Par le Colonel (r) Boubaker BENKRAIEM* J'ai assisté médusé, inquiet et déconcerté, le jeudi 31 mars 2016, à partir de 21h00, à un programme télé «Le 8° Jour», en direct, au cours duquel l'un des invités, représentant certains bénéficiaires de l'amnistie générale de 2011, aujourd'hui sit-inneur à La Kasbah, a donné de fausses informations historiques. En effet, en exposant le cas des amnistiés qui l'ont chargé de présenter leurs doléances pour attirer l'attention des pouvoirs publics, il signala, à plusieurs reprises, que parmi les bénéficiaires de l'amnistie générale décrétée en février 2011, il y avait les personnes qui ont été arrêtées lors de ce qu'on a appelé «la révolte du pain» du 28 décembre 1983 au 6 janvier 1984, les qualifiant de militants et «d'opprimés de la dictature de Bourguiba». Ayant vécu, de très près, ces malheureux événements qui eurent lieu suite au renchérissement du prix des blés, dont le prix avait doublé, tout d'un coup, et de ses dérivés dont le pain, je ne peux me taire, face à cette déformation de l'Histoire. En effet, les manifestations populaires qui ont démarré à Douz et Kebili ont fait tâche d'huile et se sont propagées, un peu partout, dans la majorité des grandes villes du pays. Devant la brutalité des manifestants dont certains ont violenté les forces de l'ordre et ont essayé de les délester de leurs armes, des coups de feu ont été tirés, et il y a eu des victimes dont des blessés et quelques morts. Profitant de ce désordre et de ces échauffourées, des malfrats, et ils étaient nombreux, ont profité de l'aubaine pour saccager des biens publics et privés et de nombreux introduits parmi les manifestants n'ont pas hésité à dévaliser des magasins de tout type, de grande surface, et cela a été filmé et archivé. Des actes de vandalisme impardonnables ont été commis et des personnes ou des voyous ont été arrêtés en train de détruire, à la pioche, les escaliers en marbre d'un lycée nouvellement construit. Les forces de sécurité intérieure ayant été débordées, dès le premier jour, il a été fait appel à l'armée. Celle-ci a été chargée du maintien de l'ordre sur tout le territoire de la République et elle peut s'enorgueillir d'avoir accompli la mission qui lui a été assignée en préservant de la manière la plus digne et l'ordre public et la vie des citoyens, ce qui lui valut les félicitations de pays frères et amis. Il est normal qu'il y ait eu des arrestations et des condamnations. Et voilà qu'on exploite la Révolution pour mettre au même niveau les prisonniers politiques, pour des délits d'opinion, et les prisonniers de droit commun et considérer tous ceux qui ont été incarcérés lors de ces événements comme étant des militants persécutés par ‘‘la dictature'' de Bourguiba. Si ces prisonniers de droit commun pour vols, sabotage, saccages, etc... ont bénéficié de l'amnistie générale, alors adieu à la politique, adieu aux grandes valeurs morales et adieu au militantisme, au vrai militantisme et au diable la révolution et les valeurs qu'elle défend. Si l'un des partis cautionne pareille dérive, alors au diable la démocratie et les libertés qu'elle promet. D'ailleurs, rien n'est étonnant puisque lors de la remise des ossements des condamnés à mort du complot de 1962 à leurs familles, au lendemain de la révolution, celles-ci ont déclaré publiquement, haut et fort, qu'elles vont enterrer les ossements au cimetière des martyrs. Et les pouvoirs publics n'ont pas réagi, à ce moment-là, à ces déclarations. Je ne sais pas si les familles l'ont fait ou non. Mais je ne comprends pas le silence des pouvoirs publics qui n'ont pas réagi pour mettre les choses au point, car on ne doit pas considérer les comploteurs, quel que soit le régime en place, qui ont essayé de prendre le pouvoir par la force des armes, comme étant des martyrs !!!.D'autre part, comme on a libéré les terroristes de Soliman de 2008 puisqu'on les a fait bénéficier de cette amnistie sans penser à ceux qui ont été tués par ces terroristes, des agents de l'Etat en service commandé, alors on ne doit s'étonner de rien. Aussi, qu'avons-nous fait pour connaître la bonne liste des vrais martyrs et blessés de la révolution dont le nombre, grâce aux certificats médicaux de complaisance et les faux témoignages, n'a cessé d'évoluer, mois après mois, jusqu'à ce qu'il atteigne des chiffres invraisemblables? Donc on continue à fausser l'Histoire pour contenter toutes les parties !!! D'ailleurs, pourquoi ne pas inclure aussi, comme victimes de la dictature, les fous des stades qui, une fois le match terminé, utilisent les méthodes des hooligans pour saccager les gradins et battre le public adverse et qui, suite à tout cela, sont arrêtés par les forces de l'ordre et condamnés à la prison? Dommage pour notre pauvre Tunisie! J'ai voulu ainsi intervenir pour que notre Histoire ne soit pas faussée et pour qu'on n'exploite pas le silence intéressé de certains partis politiques et pour préserver les nobles acquits de la Révolution dont la liberté d'expression dont on use et abuse à tort et à travers. Que Dieu protège notre chère Tunisie. B.B. *Ancien sous-chef d'état major de l'Armée de terre