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Ontologie ou pensée du dialogue ?
L'écritoire philosophique
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 04 - 2016


Par Raouf SEDDIK
«Le premier étonnement ne porte pas sur le monde et la manière d'être des choses, mais sur l'adresse à l'autre — le fait que je parle à un autre et que l'autre me parle.» Voilà de quelle manière un philosophe français résumait la nouveauté de la philosophie d'Emmanuel Levinas dans une interview à un hebdomadaire parisien...
Le nom de Levinas a déjà été évoqué dans cette chronique, notamment quand il a été question d'éthique. Puisque c'est avec lui que l'éthique accède dans la philosophie européenne au statut de philosophie première. Ce qui signifie qu'elle ne représente plus le développement ou le prolongement d'une philosophie de l'être, d'une ontologie, comme elle le fait depuis Aristote jusqu'à Nietzsche en passant par Spinoza. L'éthique devient au contraire l'acte inaugural de la philosophie. Bien sûr, s'il ne s'agissait que d'énoncer des prescriptions et des proscriptions, on ne serait tout simplement pas en territoire philosophique. Mais, fondamentalement, l'éthique ne réside pas en cela. Elle réside ici en cette ouverture à l'autre, en l'émerveillement face à l'irréductible altérité que m'oppose son visage. De cette donnée première découle une obligation que chacun de nous se doit d'honorer dans son rapport à l'autre. Mais, doit-on ajouter, l'étonnement face aux choses en quoi Aristote reconnaissait la marque de l'élan philosophique cède sa place de point de départ en faveur, justement, de cet émerveillement face à l'autre et de la parole que sa présence requiert.
Tout part de là. C'est l'hypothèse que nous avons soulevée à la fin de notre précédente chronique au sujet du surgissement de la parole chez l'homme : non pas de quelque sonorité vocale émise de façon plus ou moins accidentelle dans un but de communication, mais d'une déclaration qui, à la fois, fonde et porte sur elle tout le poids d'une langue. La parole surgit donc dans la découverte de l'autre.
Or, cette hypothèse, nous l'avons rapportée à Martin Buber (1878 - 1965) qui, de fait, est considéré comme le penseur du dialogue. Il est utile de noter ici qu'aussi bien Martin Buber que Emmanuel Levinas (1906 - 1995) sont juifs, ayant des liens avec la tradition du hassidisme qui s'est développée à partir du XVIIIe siècle en Pologne et en Ukraine. L'un et l'autre ont d'ailleurs contribué à faire connaître ce courant mystique, qui se voulait critique à l'égard de la grisaille dans laquelle était tombée la vie spirituelle juive de l'époque.
En fait, il existait entre les deux des divergences. Il y a eu des critiques de chacun en direction de la pensée de l'autre. Mais, sur l'essentiel, ils se rejoignent pour apporter à la philosophie occidentale un élément nouveau qui, en même temps, ouvre des perspectives inédites... Des perspectives qui permettent aussi de relire l'histoire de la philosophie occidentale d'une manière très différente et très peu hegelienne. La place, par exemple, qu'Augustin a pu reprendre aujourd'hui dans le débat philosophique — et non pas seulement théologique — témoigne du renouvellement de cette lecture. Car Augustin est, dans le christianisme, le penseur du dialogue entre l'homme et Dieu. Il suffit de feuilleter ses Confessions pour s'en convaincre. Cela fait écho à ce passage significatif d'une conférence dans laquelle Buber parle de la Bible : «Aucun de ces livres n'est, comme celui-ci, rempli d'un dialogue entre le ciel et la terre. Il nous est raconté comment Dieu, toujours à nouveau, s'adresse à l'homme, et comment l'homme s'adresse à lui. Dieu informe l'homme de son projet concernant le monde, il lui fait partager «sa réflexion», (...). Il lui découvre ses intentions, l'appelle à participer à leur réalisation. Mais l'homme n'est pas un instrument aveugle, il a été créé libre (...), libre de se soumettre à lui ou de lui opposer un refus. A l'interpellation souveraine de Dieu, l'homme donne sa réponse autonome. «On peut dire à ce propos que la philosophie européenne subit au XXe siècle deux grands bouleversements : l'un, heideggerien, qui consacre l'ontologie en invitant à revenir à sa source, à savoir la merveille de l'être, la merveille du «il y a de l'être» (contre l'oubli de l'être en raison de la domination de l'étant) ; l'autre, d'inspiration hassidique, qui bouleverse l'ontologie et la détrône.
Ce deuxième bouleversement, par rapport auquel le face-à-face de l'homme avec Dieu occupe une place centrale — sans pour autant poser l'existence de Dieu comme une réalité ontologique — ouvre, comme nous le disions, des perspectives nouvelles, en particulier en matière de pensée des relations interpersonnelles. L'autre, c'est Dieu, mais c'est aussi l'autre homme ou l'autre femme... Et, pour Levinas, la manifestation de Dieu n'a pas d'autre lieu que le visage de l'autre homme.
Ces considérations qui précèdent n'ont pas d'autre but que de rappeler dans quel contexte philosophique nous nous trouvons quand, dans le fil du questionnement de nos précédentes chroniques, nous nous demandons si la rencontre de l'autre n'est pas la première étincelle à l'occasion de laquelle surgit la parole, et s'offre à l'homme la possibilité d'un arrêt, d'une interruption de l'errance... d'une sédentarité qui est à la fois être au monde et travail de la terre.


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