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Ameur Hizem, ancien sélectionneur national: «Sans Chetali, on ne se serait pas qualifié pour l'Argentine»
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2023

Ameur Hizem restera à jamais un monument du football national. A l'égal d'Abdelmajid Chetali et des grands bâtisseurs de la légende des Aigles de Carthage. Né le 22 septembre 1937 à Monastir, il signa sa première licence en 1952 pour les cadets de l'Union Sportive Monastirienne dont il rejoignit l'équipe seniors à partir de 1958 jusqu'en 1962 en tant que milieu, défenseur central ou latéral. Avant d'aller jouer en D2 et 3 allemande avec Knapsack et Solingen. Hizem a pris en main l'équipe nationale «A» à trois reprises (novembre 1970 à juillet 1974, décembre 1978 à avril 1979 et septembre 1980 à avril 1981), l'USMo trois fois aussi, le Stade Tunisien, le Club Africain et EM Mahdia. Il exerça également à Oman et en Arabie Saoudite. Son palmarès de technicien compte la médaille d'or de la coupe de Palestine en 1973 en Libye, la médaille d'argent des Jeux méditerranéens 1971 à Izmir et deux coupes maghrébines des clubs avec le CA (1975 à Casa et 1976 à Tunis). Ce père de trois enfants a enfin été directeur technique national à deux reprises.
Ameur Hizem, dites-nous d'abord, quel est le secret de votre réussite?
Le travail de base, et la patiente œuvre visant à décomplexer le joueur tunisien. Quand tu gagnes contre l'Allemagne alors que tu n'as que 16 ou 17 ans, cela va te libérer pour toute la vie.
Les accidents de parcours n'ont pourtant pas manqué: élimination de la coupe du monde 1974 face à la Côte d'Ivoire, et des Jeux olympiques 1972. Pourquoi un tel échec dans deux échéances aussi importantes ?
Le Major Lamptey, de triste mémoire, était passé par là. Après un nul (1-1) à Tunis, cet arbitre ghanéen fit des siennes à Abidjan, offrant la victoire aux Ivoiriens (2-1). Il a expulsé Ali Rtima. Je n'hésiterais pas à dire avec du recul qu'il était «vendu». Et puis, nos clubs ne participaient pas encore aux coupes africaines. Il nous manquait l'habitude de ces safaris éprouvants où il nous arrivait de ne rien manger de leur pain noir, de leurs plats étrangers à notre goût…. Tout juste après, j'ai donné ma démission. Mais Mohamed Sayah ne l'a pas acceptée, me disant qu'il encourageait les entraîneurs tunisiens. J'étais fatigué par toutes ces années de sacrifices.
Financièrement, je ne gagnais pas grand-chose: 140 dinars en prenant la sélection Cadets baptisée Sélection 1971 jusqu'à mon départ de l'équipe «A» en 1974. En plus des 60 dinars, mon salaire en tant qu'enseignant à l'Institut supérieur des sports. Le salaire de DTN était de 100 dinars. Quant à la prime de la coupe de Palestine, elle était de 300 dinars. A mon départ de la sélection, je ressentais une profonde douleur.
Une polémique a vu le jour avant votre voyage à Bamako (défaite 2-0, le 7 mai 1972) pour jouer contre le Mali aux éliminatoires des JO 1972. Fallait-il vraiment aller préparer à Vichy un tel safari dans l'enfer de Bamako ?
On a injustement évoqué un choc thermique pas aussi évident que cela. Vichy nous assurait au vrai toutes les conditions d'une excellente préparation. Dans ce tournoi préolympique, nous n'avons pas été battus par le Maroc (0-0 et 3-3). Le Mali ne nous était guère supérieur. Mais nous ignorions tout de nos adversaires. Ce n'était pas comme aujourd'hui avec la télé, l'internet, la supervision directe des adversaires… Je me rappelle aussi que Feu Mohamed Ali Akid nous rejoignait pour la première fois à l'occasion de ce tournoi triangulaire.
En vous remplaçant après le bref intermède André Nagy, qu'est-ce que Abdelmajid Chetali a apporté ?
D'abord, Nagy. Je l'ai pourtant aidé lors de la passation de pouvoir. Seulement, il a voulu démontrer qu'il allait innover en chambardant une équipe pourtant toute prête. Et cela a été un flop. Il y a des gens qui débarquent juste pour montrer le bout de leur nombril. Il a fini par se compliquer l'existence. En revanche, Chetali sait apprécier les choses simples en cherchant la continuité. Il a eu beaucoup de mérite. Il s'est montré très coopératif avec les entraîneurs des clubs. Je me rappelle qu'à un certain moment, il a voulu remplacer Attouga par Lamine Ben Aziza. Je lui ai dit qu'il devait se débarrasser de tout sentimentalisme ou chauvinisme, et que s'il voulait vraiment aller en Argentine, il devait garder Attouga qui reste un ogre et une hantise pour les Marocains et les Algériens. Et qui venait, justement ce jour-là, de nous sortir un match magnifique contre l'USM au moment même où Ben Aziza prenait quatre buts à Kairouan. J'étais bien placé pour juger de la valeur de Sadok Sassi car j'étais son entraîneur au CA. Il est pourtant évident que sans Chetali, on ne se serait pas qualifié pour l'Argentine. Nous étions restés de grands amis. Ayant passé un semestre à l'Académie de Cologne, je l'ai imposé afin qu'il soit avec nous au tournoi d'Alger. Il m'a demandé d'avoir une chance, même à la tête de la sélection juniors. Je me rappelle qu'à un certain moment, le président de l'ESS, Hamed Karoui, a proposé à son homologue du CA, Azouz Lasram, de procéder à un échange: Chetali au CA, et moi à l'ESS.
Pourquoi l'expérience de la sélection 1971 n'a-t-elle plus été renouvelée?
Parce que chacun cherche fiévreusement les résultats immédiats. La férocité de la compétition fait que, pour survivre, il faut gagner coûte que coûte, et tout de suite. Il n' y a plus de travail à long terme. La patience n'a plus aucun sens. Le travail de la Sélection 1971 s'était poursuivi durant une bonne décennie. En sélection, je travaillais comme si j'étais dans un club. Contre le Brésil, en amical le 6 juin 1973, j'ai lancé dans le grand bain Dhouib et Kaâbi que le public ne connaissait presque pas. Tarek et Gasmi, je les ai lancés à 19 ans. Je savais pourtant que le public allait me critiquer, mais j'ai pris tous les risques. Je sais encaisser. Un membre fédéral s'est fendu de cette remarque lorsque j'ai convoqué pour la première fois Gasmi: «Un défenseur fruste et violent, un «casseur» chasse l'autre: après Mrad Hamza, Hizem appelle Gasmi !». On connaît la suite. J'ai essuyé un tas de critiques à cause de mon choix des joueurs. Heureusement, à long terme, ces choix s'avérèrent payants.
Dans votre interminable parcours, tout avait commencé en Allemagne, à l'Institut des sports de Cologne…
J'ai été le premier à bénéficier d'une bourse de l'ambassade d'Allemagne, et elle ne le regrettera jamais, loin s'en faut ! Après une année de langue à l'Institut Goethe, j'ai intégré cet établissement prestigieux d'EPS où j'ai obtenu le diplôme de Prof. L'ancien entraîneur du Club Sfaxien, Eckhard Krautzen, a été mon camarade de classe. J'y ai laissé les meilleures impressions à tel point que lors de la visite de Mohamed Mzali à notre Institut, le doyen lui a demandé s'il pouvait envoyer à titre exceptionnel dans son établissement cinq autres étudiants tunisiens aussi bosseurs et disciplinés qu'Ameur Hizem, ce qui d'ailleurs fut fait. De ce quintette, seul Jamaleddine Bouabsa était allé jusqu'au bout de ses études.
Qu'avez-vous fait en rentrant au pays ?
En novembre 1966, j'ai été nommé au Lycée des garçons de Monastir en tant que seul Prof tunisien parmi un tas de Français. Notre pays ne comptait alors que des maîtres assistants. En fait, au même moment où je partais étudier en République fédérale allemande, le spécialiste de basket-ball, Borhane Erraies, s'en allait à Paris. Avant notre départ, il m'a demandé de partager des responsabilités à l'Institut de Ksar Said. J'ai refusé, lui expliquant que j'étais un homme de terrain et que seul le travail avec les sportifs m'intéressait.
Dès votre retour de la RFA, vous prenez en main le club de vos premières amours, l'USM.
Déjà en République fédérale allemande, j'ai été entraîneur-joueur d'un club amateur de 2e division, Knapsack, près de Cologne. J'ai également joué à Solingen, dans la même région. De retour à Monastir, une blessure m'empêcha de terminer la saison 1966-67. L'année suivante, j'étais désigné entraîneur. Nous avons terminé à la troisième place. J'ai apporté la méthode allemande et sa rigueur tactique. Puis un jour, malgré la ferme opposition de notre président de club Allala Laâouiti, le ministre des Sports, Mondher Ben Ammar, me désigna à la tête de la sélection Cadets. Le foot national sortait de la déception des Jeux méditerranéens de 1967 à Tunis. Ben Ammar m'a dit qu'il fallait préparer une sélection capable de tenir la route à l'horizon 1971, me demandant de préparer un programme sur quatre ans. On sait que les choses iront plus loin. Le noyau de la sélection 1971 allait ébahir le monde en Argentine.
Par quel miracle ?
Mon expérience m'a appris que les jeunes Tunisiens n'ont rien à envier aux Européens. Il faut juste se décomplexer en mettant sur pied le maximum de rencontres internationales contre des sélections de valeur. Pour en arriver là, il a donc fallu une bonne dizaine d'années de labeur et de patiente maturation. Par exemple, nous avons joué la finale du tournoi de Dusseldorf, en Allemagne avec la sélection Espoirs. Le fossé commençait à se rétrécir. L'opération 1971 faisait son chemin.
Cette expérience rare va se révéler un succès total…
Oui, en amont, j'ai commencé avec les cadets, les Abdelmajid Ben Mrad, Nejib Limam, Khaled Gasmi… Il nous fallait participer aux grands tournois pour jouer contre l'Allemagne, le Brésil, l'Italie…Rivaliser petit à petit avec eux, se débarrasser de nos vieux complexes car il ne faut pas oublier qu'en ce temps-là, l'équipe algérienne du FLN était capable de nous refiler huit buts, la Hongrie six… J'avais tout juste 31 ans. J'ai mis en place un programme copieux. La collaboration des entraîneurs des sélections régionales a été très précieuse: à Tunis Mouldi Belkhamsa, à Sousse Mahmoud Denguezli, à Sfax et à Bizerte… Je donnais à chaque fois une séance d'entraînement-modèle à leur intention, surtout pour les entraîneurs des jeunes. Deux ans de suite, j'ai tenu ce rythme infernal. Je me déplaçais à bord de ma propre bagnole.
Qu'avez-vous gagné en échange ?
Moins de 200 dinars par mois. Même entraîneur national, je percevais 160 dinars. Je n'ai jamais demandé d'augmentation. Jusqu'à mon passage au CA qui me payait 250 D, puis le ST qui me payait 500 D. Ce n'est qu'en allant en Arabie Saoudite que j'ai réussi à gagner quelque chose. En fait, Avec Borhane Errais en basket-ball, je possédais le plus haut diplôme sportif en Tunisie. J'assurais par conséquent la formation des cadres, en plus de mes fonctions à la tête des sélections des jeunes. Temime Lahzami, Tarek Dhiab, Mokhtar Dhouib et Hamadi Agrebi étaient passés par là. Nous travaillions dans des conditions pénibles, mais on ne s'en était jamais plaint.
On a préparé la coupe de Palestine 1973 que nous allions remporter haut la main au Centre militaire du Bardo qui n'avait ni climatisation, ni rien. On n'a laissé même pas des miettes à l'Egypte, notre principal adversaire. En guise de récompense, le président Bourguiba nous a reçus et offert une prime de 150 dinars. Bouchamaoui, qui vivait en Libye, nous a, lui aussi, offert une prime de 150 D.
N'était-il pas insensé de croire que les jeunes footballeurs tunisiens pouvaient rivaliser avec leurs homologues européens et sud-américains ?
Pas du tout. Non seulement, ils ont réussi à rivaliser; mieux encore, ils les ont parfois dépassés. Je demeure convaincu que le jeune footballeur tunisien reste intrinsèquement supérieur aux Européens. C'est après, à l'âge des seniors, que la tendance s'inverse. Nous ressemblons un peu aux Brésiliens. Malheureusement, il n'y a pas de continuité. En 1970, au tournoi de Constance, en RFA, notre sélection Espoirs a eu affaire à Clodoaldo et Edu qui allaient être sacrés champions du monde quelques mois plus tard, au Mexique avec le grand Brésil. Nous avons tenu en échec ce Brésil-là qui n'assura sa qualification qu'au tirage au sort. La presse allemande écrivit: «Nous attendions le Brésil, ce fut la Tunisie qui nous a régalés d'un football de très haut niveau». Nous avons été également au tournoi de Cagliari…Tiens, en Sardaigne, la star locale, Gigi Riva, était resté sidéré par la prestation de nos jeunes joueurs.
En novembre 1970, vous relevez logiquement le Yougoslave Rado Radocijic qui commençait à faire du n'importe quoi. Qui vous a choisi parmi la meute de candidats ?
Ce sont les entraîneurs des clubs qui ont proposé mon nom. La polémique était à son comble, et Rado fortement fragilisé. Le journal «L'Action» joua sur le coup un rôle primordial. Suite à la défaite de la Tunisie face à l'Italie militaire (3-0), le 11 novembre 1970 en amical à El Menzah, furieux, le journaliste Mokhtar Ismail invita ses lecteurs à élire leur formation préférée pour représenter la Tunisie. Mieux, le journal voulut mettre sur pied un match amical entre «sa» sélection et celle réelle que je conduisais depuis l'éviction de Rado. Le président de la fédération, Béji Mestiri, ne voulait pourtant pas de ce test qui aura finalement lieu. Un fait inédit ! L'équipe de «L'Action» était confiée à Abderrahmane Ben Ezeddine. Elle s'inclina contre la mienne. Pourtant, tout le public présent était acquis à sa cause. J'ai convoqué pour la première fois le pivot cotiste Abdelmajid Jelassi. Je l'ai imposé contre l'avis des membres fédéraux auxquels j'ai dit: «Souvenez-vous bien: il sera le Beckenbauer de la Tunisie». Là, c'est le flair qui parle.
Etes-vous resté longtemps à la tête de la sélection ?
Quatre ans lors de ce premier passage, de 1970 à 1974. Pourtant, le ministre des Sports, Tahar Belkhodja, déclara qu'on allait donner sa chance à Hizem pour six mois. Mais j'ai refusé d'être mis sous examen dans ce mandat provisoire qui ne rimait vraiment à rien. Je lui ai dit que si ça ne marche pas, je me retire.
Avec les Khaled Gasmi, Mohieddine Habita…, je venais de remporter les Championnats universitaires maghrébins à Alger. On était parti en janvier 1971 prendre part à la Semaine de l'amitié tuniso-saoudienne. En avril 1971, l'entraîneur yougoslave du CA Bizertin de l'époque, Ozren Nedoklan, me déconseilla fortement de jouer contre l'Allemagne olympique qui comptait dans ses rangs Paul Breitner et Uli Hoeness tout simplement parce qu'il craignait que notre sélection sorte traumatisée par une lourde défaite. «Nous allons apprendre contre plus fort que nous», lui ai-je répondu. On a gagné (2-0).Nedoklan a été le premier à me féliciter après le match.
Certains observateurs parlent du «miracle de la sélection 1971». N'y a-t-il pas exagération ?
Non, imaginez la grosse satisfaction que l'on éprouve, légitimement du reste, au bout d'une aussi longue et patiente maturation. J'ai commencé avec des joueurs cadets, nous atteignons ensemble le plus haut niveau. En 1972, je lance dans le grand bain les Tarek Dhiab, Ali Kaâbi…Je garde en même temps le noyau dur: les Attouga, Mohamed Zouaoui, Ahmed Mghirbi, Ezeddine Chakroun, Abdessalam Chammam, Abdessalam Adhouma… L'Union maghrébine de football me choisit pour coacher la sélection maghrébine à un tournoi en Chine. Faute d'équipe représentative prête, nous avons dû annuler ce voyage et le remplacer par un autre à Téhéran. Au tournoi d'Alger, nous avons remporté la finale en présence du président algérien Houari Boumediane contre les Brésiliens de Palmeiras grâce à un but de Chakroun.
Il n'en reste pas moins que les JM 1971 d'Izmir et la coupe de Palestine 1973 à Tripoli restent les deux hauts faits d'arme qui ont relancé le foot national ?
Plus généralement, les années 1970 représentet le Printemps du football tunisien. Notre sport-roi resplendissait. Les petits clubs pouvaient légitimement remporter des titres, à l'image de la JSK ou du SRS…, car la justice régnait dans notre championnat, pas comme ce qui se passe ces dernières années où tout marche de travers. Le titre remporté en Libye devant onze nations arabes traduisait une suprématie totale: meilleure attaque, meilleure défense, prix du fair-play, Mohieddine Habita, surnommé à l'occasion le Pelé arabe, remportait le tableau des buteurs… Toutes les nations furent étonnées par la Tunisie. Certains prétendent que la coupe de Palestine, c'est du toc. Si c'est le cas, pourquoi alors ne l'avions-nous plus remportée que ce soit à Kunieitra, en Syrie avec André Nagy, que ce soit à Tunis avec Chetali ?
La médaille d'argent des Jeux Med d'Izmir a-t-elle davantage de valeur que l'or arabe ?
A Izmir, la Tunisie a laissé le public turc sous le charme. Après la finale pourtant perdue (1-0) face à la Yougoslavie devant 80 mille spectateurs, ce public a longuement applaudi nos joueurs. Nous avons même marqué un but régulier refusé par l'arbitre.
C'était le point de départ, nous prenions confiance en nos moyens. Pour la première fois de son histoire, la Tunisie a battu la France (2-1). Dans les rangs des Bleus, il y avait un certain René Exbrayat, le futur entraîneur du Club Africain qui avait comme adversaire direct Ahmed Zitouni, l'enfant du… CA ! Avant la rencontre, Mohamed Mzali s'adressa aux joueurs en leur disant que la France nous snobait quelque part. «Depuis au moins dix ans, alors que j'étais encore président de la fédération, les Français refusent toujours de jouer contre la Tunisie. C'est votre chance. Il faut leur démontrer ce que nous valons», leur avait-il expliqué. Le 7 octobre 1971 reste une date historique pour le sport tunisien.
Quel est le meilleur parmi les joueurs que vous avez eu sous vos ordres ?
Tahar Chaïbi, un spectacle à lui seul et un bulldozer. Aux Jeux méditerranéens d'Izmir, il a dominé adversaires et partenaires.
Pourtant, quelques semaines plus tôt, lorsque je l'ai pris au stage d'Ain Draham, il trainait encore un petit ventre. Il y a chez lui quelque chose de l'ouragan imparable. Beaucoup de clubs européens se sont intéressés à lui après Izmir. Saint-Etienne et Austria Vienne m'en ont parlé. Je leur ai conseillé de contacter directement son club. Mais le CA refusait de le libérer.
Attouga aussi ne m'a jamais déçu.Tout comme Abdessalam Chammam, un joueur exceptionnel. Une injustice a fait que Mohieddine Habita ne joue pas le Mondial. Au tournoi de Téhéran, il laissa le public sans voix. Ce public n'a pas cessé de hurler à tue tête: «Pelé, Pelé» parce qu'on le prenait tout bonnement pour un autre Pelé. Au fond, je ne peux pas ressortir un nom parce que tous mes joueurs furent formidables: Tarek, Ben Mrad, Chakroun, Adhouma, Agrebi, Dhouib, Mghirbi … Temime aussi qui commença avec moi en sélection juniors.
Par la suite, vous êtes parti chercher de nouvelles sensations au CA et au ST…
J'en garde le sentiment d'une grosse injustice. Par deux fois, le Stade Tunisien a perdu le championnat à cause de l'équipe nationale. A chaque fois, on m'appela pour assurer le cumul EN-ST, ce qui pénalisa évidemment le club présidé par feu Hedi Enneifer.
La troisième année, nous avons compté jusqu'à 7 points d'avance sur le second.
Nous avons perdu le titre sur la ligne d'arrivée pour un petit point. J'étais amené à assurer un cumul car les ministres des Sports, Hedi Zghal et Mohamed Kraiem, ressortaient l'argument du devoir national. Et puis, j'étais dépendant du ministère des Sports en tant qu'inspecteur ou d'enseignant à l'INEPS. Je ne pouvais faire autrement.
Comment avez-vous refusé de prendre une 4e fois la sélection nationale ?
En 1985, Hamed Karoui, qui était ministre des Sports, voulait m'engager après le passage de Youssef Zouaoui et l'élimination de la coupe du monde contre l'Algérie. Mais cette fois j'ai tenu bon pour rejeter cette offre, tout en défendant la cause d'un autre technicien tunisien, Amor Dhib. Mais le ministre tenait à engager un sélectionneur étranger. Et ce fut Jean Vincent !
On vous accuse d'avoir cherché à rester au chaud derrière les certitudes de l'équipe 1971 ?
Loin s'en faut ! Autrement, je ne serais pas retourné en sélection par deux fois. Je suis satisfait de la carrière que j'ai faite au service de mon pays.
Ma plus grande satisfaction, c'est lorsque mes joueurs disent vouloir gagner pour Si Ameur. Nous étions en parfaite symbiose. Je n'ai jamais eu de problèmes avec les responsables. Je suis le seul sportif tunisien à avoir bénéficié de l'ordre du Commandeur des mains du Président Bourguiba. Je suis également le seul à avoir reçu deux fois la médaille de la fédération.
Que représente pour vous la famille ?
Toute ma vie, une source d'équilibre total en grande partie grâce à celle que j'ai choisie pour partager ma vie, Najet, maître d'application. Un jour, dans son émission «Sport Zmen», Moncef Ben Said m'a demandé si je possède vraiment trois immeubles à Monastir comme cela se racontait. Eh bien, je lui ai répliqué que ces immeubles-là sont en fait mes trois enfants: Sami, centralien et directeur d'un bureau d'études après une brillante carrière dans la société General Electric; Ryadh, médecin et qui avait exercé à la tête du staff médical de l'USM, et Feyrouz, biologiste et qui a son laboratoire à Sousse. Elle a vu le jour le dimanche où l'USM a battu l'EST de Tarek Dhiab et Temime (4-1). Je passe des moments agréables avec mes petits-enfants.
Comment passez-vous justement votre temps libre ?
Je suis un grand passionné de boules et pétanque. Et comme tout Monastirien qui se respecte, j'aime la mer et les baignades. Sans oublier une bonne partie de belote au café.
Si vous n'étiez pas dans le sport, quel autre domaine auriez-vous choisi ?
Je serais enseignant d'arabe ou de français. Notre entraîneur à l'USM, l'Allemand Rudi Gutendorf, m'a choisi capitaine d'équipe. J'ai appris à donner sans attendre en retour. Le sens de la communication et du partage, quoi de plus précieux !
Enfin, êtes-vous optimiste pour l'avenir de la Tunisie ?
Je n'ai aucune crainte pour son avenir. La violence et le terrorisme, c'est comme une mode, cela va passer. La majorité écrasante des Tunisiens sont des bons vivants.Bourguiba en a fait un peuple cultivé. Et cela est très important pour résister à toutes les dérives et à l'extrémisme.


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