Par Jawhar CHATTY La Tunisie célèbre, aujourd'hui, le 60e anniversaire de l'Indépendance. Pour les Tunisiens, c'est une précieuse occasion de renouer, enfin, avec les fondamentaux qui ont éclairé et guidé la lutte des leaders et de l'élite tunisienne pour l'indépendance. Le moment nous paraît propice et l'occasion est d'autant plus précieuse que les Tunisiens ont eu le temps de mesurer l'ampleur des dégâts causés par l'amateurisme, les discours de haine et l'esprit partisan et revanchard avec lesquels le pays a été dirigé au cours de ces dernières années. Cette thérapie de groupe et le retour aux sources sont nécessaires, d'autant plus que les Tunisiens ont lamentablement été tirés vers le bas par les grossièretés infra-intellectuelles d'une classe politique elle-même en perte de valeurs. Renouer avec les fondamentaux des pères de l'indépendance, c'est recultiver des valeurs : le don de soi, le nationalisme, l'amour de son pays, l'amour du travail, le désintéressement. C'est réhabiliter ces valeurs en s'inscrivant dans le volontarisme de l'élite de l'époque. En se rappelant que cette élite a sauvé le peuple avec la Raison, par l'esprit cartésien et par l'esprit des Lumières. Que cette élite a élevé le niveau du peuple par amour du peuple et de la patrie et que dans ce volontarisme et dans cette pédagogie, il y avait un parfait désintéressement. « Vivre pour autrui ». Le leader Habib Bourguiba aimait à citer Auguste Comte dans ses discours. Tout comme, à sa manière et en dépit de son salaire fort modeste, l'instituteur qui, tous les matins une heure avant l'entrée des classes à huit heures, aimait donner gratuitement à ses élèves une heure de cours de soutien. A l'exemple aussi du jeune médecin qui aimait et ne rechignait guère à aller rejoindre « son dispensaire » au pied de la montagne. Les valeurs avaient également pour noms : travail, organisation et coordination, et elles étaient servies par une vision. En 1932, H. Bourguiba signait, dans le 1er numéro du journal L'Action tunisienne, un éditorial au titre fort évocateur : « Le budget » où il était notamment question du rôle des finances publiques dans l'Etat. Aujourd'hui, un ministre des Finances se permet tout au plus de regretter que le Fonds de lutte contre le terrorisme n'ait recueilli que 25 mille dinars ! Célébrer la fête de l'indépendance, c'est aussi savoir considérer l'indépendance dans l'optique et à travers le prisme de la mondialisation en favorisant la coopération, en s'élevant contre les tentatives de recroquevillement et les discours rétrogrades. C'est savoir (re)considérer l'indépendance par la géopolitique qui fait de nous une terre de tolérance, ouverte sur la Méditerranée, une terre d'un Islam modéré et de refus de l'extrémisme. C'est cet esprit et cette culture qui façonnent une société, lui donnent de la vigueur en la rendant toujours plus solidaire, qui lui donnent sa fécondité en la rendant chaque jour plus entreprenante. Cette vigueur et cette fécondité, c'est d'elles seules que notre pays devra toujours tirer sa spécificité et la dynamique qui lui permet d'avancer. C'est cette dynamique qui fera que le terrorisme ne passera pas en Tunisie.