Tandis que les opérateurs réclament une «nationalisation» complète des géants du refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, certains élus démocrates réclament leur dissolution pure et simple. La «bombe à retardement» de la réforme du financement de l'immobilier préoccupe la Maison-Blanche. A onze semaines des législatives de mi-mandat, la situation encore très tendue sur le marché de l'immobilier résidentiel continue de peser sur le climat de reprise. Face à la pression des opérateurs, qui réclament une solution «radicale», le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, a promis mardi une «réforme fondamentale» des deux géants du refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, déjà renfloués par l'Etat à hauteur de 150 milliards de dollars depuis septembre 2008. Mais, pour nombre d'observateurs, le casse-tête de la réforme des deux organismes parapublics révèle les lacunes de la réforme de Wall Street. «Il n'est pas tenable de maintenir en place le système que nous avons aujourd'hui», a reconnu Tim Geithner lors d'une conférence organisée à Washington, sans cacher que la réforme du financement immobilier reste «l'un des problèmes de politique économique les plus importants et les plus compliqués du pays». Déjà, en juillet, l'administration Obama s'est engagée à présenter au Congrès, d'ici à janvier 2011, un projet de réforme des deux organismes, qui détiennent ou garantissent 53 % du total des 10.700 milliards de dollars des prêts résidentiels américains (et 90 % des nouveaux prêts). «Nous ne soutiendrons pas l'idée que Fannie et Freddie reviennent au rôle qu'ils jouaient avant leur mise sous tutelle, où ils se battaient avec le privé pour prendre des parts de marché avec le soutien apparent de la garantie de l'Etat», a-t-il précisé. Face aux inquiétudes croissantes de certains intermédiaires, il s'est toutefois prononcé pour le maintien d'une forme de garantie gouvernementale aux organismes de refinancement. «Trou noir» La promesse prudente du secrétaire au Trésor vise à apaiser les craintes des opérateurs sur le «trou noir» que menace de représenter la situation de Fannie Mae et Freddie Mac en l'absence de reprise tangible du marché immobilier américain. «Penser qu'il puisse y avoir une place importante pour le secteur privé dans l'avenir du financement du logement est irréaliste», a lancé Bill Gross, le gérant du fonds obligataire Pimco, en réclamant une «nationalisation pleine et entière» de Fannie et Freddie. Une solution déjà évoquée par l'économiste de Harvard Kenneth Rogoff, qui préconise une nationalisation des deux organismes et leur revente par appartements. Mais le président démocrate du comité des services financiers de la Chambre des représentants, Barney Frank, l'un des deux principaux auteurs de la réforme de Wall Street, a défendu une position encore plus radicale en plaidant pour leur « dissolution» pure et simple. «Il n'y a plus de formule hybride privée-publique. Si nous voulons subventionner le logement, nous devons le faire directement à travers le budget», estime-t-il. Au centre des critiques : le statut hybride de GSE («government sponsored enterprise») des deux organismes, qui leur a permis de titriser des crédits hypothécaires douteux en les écoulant sur le marché des capitaux avec la garantie apparente de l'Etat. «Le marché résidentiel pèse encore sur la reprise», a reconnu hier Barack Obama en estimant qu'il faudra encore du temps pour absorber les effets de la bulle du «subprime». En l'absence de reprise tangible, le montant des subsides gouvernementaux encore nécessaires pour renflouer Fannie et Freddie pourraient s'élever à 390 milliards de dollars jusqu'en 2019, selon les calculs du Congrès. En se prononçant pour le maintien d'une forme de garantie de l'Etat, Tim Geithner semble avoir écarté leur privatisation complète. Mais il a aussi souligné l'absence de consensus sur le nouveau système, tout en appelant de ses vœux une solution «bipartisane», compte tenu des erreurs du passé. Selon une étude de l'agence Fitch publiée mercredi, 18 août 2010, les quatre principales banques du pays — JP Morgan, Citigroup, Bank of America et Wells Fargo — pourraient perdre jusqu'à 42 milliards de dollars si elles étaient amenées à racheter des crédits en défaut auprès de Fannie Mae et Freddie Mac.