accompagnement des établissements scolaires dans l'élaboration de leur programme d'actions et dans sa mise en exécution. *(Président de l'association Tunisienne des parents et des élèves)