En visite surprise à Dahmani à l'occasion de la fête du Travail : Kaïs Saïed promet la relance d'un patrimoine industriel oubli    Kaïs Saïed, manifestations, UGTT... Les 5 infos de la journée    Tunisie – Derniers développements dans l'affaire de l'usurpateur de l'identité d'un directeur au cabinet de la présidence du gouvernement    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Tunisie – Bizerte : Arrestation de six jeunes dont trois mineurs ayant braqué un bus scolaire    Tunisie – Grève générale des jeunes médecins ce vendredi    Signalgate : Trump se sépare de son conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz    L'ambassadeur de Chine détaille les principales exportations vers la Tunisie    Psychanalyse de la Tunisie : quatre visages pour une même âme    Les détails de l'arrestation de l'auteur du meurtre du jeune Omar à Akouda    Trump envisage le renvoi de migrants vers la Libye et le Rwanda    Le pétrole recule, plombé par l'économie américaine et les incertitudes sur l'Opep+    McDonald's : Baisse inattendue des ventes au T1    Turquie : Ankara réaffirme sa volonté de construire le canal d'Istanbul malgré les critiques    Eric Charpentier : le plan de développement de la BT porte ses fruits !    France-Présidentielle : Une excellente nouvelle pour la gauche, déprimante pour Retailleau…    Ce 1er mai, accès gratuit aux monuments historiques    Décès de la doyenne de l'humanité à l'âge de 116 ans    Le ministre de la Santé : Pas de pénurie de médicaments, mais une perturbation dans la distribution    Par Jawhar Chatty : Salon du livre, le livre à l'honneur    La Suisse interdit "Hamas" sur son territoire à partir du 15 mai    Le 7 mai : Première séance des négociations pour l'augmentation des salaires dans le secteur privé    1er Mai: L'URT Sfax organise un rassemblement syndical (Photos + Vidéo)    1er mai : le Parlement tunisien réaffirme son engagement pour le droit au travail et la dignité    Fête du Travail du 1er mai – Tribune : «Le mai, le joli mai...»    Coupe de Tunisie – 1/8e de finale – JSK-ESS (0-1) : Chaouat expédie l'Etoile en quarts    Noël menacé par les droits de douane de Trump, selon l'industrie du jouet américaine !    Mongi Hamdi: Le Soudan est-il devenu une nouvelle victime des tiraillements géostratégique dans la région du Nil?    Le FMI abaisse ses prévisions de croissance pour la région MENA à 2,6 %    L'agence de notation PBR RATING maintient la note de "A (TUN) avec perspective stable" du Groupe SOPAL    La Fête du Travail en Tunisie : Une longue lutte pour les droits des travailleurs    Températures en hausse : jusqu'à 33 °C localement    Bizerte – Société régionale de transport : Acquisition de trois bus pour un million de dinars    Foot – Ligue 2 (23e journée) : Le programme actualisé    5 mai 2025, dernier délai pour le paiement des vignettes pour ces véhicules...    Corée du Sud : l'ex-président Yoon inculpé pour "abus de pouvoir"    Tunisie : Réserves en devises de la BCT à fin avril 2025    Le Taux moyen du marché monétaire (TMM) du mois d'avril 2025 en baisse à 7,50%    Kaïs Saïed : l'action politique continue sur la voie tracée par le peuple !    « Un monument…et des enfants »: Les jeunes à la découverte du patrimoine tunisien les 3 et 4 mai    Bâtisseurs : un hommage filmé aux pionniers de l'Etat tunisien    Le film Promis Le Ciel d'Erige Sehiri : film d'ouverture d'Un Certain Regard au Festival de Cannes 2025    Match FC Barcelona vs Inter Milan : où regarder la demi-finale aller de la Ligue des Champions, le 30 avril 2025 ?    Demain 1er mai, l'accès aux musées, aux sites et aux monuments sera gratuit    Décès de Anouar Chaafi, le talentueux metteur et scène et artiste tunisien tire sa révérence    Arsenal accueille le Paris Saint-Germain... Heure et chaînes de diffusion    beIN MEDIA GROUP prolonge l'accord de droits de diffusion en MENA et en Asie pour diffuser les compétitions de clubs de l'UEFA jusqu'en 2027    E-Football 2025 : Safwen Hajri champion de Tunisie et ira au Mondial saoudien (vidéo)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Lina Soualem, réalisatrice de «Leur Algérie», à La Presse : «J'ai imbriqué l'intime et le collectif»
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 02 - 2022

«Leur Algérie» est un film documentaire, à la fois intimiste et collectif. Lina Soualem, sa réalisatrice, y raconte l'histoire d'un déracinement en puisant dans celle de ses grands-parents. Edifiant et émouvant, le film se situe dans le temps et est actuellement dans les salles en Tunisie après une sortie en France, en Algérie, et prochainement en Belgique. Entretien.
«Leur Algérie» est le titre révélateur de votre film. A qui s'adresse-il ?
Je n'ai pas vraiment pensé «à qui s'adresser». Puisque c'est une histoire invisibilisée, je pensais au contexte dans lequel je vivais, c'est-à-dire en France. J'ai pris en compte le fait que ce n'est pas juste une histoire intime mais qu'elle soit surtout collective. Ce n'est pas que l'histoire singulière des Algériens, c'est aussi celle des déracinés, des exilés. Je sentais que le film pouvait toucher au-delà du contexte franco-algérien. Le film avait une portée plus large, bien en dehors de ce contexte.
A quel moment avez-vous pris la décision de faire de cette histoire un film ?
Au moment où j'ai appris que mes grands-parents se séparaient. J'avais envie de filmer ma grand-mère, simplement, sans être dans l'urgence d'en faire un film ou de raconter. Au moment de la séparation, j'ai pris conscience du silence qui existait autour de sa vie partagée avec mon grand-père et j'avais cette crainte de les perdre tous les deux sans qu'ils puissent me transmettre leur mémoire.
C'est à la fois une histoire familiale, qui raconte celle de deux pays et d'une époque. Est-ce que ce film a émané d'un besoin personnel de raconter l'histoire de vos grands-parents et avez-vous d'emblée conscience de sa portée universelle ?
Cette portée, je la voyais dès le départ. Même si je passais par l'histoire singulière de mes grands-parents qui se séparent après 72 ans de mariage, on se dit que c'est rare et original. Mais, en même temps, leur parcours racontait celui de nombreux immigrés algériens, nord-africains et de déracinés. Pour moi c'était important de transmettre leur histoire puisqu'ils font partie de cette génération qui ne sait pas raconter, à qui on n'a pas tendu le micro, qu'on voit quotidiennement mais qu'on n'écoute pas et qu'on stigmatise. J'ai donc imbriqué l'intime et le collectif, l'intime et le politique. J'ai été consciente du fait qu'il y a de nombreuses personnes de ma génération qui travaillaient sur ce sujet-là, des écrivaines, réalisatrices et autres que je côtoyais... Je sentais que ce n'était pas que mon histoire et je tenais à ajouter un côté individuel pour enrichir ce collectif qui se construit différemment.
Comment vos grands-parents ont réagi quand vous leur avez proposé l'idée de réaliser un film ?
Je ne leur ai rien proposé. (rires) Tout s'est passé d'une manière très naturelle, spontanée. Ma grand-mère me disait que tant que je passais du temps avec elle, il n'y avait pas de soucis à ce que je la filme. Mon grand-père n'était pas du tout dans le rejet de la caméra. Il ne faisait pas réellement attention. Petit à petit, à force d'insister et de lui expliquer, il m'écoutait mais ne répondait pas. Par moments, il évoquait des souvenirs, des anecdotes, des bribes d'histoires. Il fallait être dans son rythme et prendre le temps de l'observer, de l'écouter, de lui laisser le temps pour que la mémoire se réactive.
Comment avez-vous puisé dans vos sources ? Vos archives étaient-elles à la portée ?
Pour les images d'archives des années 90, c'est mon père qui les avait. Toutes les photos que j'ai, c'était des prises ou des photos d'identité que mes grands-parents avaient gardées. Mon grand-père faisait inconsciemment un travail d'archivage et mon père conservait ses traces de mémoire. Ce que j'ai dû chercher, ce sont les traces d'archives historiques que j'ai trouvées en France. Comme c'était les militaires qui filmaient à l'époque, les images étaient récupérées par «Gaumont actualité» ou autres : c'était des reportages de propagande sur les bienfaits de la colonisation. D'ailleurs, quand on prend les mêmes images et qu'on enlève la voix off et le montage, on voit une réalité autre. L'armée française avait donc accès à beaucoup d'archives, pas faciles d'accès et chers à utiliser.
Peut-on dire que votre film a une portée anthropologique ?
Je ne sais pas. (rire). Chacun a son interprétation ! Selon les grilles de lecture, les gens voient plusieurs choses : on me disait qu'il fallait prendre un angle et que j'avais beaucoup de matières, trop de sujets. J'ai essayé de faire des liens entre l'histoire d'un couple, d'une transmission, d'un exil et d'un aspect de la vie ouvrière en France. (La mémoire ouvrière n'est pas mise en avant). Ça peut être aussi l'histoire de l'émancipation d'une femme qui décide de vivre la fin de sa vie toute seule. C'est important que chacun puisse s'identifier dans ce film différemment. Pour moi, il est important de donner de la complexité à ces parcours de vie parce que ce sont des gens stigmatisés : on parle, par exemple, des exilés comme d'une masse homogène. C'est une manière de lutter contre la stigmatisation.
«Leur Algérie» est bien l'histoire d'un déracinement ?
Un déracinement à plusieurs niveaux : l'arrachement à la terre, aux parents (mes grands-parents se sont mariés très tôt), et l'arrachement des enfants à la mère et au père, très tôt aussi. Ce passage brutal à l'âge adulte est aussi un déracinement. Quand je vois les photos de ma grand-mère à 17 ans, elle ne les fait pas. Elle avait ce truc enfantin qu'elle a gardé en elle. Ce qui fait sa force c'est cette insouciance qu'elle a su garder. Pour mon grand-père, il y a une forme de dépossession, de manque de mémoire, dans le pays dans lequel il a vécu plus de temps, c'est-à-dire en France. Je tenais à capturer leur mémoire à tous les deux pour laisser une trace de ces vies.
Comment «Leur Algérie» se situe-il par rapport à l'actualité?
J'ai commencé à filmer en 2017. Il sort en plein débat, trois années après. Le film est au cœur de la volonté apparente du gouvernement de discuter d'enjeux mémoriels, et à la fois, il est au cœur de toute la xénophobie, de la campagne présidentielle, etc. On se dit donc que c'est bien, parce que les gens peuvent s'y intéresser plus, mais c'est dommage à la fois parce que ça entre dans les discours binaires et stigmatisés. Mais c'est important qu'on puisse raconter notre histoire, qu'on puisse la faire exister. Beaucoup ont si bien reçu le film. De nos jours, dans des débats publics, des retours en arrière et des remises en question des impacts de la colonisation se font souvent, mais ce n'est pas ainsi qu'on pourra avancer. Quand j'étais en Algérie pour la sortie du film, il y avait quelques tensions entre la France et l'Algérie : le public algérien était attentif et très ému. L'histoire de «Leur Algérie» est très commune. Il y a eu toute une réflexion collective, une extériorisation d'émotions enfouies, et le départ de ma grand-mère en Algérie, après 15 ans d'absence a recréé des liens. On a écouté différentes expériences de départs et de retours, difficiles, éprouvantes. On est parti aussi à la rencontre de lycéens qui vivaient en Algérie : ils ont réalisé un court-métrage qui s'appelle «Nost-Algéria» : ces jeunes vivent en Algérie, et ont fait un court-métrage sur une Algérie quittée : ils avaient cette nostalgie de partir alors qu'ils sont toujours là-bas. Cette peur de la perte de la terre est commune à tous les pays ayant vécu la colonisation et l'oppression. C'est une peur qui se transmet de génération en génération, génératrice de nostalgie très forte, dans une réalité très dure politiquement.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.