La femme représente 61% de la main-d'œuvre agricole saisonnière, 11% ne sont pas rémunérées. Plus de 4.000 ouvrières travaillent dans le secteur informel. Le tout en l'absence d'un cadre législatif et social équitable et sécurisant L'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap) et la Fondation Hanns-Seidel ont organisé, hier à Tunis, un atelier de réflexion sur l'autonomisation des femmes en milieu rural à travers l'accès à la sécurité sociale. «Quelles perspectives pour une couverture sociale équitable au profit des femmes en milieu rural ?» : une interrogation qui a interpellé l'assistance à cette rencontre organisée dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la femme. Dressant un état des lieux regrettables, mettant le doigt sur l'injustice sociale infligée à la femme rurale, agricultrice en particulier, les participants ont été unanimes sur le renforcement du cadre législatif en faveur de la femme rurale et du secteur agricole. Ils ont signifié aussi l'indispensable collaboration entre toutes les parties concernées pour traduire les éventuelles solutions en des programmes appropriés et concrets. «Comment ose-t-on demander à la femme rurale d'augmenter sa productivité alors qu'elle manque du stricte nécessaire ?!», s'exclame M. Abdelmajid Ezzar, président de l'Utap. Evoquant le calvaire diurne de la femme rurale, il recommande de prendre au sérieux son vécu pour lui assurer, ainsi qu'à sa famille, des jours meilleurs et une vie digne. De son côté, M. Said Aldailami, délégué régional de la Fondation allemande Hanns-Seidel en Tunisie, en Algérie et en Libye, exprime l'intérêt accordé par la Fondation quant à la promotion du rôle de la femme rurale dans le développement. «Nous sommes prêts à financer des projets en faveur de la femme agricultrice. Aussi, demandons-nous à l'Utap de nous proposer des projets fiables et applicables sur une durée de cinq ans», indique-t-il. Projet en examen à la commission de la femme de l'ARP Présente à l'atelier de réflexion, Mme Meherzia Laabidi, présidente de la commission des affaires de la femme, de la famille, de l'enfance, de la jeunesse et des personnes âgées à l'Assemblée des représentants du peuples, rappelle qu'améliorer les conditions de la femme agricultrice et combler les lacunes de ce secteur font l'objet du projet de la commission pour cette année. « Nous voulons tous changer les choses pour le mieux. Sauf qu'il faudrait réfléchir ensemble sur des solutions que l'on veut radicales. L'Utap a remis à la commission une série de projets et de recommandations intéressants, qui seront présentés à l'ARP », précise-t-elle. Elle a, également, attiré l'attention sur l'impératif de mettre en application et de consolider les lois réglementant le secteur agricole et garantissant les droits des femmes agricultrices. Mme Narjès Hamrouni, présidente du bureau de l'encadrement de la femme rurale, relevant du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydrauliques, dénonce les injustices sur fond sexiste auxquelles les femmes rurales sont sujettes. Mal rémunérée, marginalisée, la femme rurale s'applique à ses devoirs tout en ignorant ses droits. En effet, la main-d'œuvre agricole saisonnière compte 5.923 femmes dont plus de 4.000 travaillent dans le secteur informel. Elles sont exposées quotidiennement aux divers dangers, comme le transport clandestin et l'usage des pesticides. Pour venir en aide aux femmes rurales et promouvoir leur contribution au développement durable, le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydrauliques vient de signer une convention de partenariat avec le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, ce qui prépare le terrain à la mise en place de projets bilatéraux. Des conditions de travail pénibles et dégradantes «Les conditions de travail des femmes en milieu rural», tel est l'intitulé de l'intervention de Mme Inès Bessaad Nagarra, représentant l'Utap. L'oratrice a évoqué le paradoxe caractéristique du secteur agricole. Bien qu'il soit le plus stratégique, le secteur agricole présente des lacunes flagrantes, notamment en matière de sécurité sociale. La femme représente 61% de la main-d'œuvre agricole saisonnière, 11% des agricultrices travaillent dans des domaines familiaux et n'en reçoivent, par conséquent, aucune contrepartie. Pis encore : ce sont essentiellement les femmes qui se chargent des travaux les plus pénibles. En effet, 78% des ouvrières agricoles assurent la collecte, 64,5% sèment les graines, 36 % d'entre elles déplacent des produits agricoles d'un endroit à un autre et 17% assurent le transport de la marchandise. «Ces femmes consacrent, quotidiennement, une moyenne de 13,9 heures par jour au travail agricole», souligne Mme Nagarra. De son côté, Mme Wassila Ayari, représentant l'Ugtt, a présenté la convention-cadre, laquelle a été signée le 13 octobre 2015 entre l'Utap et l'Ugtt. Cette convention promet de réviser les articles du Code du travail relatifs à l'agriculture, d'imposer les critères du travail décent, notamment l'emploi, les droits fondamentaux, la sécurité sociale et le dialogue.